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COURS 12

Le XVème siècle

 

            A partir de la fin de la guerre de Cent ans, l'histoire cistercienne est celle du déclin du Moyen-Age; avec le XVème, nous restons donc dans une période de décadence - plusieurs théologiens et spirituels cisterciens se font Chartreux au XVème, ce qui est un indice de la détérioration de l'Ordre cistercien. Un statut du CG de 1422 affirme que

"dans les différentes parties du monde où se trouve répandu notre Ordre, il apparaît comme déformé et déchu en ce qui touche à la discipline régulière et la vie monastique".

            On dénonce donc à cette époque de nombreux monastères comme ayant besoin de réforme[1]. Les monastères de moniales sont eux aussi concernés : les nobles dames viennent "s'installer" au cloître avec leur femme de chambre; le luxe gagne les habits (le CG de 1481 a même un statut pour interdire aux moniales colliers et bracelets...), la nourriture, le logement : et il y a violation de la clôture. Quant à leurs besoins spirituels, ils sont négligés ou laissés à des religieux d'autres ordres, peut-être encore plus affectés par la décadence générale !

 

            Au XVème, on déplore aussi de nombreux appels portés à des cours de justice laïques, spécialement en raison de compétition à l'abbatiat ! le cas n'est pas rare de plusieurs prétendants à une même crosse.

 

Et les épreuves par ailleurs continuent de toucher l'Ordre. De 1420 à 1440, les guerres hussites[2] font des ravages dans certains pays d'Europe; elles sont menées par Ziska[3], qui se veut réformateur ; selon lui, le Seigneur n'a pas dit de s'enfermer, mais d'aller annoncer l'Evangile au monde entier, alors il faut supprimer les monastères et leurs habitants ! Il y aura beaucoup de dévastations, de pillages, d'incendies, (une trentaine de monastères sont touchés) tant chez les moines que chez les moniales, et des martyrs, en Bohême, Silésie, Bavière et Autriche, pendant 20 ans[4].

 

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Enfin, ce siècle est marqué par une épreuve d'un autre genre qui va se prolonger pendant plusieurs siècles pour beaucoup d'abbayes (pas seulement cisterciennes) : la commende (cf. page 2,2 du cours). A l'origine, c'était une mesure temporaire, en attendant la nomination d'un nouveau titulaire. Mais dès le XIIIème, elle tend à devenir une institution stable - on admet même qu'elle peut être à vie ! En théorie, le commendataire est chargé d'administrer et de protéger les biens de l'abbaye ; mais dans la pratique, la plupart ne laissent au monastère qu'une somme minime et empochent le reste. Ces hommes ont le titre d'abbés, alors que loin d'être élus par les communautés, ils ne sont pas cisterciens[5] et parfois même pas ecclésiastiques. Souvent ces abbés songent plus à leurs propres besoins, intérêts et aux avantages de leur famille qu'aux intérêts des religieux, mais il y en a aussi d'excellents.

 

            Les commendes furent révoquées par Benoît XII, mais elles recommencent de plus belle avec le Grand Schisme - c'est un bon moyen de se recruter des partisans !

 

            Au moment de la Commende, une nouveauté est introduite dans la juridiction des moniales : la juridiction est pleine et entière, en principe, sur les moniales, par l'intermédiaire du Père Immédiat. Mais à la Commende, ce droit revient au premier abbé régulier (en remontant l'ordre de la filiation) ; du coup, cela représente un nombre énorme pour les 4 premiers Pères (d'où des transferts) ; finalement, la majeure partie revient à l'abbé de Cîteaux.

 

            En 1415, le pape Jean XXIII (son élection est considérée comme non valide) veut préserver l'Ordre de Cîteaux de la Commende, mais cela n'a aucun effet dans la pratique. L'Ordre est donc lui aussi touché, malgré l'effort des supérieurs. La première abbaye concernée est Bonnaigue, en 1439. Et puis chaque année, il y en a une de plus, parfois avec l'alternance abbés réguliers/commendataires. En Italie, la Commende se développe très vite - des abbayes deviennent patrimoine de famille !

            Le régime de la Commende n'est pas pour aider les moines à reprendre le sérieux de leur vie en mains, bien au contraire elle contribue plus encore au relâchement de l'observance. Quant au cadre de vie, aux bâtiments, les abbés commendataires les laissent tomber en ruines.

 

            Cependant l'Ordre essaie de réagir et fait de nombreux efforts pour enrayer la décadence, nourrie du fait des guerres, de l'envahissement de l'esprit du siècle, du manque de vocations, de la Commende. L'Ordre essaie de lutter contre les abus et encourage les mouvements de réforme.

            Au CG de 1413, on s'en prend vivement aux moniales "qui ne craignent pas de laisser paraître la forme de leur corps"; elles ont 3 mois pour réajuster leurs habits ! sinon: excommunication et déposition de l'abbesse.

 

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Les CG de 1422 et des années suivantes désignent des abbés bien choisis, des "réformateurs" comme ils les nomment, pour mener "les visites régulières...en exactitude et sévérité" - pour mettre en place un mouvement de réforme dans les monastères relâchés[6].

Le CG de 1439, désireux de remettre en vigueur les points de réforme de la Bénédictine, édicte des statuts généraux de réforme, les "Rubricae diffinitiorum". Ils insistent surtout sur l'office divin (heure, exécution, tenue au choeur) et le voeu de chasteté (ce qui comprend les lois du jeûne, l'abstinence et la mortification en général). On demande, à nouveau, la suppression des chambres particulières, et aussi...des oreillers de plume, tapis, jupons, manches à boutons, souliers lacés...Plus positivement, ce même CG incite à la dévotion envers les saints cisterciens, pour ramener la ferveur.

            La ferveur et la réforme gagnent vite du terrain aux Pays-Bas, spécialement grâce à quelques abbés, dont Jean Eustache et sa communauté du Jardinet, qui pratique les austérités du Cîteaux primitif. Cet abbé aide beaucoup de monastères à se réformer, moines ou moniales, et même l'Ordre bénédictin.

            Une abbesse d'une trempe exceptionnelle se charge de réveiller les moniales: Marie de Bervier (de Robertmont, près de Liège). Elle forme des réformatrices, en envoie spécialement à Soleilmont, qui prend alors la tête du mouvement et devient une pépinière d'abbesses.

            Les CG prescrivent aussi des visites pour les monastères incorporés à l'Ordre; il y a de bons exemples[7], et d'autres qui laissent à désirer...[8]

            Il faut noter aussi que de 1350 à 1450, on multiplie les collèges cisterciens, par souci de maintenir la bonne formation des prêtres ; un s'ouvre à Prague en 1348, à Leipzig en 1411, en 1454 à Cologne. Il faut reconnaître que le niveau intellectuel des abbayes est relevé par l'essor des études, et on a de l'époque des oeuvres théologiques importantes. Quant aux Pays-Bas, certains de leurs monastères sont des ateliers de copistes réputé(e)s, par exemple La Ramée, en Brabant ; c'est un véritable centre, on vient s'y former des abbayes voisines. Un vent de réforme souffle aussi sur l’Allemagne et la Hongrie (interrompu au XVIème par l’invasion turque).

            La fin du XVème apporte un répit en France avec la fin des guerres et le gouvernement sage des rois Louis XI et Charles VIII. Charles VIII convoque à Tours en 1493 évêques et abbés pour traiter de la réforme des ordres religieux - réunion sous le nom de Consultation de Tours.

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L'abbé de Cîteaux, Jean de Cirey[9], s'y fait remarquer par son rapport sur les abus, et ses suggestions pour la réforme. En fait, rien ne se fait au plan national, avec la reprise des guerres, avec l'Italie cette fois. Et puis, le XVème est célèbre, dit-on, par le nombre de demandes de réforme de l'Eglise qui n'aboutissent pas...

            Mais Jean de Cirey, dès 1494, convoque des abbés de l'Ordre au Collège st Bernard de Paris, et leur présente 16 articles - connus sous le nom d'Articles de Paris. Il ne s'agit pas de règles nouvelles, mais d'une récapitulation des statuts antérieurs, définissant les obligations des moines. Ces articles sont approuvés au CG de 1494. Ils concernent l'office divin (= toujours en coule), la décence des lieux du monastère, les abbés, le chapitre, le réfectoire, la formation des jeunes, le dortoir (= enlever les cheminées et les portes des cellules), l'infirmerie, la Visite Régulière, le silence, la pauvreté, la clôture, le boursier et les comptes, les frères en voyage, les abbesses et moniales[10], les prisons, la lecture de la RB et des Us.

            En fait, ces Articles ne seront pas vraiment observés, en partie en raison de querelles entre l'abbé de Cîteaux et celui de Clairvaux, Pierre de Virey .

            Et la décadence des observances engendra la décadence de l'unité[11]. C'est en effet au XVème qu'on voit apparaître les premières congrégations qui en sont la marque[12]. Leur but est de revenir à l'austérité première et de répondre au désir de réforme que Cîteaux n'avait pas eu les moyens de satisfaire entièrement. Mais ces réformes se font en se séparant de l'Ordre, et ont souvent un caractère national allant à l'encontre de l'esprit de la Charte de Charité[13] ; aussi rencontrent-elles au début une vigoureuse opposition de la part du CG, de l'autorité duquel les Congrégations s'affranchissent.

Souvent, en prenant leurs observances particulières plus dures et plus austères, elles s'écartent en même temps de la ligne générale de la vie de l'Ordre, en ce sens qu'elles prennent une orientation plus active, moins contemplative.

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Les causes des premières tendances séparatistes qui naissent au XVème sont multiples: outre l'état lamentable de l'Ordre, il y a l'affaiblissement de l'autorité du CG et des Pères Immédiats, les poussées nationalistes en Europe, les guerres entre nations - ceci alimente un climat de xénophobie qui s'étend aux abbayes.

 

¨    La Congrégation de Castille, la première, est vraiment née d'un désir sincère de réforme (réforme et congrégation autonome vont ici de pair) ; selon eux, une réforme efficace ne peut se faire qu'à un échelon national.

            Martin de Vargas en est l'instigateur; il est d'abord ermite de st Jérôme, puis cistercien. Il quitte le monastère de Piedra avec 11 compagnons en 1427 pour s'établir au Mont-Sion près de Tolède, dans l'intention de revenir aux observances primitives. Il crée d'autres maisons, gagnant de l'influence et annexant jusqu'à 39 monastères de Castille et de l'ouest de l'Espagne. Il s'intitule Réformateur Général ou Grand Réformateur.

 

            Les supérieurs locaux ne sont plus élus à vie, mais seulement pour 3 ans, pour rendre toute Commende impossible. Les supérieurs tiennent des CG, il y a un supérieur général assisté d'un conseil pour gouverner l'ensemble des maisons. On ne fait plus voeu de stabilité dans un monastère, mais dans la congrégation. Comme toute congrégation, ils auront leurs propres constitutions. Ils se libèrent donc du "joug" du Père Immédiat - les monastères espagnols avaient alors beaucoup de Pères Immédiats français, ce qui n'était pas très apprécié à ces heures de poussée nationaliste. Il faut aussi noter que l'état de guerre quasi permanent entre la France et l'Espagne à partir de Charles Quint et François I aurait rendu de toutes façons impossible tout exercice par des Pères Immédiats français.

 

            Au début, le CG veut éviter toute scission, mais finalement il interdit toute relation avec Martin, le fait excommunier et veut le faire incarcérer en 1445; mais il meurt l'année suivante.

            Cette Congrégation prend le nom d'Observance Régulière de st Bernard; elle porte beaucoup de fruits jusqu'à sa disparition en 1835, et conserve jusqu'au bout intégralement la liturgie cistercienne primitive. Elle met les études à l'honneur et comptera plusieurs auteurs théologiens ou spirituels, dont Manrique et Henriquez, qui ont fait de plus une grande oeuvre d'historiens. Elle donnera également plusieurs évêques.

 

¨    En Toscane et Lombardie, la Congrégation italienne de st Bernard voit le jour en 1496, érigée par Alexandre VI à la demande du duc de Milan. Mais la Bulle du pape crée là d'emblée toute une organisation indépendante de Cîteaux, avec CG, visiteurs, définiteurs, Président Général. La scission d'avec Cîteaux est complète, on emprunte même des éléments aux ordres plus récents. Le CG de Cîteaux proteste, et Alexandre VI révoque sa Bulle. On tente de "réconcilier" ces monastères, mais finalement le pape Jules reconstituera la congrégation en 1511.

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Pour achever le tableau du XVème, il nous faut dire un mot de l'évolution générale de la liturgie. On a une grande réticence à adopter des fêtes nouvelles, mais des dévotions nouvelles gagnent du terrain, comme celle du st Sacrement - en 1413 on autorise pour chaque jeudi une messe conventuelle du st Sacrement.[14]

 

            La principale modification liturgique est l'introduction de pontificaux. Nous avons vu apparaître, au XIVème, des abbés cisterciens mitrés; de nouveaux abbés continuent à recevoir la mitre (l'unité de l'Eglise étant pourtant revenue - cf. allusion au cours précédent), à tel point que les non-mitrés deviennent l'exception. Du coup, il faut créer de nouveaux livres liturgiques pour l'Ordre : les Pontificaux. Cela est facilité par l'imprimerie qui commence à se répandre. Ces livres contiennent aussi les rites pour conférer les différents ordres, ce que peuvent faire les abbés cisterciens depuis le XIVème. Au XVème, des abbés reçoivent même le pouvoir de conférer le presbytérat à leurs moines.

 

            Parmi d'autre facteurs, l'esprit de la Renaissance, en remplaçant l'idée médiévale d'une monarchie chrétienne universelle par des Etats fortement centralisés et basés sur l'unité nationale, est en train de désagréger l'Ordre cistercien qui avait formé jusque là un bloc homogène. Cîteaux se montre impuissant à endiguer le flot montant du séparatisme, et doit s'incliner devant l'institution de congrégations plus ou moins indépendantes, mouvement qui ira jusqu'à la rupture.

 

 

 

 

 

 

 

 ANNEXE (format PDF)


 

 

Quelques notes sur JOACHIM DE FIORE

 

NB : avant, on disait "de Flore", maintenant on adopte la dénomination italienne : "de Fiore"

 

Il est né vers 1135, mort en 1202, considéré saint par les uns, hérétique par les autres !

Dans sa jeunesse, il fit un pèlerinage en Terre Sainte, et au retour entra au monastère cistercien de Sambucina, puis devint abbé de Corazzo en 1177. Dans l’attente du Règne de l’Esprit Saint, il quitta l’Ordre, et fonda une nouvelle communauté à Fiore en 1189, marquée par un radical renoncement au monde ; elle devint vite l’origine d’une congrégation, (qui eut jusqu’à 40 maisons au milieu du 13ème) approuvée par Célestin III en 1196. Mais elle disparut très vite, et beaucoup de ces maisons passèrent aux cisterciens.

Il prêcha en réformateur et écrivit beaucoup, spécialement des commentaires bibliques, sur la Trinité et le sens de l’histoire, dont voici quelques grandes lignes de sa conception :

Pour lui, l’histoire est divisée en 3 temps ou états, chacun ayant un commencement, une croissance jusqu’à l’apogée puis une décadence, à savoir :

 

1.   AdamèAbrahamèjusqu’au Christ :

            cette période est identifiée à l’Ancien Testament, elle appartient au Père ; elle est sous le signe de la loi, de la circoncision, et est représentée par l’état du mariage ; les hommes y vivent selon la chair

 

2.   OséeèJean-Baptisteèaujourd’hui :

            c’est le Nouveau Testament, elle est attribuée au Fils, et est représentée par l’ordre clérical ; c’est la vie entre la chair et l’esprit

 

3.   Benoîtèaujourd’huièfin des temps :

c’est le temps propre à l’Esprit Saint, la vie y est essentiellement selon l’Esprit, elle est représentée par l’ordre monastique.

 

 

Sa doctrine a été condamnée en 1215, mais cela ne l’a pas empêchée d’avoir une grande influence sur la spiritualité franciscaine, entre autres ; elle soulève actuellement un regain d’intérêt et suscite beaucoup d’études.

(cf. DS 8, col 1186-1193, sur sa pensée)

 

 

 

Voir Annexe 12



[1] Par exemple: avant 1419, la presque totalité des monastères de Bohème est en voie de disparition, par suite d'importants endettements.

 

[2] Jean Huss, (1369-1415), né en Bohême, enseigne la théologie à Prague, et prêche pour la réforme du clergé ; il est la principale personnalité du mouvement réformiste qui soutient la propagation des doctrines de Jean Wiclif ; l’archevêque brûle les livres de ce dernier et excommunie Huss, qui meurt sur le bûcher pour hérésie en 1415 ; tout ceci déclenche ces fameuses émeutes sanglantes appelées guerres hussites. NB : il vient d’être récemment réhabilité par l’Église ! (cf. DS 7* col 1195-1200)  voir béatification ! vers 1998-99 dans Documentation catholique

[3] Jean Ziska (1370-1424) est le chef militaire des hussites, ses armées sont très bien organisées

[4] Dès 1409, ils chassent les moines du collège cistercien de Prague

[5] Dans ce contexte, on a plusieurs cas d’abbés bénédictins à la tête de maisons cisterciennes

 

[6] Un article est paru en 1989 sur les Cartes de Visite chez les moniales de Belgique, dans ce contexte, jusqu'au XVIIIème. Cette mesure de visites régulières générales, pour réagir contre le déclin de la discipline monastique, n'était pas sans poser des problèmes; il pouvait y avoir ainsi jusqu'à 8 personnes avec droit de visite, dont le Père Immédiat, un abbé commissaire, l'abbé de Cîteaux, etc; d'où la multiplication de visites! dont se plaignaient les moniales. Et certains abbés, ayant juridiction sur de nombreuses maisons de moniales, n'hésitaient pas à rédiger une seule CV globale pour toutes, ou à se contenter de dire que la précédente, même écrite plusieurs années auparavant, était toujours valable. Les moniales belges résistaient particulièrement contre l'idée de clôture stricte demandée par le Concile de Trente, disant qu'elles ne s'étaient jamais engagées à cela, et que par ailleurs les moeurs en Belgique étaient telles, qu'il n'y avait jamais eu de scandale à ce propos ; avec le secours de la loi civile, elles semblent avoir eu gain de cause.

NB: jusqu'à la fin du XVème, la plupart des CV étaient écrites en latin, puis traduites par l'aumônier qui devait la lire 3 ou 4 fois par an aux moniales dans leur langue maternelle. = in Cîteaux 1989 p.227 (en anglais)

 

[7] cf. la Maigrauge, in Jean de la Croix Bouton I p.145

 

[8] cf. Bonlieu , in Jean de la Croix Bouton I p.146

[9] Jean de Cirey (abbé de 1476 à 1501) est une grande figure de la fin du XVème. En 1486, il nomme une commission chargée d'établir l'unité liturgique dans toutes les maisons de l'Ordre ; il se sert de l'imprimerie naissante pour rassembler en un recueil les bulles les plus importantes et les décrets royaux accordés à notre Ordre. C'est, dit-on, le premier livre imprimé à Dijon, en 1491: Les Privilèges de l'Ordre de Cîteaux.

En 1487, le pape Innocent VIII avertit le CG que la suppression de l'Ordre cistercien a été demandée, en raison de la "désolation des monastères"; il a différé la mesure et prie le CG de faire le nécessaire pour que les monastères reviennent à "la pureté de l'observance primitive". Jean de Cirey fut un grand défenseur de l'Ordre, et c'est grâce à lui que l'Ordre n'est pas supprimé; il déploie beaucoup d'efforts à Cîteaux pour la réforme de l'Ordre. Il restaure aussi les études, et réorganise le Collège st Bernard en 1493.

Mais son abbatiat présente un côté moins glorieux: un des épisodes les plus violents de la querelle entre les abbés de Cîteaux et de Clairvaux ; après la mort de Pierre de Virey en 1496, Jean de Cirey nomme lui-même un abbé de Clairvaux, tandis que la communauté en élit un autre, en le faisant confirmer par le pape Alexandre VI; d'où procès, à la suite duquel le candidat de Jean de Cirey est éliminé.

[10] L'article 15 concernant les moniales dit ceci:

"Les moniales vivront et travailleront en commun. Elles ne sortiront plus. Elles se confesseront par une fenêtre bene ferratam, panno et tela coopertam. Les échanges avec l'extérieur se feront par l'intermédiaire d'un tour. Elles parleront aux étrangers en présence d'une autre religieuse vertueuse, derrière une fenêtre, valde spisse ferratam."

En fait, il semble que les abbés, concernant les moniales, étaient surtout soucieux pour leur manque de ressources et leur pauvreté.

Notons une évolution par rapport aux 4 premiers siècles: pour éviter d'envoyer des convers aider les moniales dans leurs travaux, le CG autorisa la constitution de "convers de moniales", sous l'autorité de l'abbesse.

 

[11] Fin XIIème-début XIIIème, il y avait déjà eu un essai de séparation, due à l'influence d'un seul homme, Joachim de Fiore, personnage des plus controversés. Cf. Annexe en fin de cours

 

[12] À ce moment du cours, je suggère de commencer un tableau mentionnant l’apparitions des différentes congrégations, puis observances ; on complètera ce tableau au fur et à mesure des cours. Je le donne en entier ici en Annexe

[13] NB, en soi, ces mouvements réformateurs se veulent fidèles à la Charte de Charité, au point qu’au début des sessions de leurs congrégations, on continuera à la lire.

[14] En 1496, grande nouveauté, l'abbé de Schoenthal reçoit l'autorisation de mettre dans l'église un orgue offert par un bienfaiteur. Ce fait, comme d'autres, déroge au principe d'uniformité, souvent rappelé aux CG du XVème, qui souhaitent à tout prix maintenir l'unité et la cohésion de l'Ordre.