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Cours 23

 

« L’abbaye des saints »...

au temps des moniales.

 

1. Nouvelle Résurrection d’Igny

            C’est le 29 novembre 1929[1] que 32 fondatrices (15 choristes, 15 converses et 2 postulantes) arrivent de Laval[2] , avec Mère Lutgarde, qui repartira à Laval en février 1930.

Le 3 février, Mère Alphonse est nommée prieure[3] ; elle est élue abbesse en 1933, date à laquelle les fondatrices font voeu de stabilité à Igny, et meurt en avril 1936.

            Dès le 2 janvier 1930, on essaie une petite fromagerie.

            Le 28 avril 1930 a lieu la Dédicace de l'Eglise (racontée dans Schmit p.208). Et c’est en novembre 1931 que la famille Bulle commence à servir de portiers.

            En 1934 arrive le moulage de la statue de Notre Dame d’Igny - l’original de 2 tonnes ne reviendra qu’en 1973.

 

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En août 1936, c’est la guerre civile en Espagne ; à Igny, « discrètement on se munit d’habits séculiers dans la crainte d’être obligées de quitter notre lieu saint... ».

            Ces débuts sont marqués par un fort recrutement ; comme illustration, on remarque que 9 ans après la fondation, en 1938, Igny a doublé et compte 60 soeurs (37 choristes et 23 converses). Les chroniques nous montrent une communauté fervente, et ouverte aux événements de l’Ordre, du monde : on suit par exemple à la « TSF » des retransmissions occasionnelles comme une Messe, le couronnement de Pie XII.

            En 1939, Igny est dans le courant de prière pour la paix, en recevant le lundi de Pentecôte ND de Boulogne : procession, prière pour la paix, avec foule considérable. Il n’est pas rare à l’époque que les chrétiens des environs viennent prier toute une nuit. La statue restera là pendant l’Exode et repartira le lundi de Pâques 1947.

 

2. La Seconde Guerre Mondiale

            Le 2 septembre 1939, c’est la mobilisation générale et le couvre-feu ; aucune lumière ne devant paraître la nuit, on descend à la crypte chanter « les Matines » (=Vigiles).

            Toute cette période est amplement racontée dans le cahier rouge, et à la fin du cahier on trouve une carte retraçant tout le périple des soeurs. J’en donne ici un condensé. En mai 1940, Reims est bombardée. Les Carmélites, Visitandines et Clarisses sont venues se réfugier à Igny, ce qui fait en tout 140 soeurs . Et tout le monde part le 18 mai, avec étapes à pied, en camion, en voiture, en autobus ou en train. Les soeurs sont accompagnées dans leur exode par les Pères Robert, Maurice et Hippolyte, leur aumônier, qui se démène pour trouver abris, moyens de transport, et tantôt leur adresse des exhortations spirituelles, tantôt leur raconte des histoires drôles pour maintenir le moral !

 

            La communauté essaie de respecter au mieux son horaire habituel et poursuit sa vie régulière, récitant le Rosaire sur les routes et ayant offices, lectio, chapitre des coulpes, etc, au hasard des abris improvisés, parfois sous le bruit menaçant des avions. Pour l’Eucharistie, on la célèbre quand on trouve une église...

            La ferveur est vive, par exemple sr Paula, mère maîtresse, exhorte ses novices à « profiter des menus incidents du voyage et à exploiter, au maximum, par l’esprit de silence, de charité, de prière, les mille occasions de pratiquer l’obéissance, la pauvreté, le renoncement sous toutes ses formes. »[4]

            Les soeurs rencontrent beaucoup de charité et de dévouement où elles passent ; entre elles aussi règne une grande charité. Les noviciats d’Igny et du Carmel en profitent pour mieux connaître leur spiritualité respective.

 

            Enfin, elles parviennent à Laval le 25 mai. Les anciennes ont la joie de retrouver leur première maison et les plus jeunes de découvrir la maison fondatrice. On case toutes les soeurs d’Igny (les autres religieuses allaient plus loin), le noviciat[5] se retrouve au chauffoir ! Et la vie commune s’instaure pour Igny et Laval (sauf chapitres séparés).

 

    23,3

Pendant ce temps, Igny est occupé d’abord par des soldats français, puis par des allemands qui dévalisent Igny - ils se font même des casquettes contre le soleil...avec des bonnets de nuit des soeurs !!

            Le 18 juin, les Allemands bombardent et prennent Laval : les soeurs se préparent à partir, finalement l’armistice suivra ; le 22 juin, des soldats entrent au monastère, à l’église pendant le Benedictus : ils cherchent de la place pour loger des prisonniers, mais repartent quand ils voient toutes les soeurs entassées ! Finalement le 26 août, 25 soeurs rentrent à Igny (encore occupé) avec l’espoir de pouvoir rouvrir la fromagerie. Elles ont pour elles le sous-sol de l’aumônerie ; puis l’actuel dortoir saint Pachôme sera leur clôture, que les Allemands respectent pleinement ; eux occupent tout le reste du monastère.

            Le 6 septembre enfin, les Allemands s’en vont...mais laissent Igny dans un piteux état ! Et le 14 septembre tout Igny est rassemblé.

            Le reste du cours, par de petites notes diverses, glanées dans les chroniques, va essayer de donner un écho de la vie quotidienne, de la liturgie, du travail, etc.

 

3.  1941-1955

¬Epiphanie 1941 : 3m de neige, rien ne fonctionne !

29 octobre : départ de 10 soeurs pour renflouer Echourgnac ; désormais la communauté d’Igny compte 54 soeurs.

            En août 1942, il y a 50 entrées au Grand Séminaire de Reims...

¬29 avril 1945 : pour la 1ère fois, la communauté participe aux élections politiques ; une section de vote est installée pour elle à l’aumônerie.

10 septembre : départ du 2nd groupe de 10 soeurs pour Echourgnac. A Igny, il y a encore 64 soeurs.

15 décembre : on change de Père Immédiat, laissant celui de Port du salut pour recevoir celui de Cîteaux.

¬10 octobre 1949 : visite de Mgr Roncalli, nonce - futur Jean XXIII

¬15 février 1950 : ouverture de l’atelier st Joseph : il s’agit d’un atelier de couture, gagne-pain du moment), en liaison avec l’Artisanat Monastique, qui en est à ses débuts.

        En 1950, le mandat des abbesses de l’Ordre passe de 3 à 6 ans.

¬25 mai 1951 : inondation, avec 40 cm d’eau dans les sous-sols et 2 m dans la cour. Cela n’empêche pas ce jour-là la profession solennelle de sr Elisabeth !

¬12 avril 1952 : 1ère célébration de la Vigile pascale à Igny

¬28 février 1953 : en la présence de 2 évêques et de 18 prêtres, Albert Pernet est ordonné prêtre à Igny ; c’est le 3ème fils du concierge.

20 août : 8ème centenaire de st Bernard. Mgr Marmottin et 25 prêtres viennent célébrer

           

La vie bouge au niveau de l’Ordre ; le CG accorde plus de sommeil (à Igny on se lève en semaine à 3 h, au lieu de 2 h, au lieu de 1 h 30 le Dimanche et de 1 h les grandes fêtes).

4 octobre : pour la 1ère fois les converses viennent dans le choeur pour la Messe

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13 octobre : devant le grand nombre de vocations (95 soeurs à Igny) et pour « répondre aux insistants appels de la Papauté », il semble qu’il faille faire une fondation...« en pays de mission ».

3 novembre : cette fondation s’appellera ND de la Clarté Dieu

7 décembre : suppression partielle du petit office de la Vierge

           

A l’occasion des CG, etc, il y a beaucoup de passages de Pères Abbés à Igny, qui parlent du CG à la communauté ; ils donnent des conférences, des nouvelles des fondations en pays lointains, etc. NB : à l’époque il n’y avait aucune abbesse aux CG...

¬Février 1954 : le projet de fondation est pour Ceylan, la prieure se met donc à apprendre l’anglais ! Mais le 25 avril on apprend que le gouvernement refuse l’entrée d’étrangers nouveaux !

2 octobre : le projet est pour le Congo

6 novembre : on nomme 15 fondatrices

 

4. 1955-1969

5 janvier 1955 : sr Humbeline devient chantre...

27 janvier : départ des 4 premières fondatrices

2 février : fondation

Mai : épidémie de grippe

20 juin : arrivée d’un harmonium de Cîteaux

5 août : bénédiction de la 1ère pierre de la fondation

¬Juillet 1956 : on accorde encore plus de sommeil. On supprime le petit office de la Vierge

16 août : la Clarté Dieu est érigée en abbaye

¬19 août 1957 : 8ème centenaire du Bx Guerric : le Père Immédiat, Dom Godefroid, vient à Igny avec 6 abbés de l’Ordre

19 novembre : baptême des cloches à la Clarté Dieu

22 novembre : consécration de leur église

¬10 novembre 1958 : 1ère tentative d’électrification de nos cloches - pas très performant, abandonné peu après, il sera repris plus tard

¬26 mars 1959, Jeudi saint : pour la 1ère fois le reposoir est placé à la grille du chapitre

Mai : 1ère réunion générale des abbesses ; elles s’arrêtent à Igny

De 1959 à 1960, on procède à « l’humanisation des parloirs », dit l’album photos n°3...

¬17 août 1960 : arrivée de Père Anselme Dimier pour les fouilles, aidé de frère Marcel de Cîteaux

En 1959, une sœur est allée à Laval apprendre la fromagerie, et en 1960 on va chez les Bénédictines de Caen et à Maubec pour apprendre la confiserie

¬1er septembre 1961 : on fête Mère Aleth avec des jeux et de la bicyclette dans le jardin

¬Mai 1964 : frère Marie de Tamié s’attaque à la grille du choeur pour la réduire à 2 m 50 au-dessus du sol. Un voile beige avait déjà remplacé le voile noir ; maintenant, la grille rabaissée, on voit la statue de la Vierge quand le voile est fermé

16 août 1964 : l’archevêque, Mgr Marty, entre pour la 1ère fois en clôture

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1er septembre : pour la fête de Mère Aleth, désert général pour toute la communauté

17 novembre : à l’église, on commence les travaux pour faire un seul choeur, en rapprochant les stalles des converses de celles des choristes. On a la permission d’avoir un 2nd tabernacle à la crypte

25 novembre : arrivée d’une cuisinière à gaz propane

¬23 février 1965 : fin des travaux de l’église ; les ambons sont supprimés et le tabernacle est placé dans la grille du choeur

24 février : 1ère concélébration

14 mai : 1ère communion au Précieux Sang

Vers 1966, la statue du Sacré Cœur quitte le préau pour le jardin. A la place, on y met une vasque, qui sera supprimée vers 1995, au moment de l’installation d’une cafetière électrique programmable au réfectoire - question de pression d’eau paraît-il.

¬24 février 1966 : mise en application du décret d’unification ; le soeurs converses commencent à porter la coule

En juillet, Dom Emmanuel Coutant, abbé de Timadeuc, fait la Visite Régulière. Il donne des conférences illustrant l’évolution de la pensée de l'Eglise et du Pape sur le point des langues vivantes dans la liturgie. A Igny, on commence à prendre les prières pour les défunts en français. A partir de septembre, l’office des Complies est entièrement en français - il a fallu demander une permission ad experimentum à l’évêque.

            L’Abbé Général, Dom Ignace Gillet, de passage à Igny, dit « qu’il regrettait que dans une communauté aussi régulière que la nôtre on dise l’office des Complies en français » ; une sœur conclut : « Bref, c’était un peu ‘‘la bagarre’’ entre les directives de Jean XXIII, du Concile, les Sacrées Congrégations et les Abbés ! ». En effet, le décret sur la liturgie disait que le latin devait être conservé, surtout dans les monastères ; on craignait (à juste titre) la perte de la Vulgate, le langage des Pères.

            Et puis il fallait trouver des traductions valables ; on a d’abord pris le psautier de Gélineau. Tout était à faire, par exemple les nocturnes des Vigiles ; une équipe (sr Imelda, sr Bénigne, sr Marie-Noël, aidées de Dom Guerric de Scourmont) a commencé à traduire ce qui existait dans le bréviaire de l’OCSO. Sans parler des tons de psaumes, etc.

 

On a avancé pas à pas. Progressivement, on a pris en français les prières du réfectoire, du travail, la bénédiction des servantes de table et de la lectrice. Tant qu’on n’avait pas de psautiers en français, c’est sr Imelda qui tirait les textes à la pierre humide - ancêtre de la photocopieuse !

Conséquence du décret d’unification : les converses qui le désirent commencent leur tour de fonctions au choeur et comme lectrice au réfectoire.

 

¬En 1968 : « La mise en route, bien partie cette fois, du français à l’office », avec les tons Clarté Dieu, et les tons Deiss pour les Vigiles chantées, que la chantre trouve moins fatigants.

Les 16-17 mars : 2 moines russes de Zagorsk passent à Igny

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¬En 1969, on change de voiles ; cela a nécessité pas mal d’essais en 1968, pour trouver une forme qui aille avec la coule - d’où la forme romane acceptée. (NB : avant 4 morceaux : bonnet + bandeau + guimpe + voile !). C’est aussi en 1969 que les parloirs prennent leur allure actuelle !

 

5. 1970-1999

¬17 janvier 1970 : Mère Aelred est nommée supérieure ad nutum. Igny a 72 soeurs.

En novembre, on supprime la grille entre le Bx Guerric et le sanctuaire, et celle entre le sanctuaire et le choeur diminue encore de hauteur

7 décembre 1970 : Mère Aelred est élue abbesse

¬1972-1973 : nouvel aménagement de l’église, telle qu’elle est actuellement, avec ouverture de l’arrière choeur aux hôtes. La statue de ND arrive en 1973, ainsi que l’autel, le tabernacle, les vitraux (de st Benoît sur Loire), l’installation des reliques du Bx Guerric.

¬1978 : fin du rucher

¬1980 : année st Benoît ; journée portes ouvertes aux familles

¬A partir de 1981, on réduit progressivement le potager, et on le supprime en 1987. En 1982, on ferme la fromagerie et on ouvre Chantelle (=fabrication de produits de toilette, succursale des Bénédictines de Chantelle).

¬C’est en 1983 qu’arrive notre orgue actuel, de l’église d’Arcis le Ponsart

 

¬Début 1993, essentiellement par manque de main d’œuvre, on ferme Chantelle ; nous n’avons donc plus que la confiserie comme emploi lucratif.


¬Le 20 février 1999, après quasi 30 ans d’abbatiat, pendant lequel elle a beaucoup fait pour l’unité de la communauté, Mère Aelred donne sa démission. Pour aider Igny à vivre cette grave transition, nous recevons une supérieure ad nutum pour quelques mois afin de nous préparer dans la paix à une nouvelle élection, en la personne de Mère Gérard, abbesse de Clairefontaine en Belgique ; et c’est le 16 juillet 1999 que nous élisons notre nouvelle abbesse : Mère Marie-Rose Flandre.

 

            Une sœur me disait : « Tu as vu le chemin parcouru...Il a eu ses épreuves : épreuves de croissance, épreuves dues à un temps exigeant de fondation et de transition, post guerre, post 1968, post Vatican II. Dieu nous a aidées. »

 

 Et la vie continue avec Marie, Reine de Cîteaux, à la suite du Christ, dans le souffle de l’Esprit, vers le Père.

 

*   *   *


Document annexe

 

Liste des abbesses d’Igny

 

S.Marie-Alphonse GASTINEAU : 1933-1936 ()

S.Marie-Lucie DESCHAMPS : 1936-1948 (1960)

S.M.Andrée LAVAUX : 1948-1951

S.M.Lutgarde LEHALLE : 1951-1956 († mai 2002) [6]

S.M.Andrée LAVAUX (pour la 2nde fois): 1956-1958 (juin 1997 à Chimay)

S.Marie-Aleth GIRONDELOT : 1958-1969

S.M.Aelred DENIS : supérieure ad nutum de janvier à septembre 1970 ; puis abbesse jusqu’au 20 février 1999

M.M.Gérard ALLARD, abbesse de Clairefontaine : supérieure ad nutum du 20 février au 16 juillet 1999

S.Marie-Rose FLANDRE : 16 juillet 1999- ad tempus indeterminum

 


15 mai 2002 – à l'Abbaye d'Igny

 

Homélie pour la messe de funérailles de Mère Lutgarde LEHALLE

abbesse d'Igny (1951-56) et de La Clarté-Dieu (1956-1974)

 

 

Selon le calendrier monastique, nous célébrons aujourd'hui la fête de saint Pachôme, qui incarna plus qu'aucun autre l'esprit de la grande tradition monastique de caractère cénobitique.  C'est pour nous l'occasion de nous rappeler que, dans une communauté monastique, un décès est toujours un événement important non seulement pour la personne qui passe sur l'autre rive de l'éternité, mais pour toute la communauté au sein de laquelle elle a vécu, surtout lorsqu'elle y a vécu de très nombreuses années. Dans le cas de certaines personnes, comme Mère Lutgarde, plusieurs communautés en sont affectées.

 

Lorsque la jeune Marcelle LEHALLE entrait à Igny en 1935, la communauté était encore très jeune, ayant été fondée seulement six ans auparavant, par un groupe de 32 sœurs venues de Laval, mais elle était pleine d'une vitalité exceptionnelle.  Quelques années après l'entrée de Mère Lutgarde, Igny envoyait deux groupes de moniales relever la communauté d'Échourgnac : un premier groupe de 10 en 1940 et dix autres en 1945.  Lorsque Mère Lutgarde devint abbesse, en 1951, la communauté comptait environ 95 religieuses et c'était l'époque où notre Ordre commençait à répondre avec entrain, courage et un peu de sainte folie, à l'appel du Saint Siège à aller porter la présence de communautés contemplatives dans les Jeunes Églises.  C'est ainsi que la jeune abbesse partait quatre ans plus tard avec quelques compagnes pour étudier un projet de fondation au Congo Belge, des projets semblables de fondation à La Réunion et au Ceylan n'ayant pas abouti.  Mère Lutgarde devenait l'année suivante la première abbesse de la nouvelle communauté de Notre-Dame de la Clarté-Dieu au Kivu. 

 

Commençait alors également une longue collaboration – j'oserais presque dire une longue complicité – entre les communautés de La Clarté-Dieu et de Mokoto en Afrique ainsi qu'entre les deux maisons fondatrices, Igny et Scourmont, en Europe et tout particulièrement entre Mère Lutgarde et Dom Guerric.  Une collaboration qui date maintenant de près d'un demi-siècle. Bien que de retour à Igny depuis 1996, Mère Lutgarde est demeurée jusqu'à sa mort une moniale de Notre-Dame de La Clarté-Dieu, à laquelle son cœur était resté attaché. 

 

L'histoire de la Clarté-Dieu et celle de Mère Lutgarde furent liées à celle du Congo.  La communauté fut souvent menacée.  Une première fois en 1964, lorsque la bataille faisait rage dans la nuit du 19 au 20 août dans le voisinage, et une deuxième fois en 1996, lorsque plusieurs sœurs devaient fuir pour se réfugier à Igny avant de repartir quelques années plus tard pour le Rwanda où est en train de prendre naissance une nouvelle communauté de l'Ordre.

 

             L'entrée de Mère Lutgarde dans la patrie céleste est donc pour toutes les communautés concernées : celle d'Igny, celle de La Clarté-Dieu à Murhesa et à Kibungo, celles de Scourmont et de Cîteaux (maison-mère d'Igny depuis 1945), mais aussi pour tout l'Ordre cistercien, l'occasion de réfléchir un peu sur le sens de cette histoire que nous sommes en train de vivre. 

 

Nous sommes vraiment un peu comme les disciples d'Emmaüs.  Les années que nous vivons ne sont pas les années fastes d'après la Deuxième Guerre mondiale.  Si l'Ordre continue de se répandre dans les Jeunes Églises, les fondations ne se font plus avec la même exubérance (qu'on pense par exemple à la communauté de Laval, qui envoyait 32 fondatrices à Igny en 1929, la même année où elle en envoyait 6 au Japon, après en avoir envoyé 23 à Ste-Anne d'Auvray quelques années auparavant).  Les novices n'entrent plus à la douzaine, comme alors, dans aucune de nos communautés.  Nos fondations du Kivu ont été fragilisées par une guerre qui n'en finit plus de finir.  Nous avons souvent la tentation de dire, comme les Disciples d'Emmaüs, "Nous pensions que… et voici que…"  Le Temps actuel de l'Église ne correspond-t-il pas à ce qu'on vécu les Disciples de Jésus après le départ de Jésus et tout spécialement entre l'Ascension et la Pentecôte?

 

Si nous avons le courage de la lucidité, d'accepter de vieillir en tant que communautés, et même en tant qu'Ordre, tout aussi bien que comme individus, nous pouvons être sûrs qu'un Compagnon de voyage se joindra toujours à nous, sur chacune de nos routes.  Nous lui dirons probablement, surpris de sa naïveté, "Tu es bien le seul à ne pas voir ce qui se passe".  Et, lorsque nous le reconnaîtrons dans la fraction du Pain – le pain de sa Parole et de son Eucharistie,  nous aurons le courage de retourner à la chambre haute pour être conduits de nouveau en Galilée à la montagne de la Séparation (= Ascension) et recevoir de nouveau notre mission.

 

Le décès d'un membre d'une communauté est toujours pour la communauté concernée, la fin d'une histoire et le début d'un chapitre nouveau.  Cela est vrai pour toutes les personnes;  cela est vrai tout spécialement pour celles qui ont été appelées à exercer des responsabilités plus importantes.  Aujourd'hui une page est tournée dans l'histoire d'Igny et de La Clarté-Dieu, et aussi, indirectement, dans l'histoire de toutes les autres communautés concernées, et de l'Ordre. 

 

Remercions le Seigneur pour toutes les grâces dont a été émaillé le chemin parcouru par et avec Mère Lutgarde et demandons à l'Esprit de Pentecôte toutes ses grâces de force et de lumière pour bien écrire le chapitre qui commence pour chacun de nous.

 

Armand VEILLEUX

 

*   *   *

 

 



[1] Tout de l’arrivée, des débuts, est raconté en détails dans le cahier bleu (voir aussi p.58 une explication sur les cloches d’Igny et p.158 sur toutes nos reliques - la plupart étant désormais dans le meuble reliquaire à la chapelle sainte Thérèse.)

[2]

 

 

 

La ste Volonté de Dieu

1796

ê

 

 

 

 

 

 

Darfeld/Rosenthal

1801

ê

 

 

 

 

 

Laval

1818

ê

 

 

 

 

Altbronn

1825

ê

Cour Pétral

1837

Ubexy

1841

Chambarand

1875

Belval

1893

La Joie Notre Dame

1920

Igny

1929

ê

Grandselve

1968

 

 

 

 

 

La Clarté Dieu

1955

 

 

[3] Sa vie est racontée dans le cahier bleu (p.129 à 147)

[4] Cahier rouge p.9

 

[5] Notre Sr Geneviève rentrera à Laval pendant la guerre, comme postulante pour Igny.

[6] Cf document annexe suivant