Instructions pour la lecture du premier livre

(p.  21-41)

 

 

1)      Faites attention au Prologue ! La « Dédicace »

Il y a différentes sortes de prologues :  introductions au contenu, motivations pour lesquelles et en vue desquelles le livre a été écrit, présentation de l’auteur du livre, indication de raisons pour le lire…

Quel genre de préface saint Bernard écrit-il ?

Comment apprenons-nous à le connaître personnellement dans ces lignes ? Au sujet de son caractère ? Concernant sa relation à Eugène ?

Quelles sont les paroles de l’Ecriture à l’arrière plan ?

Si vous avez envie et le temps, comparez la préface avec les lettres 237 et 238. (Dalloz, p. 9-18) Quelles sont les demandes communes ? Y-a-t-il également des différences ?

 

Dans l’introduction à ce chapitre et au suivant, je désire signaler encore quelques éléments qui m’ont frappée personnellement. S’il vous plait ne lisez mes pensées qu’après votre lecture, en guise de complément ! Sinon ce serait comme une définition de mots croisés : Quand on ouvre tout de suite la page avec les solutions, la recherche perd tout charme ! Par ailleurs mes pensées ne prétendent pas être exhaustives. Il est possible que quelque chose de tout à fait autre vous frappe et soit important, ce qui est parfaitement justifié et sensé !

 

v      Le « conflit » entre crainte et amour se retrouve souvent dans les introductions de Bernard. Par exemple l’introduction à la lettre 42. Il s’agit d’une forme littéraire classique.

v      Je remarque que cette introduction témoigne, plus que tout autre œuvre de saint Bernard, de son caractère passionné, sensible et énergique. Il se sent toujours comme une mère vis à vis de son ancien moine, devenu abbé depuis longtemps et maintenant pape. Voir les images de saint Paul dans lesquelles lui aussi décrit ses soucis pour les communautés comme des soucis maternels ! Cette relation comme celle d’une mère à un enfant est certes belle, mais non sans danger : Bernard ne peut pas résister entièrement à la tendance de « materner » encore Eugène « adulte ». Comme la lettre 237 le montre, il ne lui fait pas confiance en tout cas pour de grandes choses. Il veut encore le protéger. Cependant Eugène s’est très rapidement montré par la suite d’un caractère fort et indépendant, nullement suspendu de manière servile aux lèvres de son père spirituel.

v      Les passages cités de la Bible, Ps 139(138), non cité explicitement à l’arrière-plan de l’avant-dernier paragraphe de la Dédicace (p. 22) et  Mt 8,19 témoignent également de l’amour fidèle, soucieux et passionné de saint Bernard.

 

2)      Arrêtez-vous avant de lire le premier chapitre : Bernard s’apprête à donner quelques conseils à son ancien disciple devenu pape. Que conseilleriez-vous à votre ami dans une situation semblable ? Comparez vos pensées avec celles de saint Bernard. Y-a-t-il des ressemblances ? Ou bien proposeriez-vous de tout autres priorités ? Pourquoi ?

 

3)      Concernant le chapitre 1 : plainte sur ses occupations (I, 1 ; p. 23-24)  Bernard commence, semble-t-il par hasard, avec une plainte. Il voit visiblement un danger durable dans un état de surmenage. Pourquoi cet état lui semble-t-il dangereux ? Partagez-vous l’opinion de saint Bernard ?

 

Mes réflexions, pour comparer :

v      Le thème du danger du surmenage avec des charges extérieures est un thème classique des auteurs spirituels, par exemple dans la lecture du bréviaire pour la mémoire du pape Grégoire le Grand avec sa plainte sur ses nombreuses occupations qui empêchent son recueillement. C’est donc une plainte typique de la part d’un moine qui a « goûté » aux profondeurs de la vie spirituelle.

v     Comme danger Bernard voit d’abord de manière tout à fait réaliste l’échec des démarches : « tu t’engages, mais tu n’imposes rien, etc. », ensuite comme danger spirituel plus profond la baisse de la sensibilité, l’accoutumance et finalement l’endurcissement du cœur. Cela n’apparaît que dans les  chapitres ultérieurs, mais il y a déjà ici quelques allusions : « Ton front est endurci… » Bernard use fréquemment de ce procédé : il introduit une idée d’abord tout à fait librement, comme une proposition subordonnée, pour y centrer ensuite de plus en plus son argumentation.

v     Les passages de l’Ecriture à l’arrière-plan de ce chapitre sont très clairs ! Les avez-vous consultés ? Os 10,11 : «Ephraïm est une génisse bien dressée, aimant à fouler l’aire ; moi je ferai passer le joug sur son cou magnifique, j’attellerai Ephraïm, Israël labourera, Jacob traînera la herse… » A partir du contexte il est possible de voir que cette disponibilité d’Ephraïm (=Jacob=le peuple d’Israël) devient un reproche. Le prophète met en garde de tout faire trop légèrement ce que réclame l’entourage, sinon le danger existe, « vous avez labouré le mal » (Os 10,13). Bien davantage le lecteur, ou plutôt l’auditeur est tenu à «défricher des terres nouvelles ; il est temps de chercher le Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne répandre sur vous la justice»(Os 10,12). Et Eugène se trouve précisément aussi dans cette situation ! Voir aussi l’image concrète du battage, celle d’un travail épuisant et à répétition !

v     Comme deuxième passage de l’Ecriture, je voudrais citer 2 R 19,3, le seul passage cité mot pour mot. Lorsqu’on regarde de près, il s’agit ici d’une des situations les plus critiques de l’histoire d’Israël. Les Assyriens sont devant les murs de Jérusalem. Les villes des environs sont toutes tombées. Le danger est très grand : faut-il se rendre ou résister ? Le prophète Isaïe réussit avec peine à augmenter la foi du peuple et celle du roi Ezéchias pour qu’il n’abandonne pas. Et le miracle se produit : les Assyriens se retirent sans rien faire à cause d’une épidémie subite dans leurs rangs. Quel exemple encourageant et également éclatant pour la situation du pape : lui aussi se trouve sous une grave menace, lui aussi ne doit pas se rendre, et même lui aussi peut espérer une victoire !

 

4)      Pour les autres chapitres, je ne désire pas donner d’instructions détaillées. Je suis sûre que vous vous y retrouverez bien par vous-mêmes. S’il vous plaît tenez-vous, pour autant que cela puisse vous aider par la suite, aux conseils généraux sur la feuille spéciale. Si vous ne pouvez pas vous servir d’un conseil, laissez-le tout simplement !

 

Peut-être les questions suivantes pourraient encore vous aider : Comment Bernard résout-il le conflit « classique » entre action et contemplation ? Dans ce qu’il dit, qu’est-ce qui est intemporel ? Peut-être aujourd’hui tout particulièrement actuel ? Où sont ses évocations particulièrement impressionnantes, concrètes et évocatrices ?

 

5)      Pour le chapitre concernant les vertus principales (I, 10, 2e §, Observe… - 11 ; p. 35-38) : Au cas où vous voudriez en savoir davantage, consultez simplement un manuel de morale générale ou un dictionnaire religieux. Comparez leurs indications avec les arguments de saint Bernard. Pourquoi a-t-il choisi précisément cet exemple ?

 

 

6)      Et tout à la fin de la lecture du premier livre, je désire vous inviter à réfléchir aux questions suivantes :

 

v     Vous avez maintenant appris ce que Bernard entend par « considération », consideratio. Ce mot latin était pour moi particulièrement difficile à traduire, car je voulais éviter que la même expression latine soit rendue en différents endroits avec des mots allemands différents. Pour cette raison j’ai choisi le mot général, mais peu évocateur de « considération ». Comment traduiriez-vous en français d’aujourd’hui ? Un seul mot suffit-il ?

v     Comment rendriez-vous en langue moderne l’expression biblique « le cœur endurci » ? Sûrement pas « dur de cœur », mais quoi d’autre ?

v     Bernard dénonce l’état de « mépris », contemptio, comme le plus grand et le dernier danger de l’endurcissement. Cela se retrouve dans de nombreuses œuvres, comme par exemple dans la citation biblique de Pr 18,3 (d’après la Vulgate) : «Quand le pécheur est parvenu au profond de l’abîme, il ne connaît plus que mépris. » Comment diriez-vous aujourd’hui ? Est-il vrai que ce danger est vraiment si grand ?

 

Et enfin :

Echangez entre vous vos pensées et vos expériences lors de la lecture du premier livre et parlez sur les questions qui ont surgi.