C H A P I T R E P R E M I E R

L ' U N I T É D ' E S P R I T

E T L ' " U N U M " D U P È R E E T D U F I L S

(Jn 17, 21-22)

Deux passages de la Lettre d'Or juxtaposent ces deux expressions: être, avec Dieu, "un seul esprit", et être avec lui "une seule chose". Elles semblent identifiées l'une à l'autre. Or l'homme ne saurait devenir "un", de façon absolue, avec Dieu. Aussi l'on peut se demander quelle est la portée de cette manière de parler.

Le contexte est bien sûr à considérer. Mais il faut noter par ailleurs que l'unum apparaît assez fréquemment dans les oeuvres de Guillaume en lien avec l'unité d'esprit, et cela sous la forme de la prière adressée par Jésus à son Père au chapitre 17 de l'Évangile johannique : "comme nous sommes un, qu'eux aussi soient un en nous". Or un tel rapprochement entre l'unus spiritus et l'unum de Jn n'est pas inédit : Origène, Augustin, Bernard l'utilisent. En lisant ces auteurs, on percevra l'audace en même temps que la solidité de l'écriture théologique de Guillaume : dans l'union avec Dieu, l'homme ne vit pas une autre unité que celle du Père et du Fils. Restera à dégager, au chapitre suivant, d'où cette affirmation tire sens.



I. UN FAIT : LE RAPPROCHEMENT ENTRE "ÊTRE UN SEUL

ESPRIT" ET ÊTRE "UNE SEULE CHOSE" AVEC DIEU.

Chez Guillaume, il semble que la citation de I Co 6, 17 attire souvent celle de Jn 17, 21-22. Dans un cas, les deux formules sont d'ailleurs présentées comme équivalentes.

1. Une équivalence : Nat Corp 103.

Un tel homme, l'ange et Dieu sont déjà un seul esprit, selon l'Apôtre, ou sont une seule chose en Dieu, selon l'Évangile

homo talis et angelus et Deus, unus jam sunt spiritus, secundum Apostolum, vel unum sunt in Deo, secundum Evangelium (103 l. 11-14).

Les expressions sont ici coordonnées par un vel qui les propose comme deux manières possibles de décrire la même réalité. Ces deux langages sont bibliques, faisant autorité l'un et l'autre. Selon le parallélisme rigoureux des deux membres de phrase (unus spiritus... sunt..., secundum apostolum, vel unum sunt..., secundum Evangelium), dire "un seul esprit" signifie du même coup le fait d'être "une seule chose" avec Dieu, selon toute la force du neutre unum. Il est vrai que unum est augmenté d'un complément, in Deo, dont il faudra tenir compte.

Ce passage est bien de Guillaume, mais il est aussi le fruit d'une lecture du De statu animae(1), exploité dans cette section du Nat Corp. Les phrases qui précèdent l'unus spiritus étaient un extrait de cette oeuvre (102 l. 8 à 103 l.9 : cf. De statu animae 734 D - 735 B). La comparaison de l'homme et de l'ange, comparaison qui introduit l'unus spiritus et l'unum, semble avoir été suggérée par cette même oeuvre de Claudien Mamert. On y trouve, en effet, rassemblés dans un même passage, ces éléments : une comparaison entre l'ange et l'homme (716 D), la description de la similitude entre eux deux appuyée par la citation de S. Paul, I Co 6, 17 (717 A), et finalement, en conclusion d'une argumentation complémentaire, une référence à l'Évangile de Jean, Jn 17, 21-22 (717 B).

Il faut citer le texte même du De statu animae :

Et l'homme, l'ange et Dieu deviennent un seul esprit, selon ce que dit l'Apôtre : Qui adhère à Dieu est un seul esprit.

Et fit homo, angelus, et Deus unus spiritus, juxta Apostolum dicentem : Qui adhaeret Deo unus spiritus est (717 A 12-15).

De là, le Seigneur dit dans l'Évangile : Père, que ceux-ci soient un en nous, comme nous aussi sommes un.

Unde in Evangelio Dominus dicit : Pater, sint isti in nobis unum, sicut et nos sumus unum (717 B 12-15).

Le Nat Corp dépend du De statu animae puisqu'il utilise ces deux matériaux déjà proches chez Cl. Mamert. Mais il est cependant oeuvre nouvelle car il établit une relation étroite entre les deux données scripturaires jusqu'à les présenter comme équivalentes en quelque sorte.

2. Un rapprochement fréquent : I Co 6, 17 et Jn 17, 21-22.

A. Les textes.

Le rapprochement entre l'"Apôtre" et l'"Évangile", explicite dans le Nat Corp, n'est pas occasionnel dans les oeuvres de Guillaume. Il apparaît cinq autres fois de façon très nette.

Dans le Nat Corp encore, les deux textes reviennent ensemble, quelques lignes après le passage considéré ci-dessus. L'âme est "bienheureuse, oui vraiment bienheureuse" quand elle vit de Dieu de telle sorte qu'elle "est avec lui un seul esprit" (unus spiritus cum eo existens ; 106 l. 13) ; et ceci correspond à la réalisation de la "prière du Fils au Père" :

Comme toi et moi nous sommes un substantiellement, qu'eux aussi soient un en nous par grâce.

Sicut ego et tu unum sumus in substantia, sic et ipsi in nobis unum sint ex gratia (107 l. 9-10).

De même, dans le De contemplando Deo, c'est une "très heureuse paix" qui est goûtée dès ici-bas, - ne durerait-elle qu'"à peine une demi-heure", selon les mots de l'Apocalypse (7, 1) -, lorsque l'âme, "par l'unité d'esprit, n'aime en Dieu que Dieu seul" (per unitatem spiritus in Deo solum amet Deum ; Cont 7 l. 23). Et cette "perfection" s'énonce encore selon la même prière de Jésus à son Père :

Je veux que, comme toi et moi nous sommes un, eux aussi soient un en nous.

Volo ut sicut ego et tu unum sumus : ita et in nobis ipsi unum sint (7 l. 31-32).

Le long paragraphe 11 du Cont, dont le sommet comporte l'"être un seul esprit avec Dieu" (l. 122), cite aussi la prière du Christ (l. 42-43). Le grand espace qui sépare ces textes se trouve en fait réduit puisqu'ils dépendent tous deux d'une affirmation identique : "nous t'aimons, ou mieux, tu t'aimes en nous" (l. 109), "tu t'aimes toi-même en nous, et nous en toi, lorsque nous t'aimons par toi" (l. 39-40). Jn 17, 21-22 revient encore aux l. 61-63.

Le Cant s'ouvre sur le baiser déjà reçu par l'Épouse, baiser qui a pour nom : "être un seul esprit" (Cant 30 l. 19). Mais ce baiser n'a été reçu qu'"en partie", et l'Épouse aspire à sa "perfection", à sa "plénitude". Cette plénitude est celle pour laquelle le Seigneur a prié le Père :

Volo, inquit, Pater, ut sicut ego et tu unum sumus, ita et ipsi in nobis unum sint (31 l. 4-5).

Enfin la Lettre d'Or estime que c'est "la perfection de l'homme en cette vie" que d'"être fait un seul esprit avec Dieu" (287 l. 4-6). Elle ajoute qu'en cet homme s'accomplit le "terme de toute perfection" qui n'est autre que Jn 17, 21-22.

En lui s'accomplit ce que, dans sa prière, le Seigneur demandait pour ses disciples, comme terme de toute perfection : Père, je veux que comme toi et moi sommes un, eux aussi soient un en nous.

Impletur in eo quod Dominus pro discipulis in clausula omnis perfectionis oravit dicens : Pater, volo, ut sicut ego et tu unum sumus, ita et ipsi in nobis unum sint (288 l. 3-5).

B. La formulation de cette citation.

Cette citation de Jn 17 ne reprend pas exactement un des versets de ce chapitre ; elle est un arrangement de ce qui est dit en plusieurs versets. La partie centrale du verset 21 :

sicut tu Pater in me, et ego in te,

ut et ipsi in nobis unum sint,

semble fournir le cadre fondamental. Mais le contenu du premier membre reçoit une formulation qui établit plus nettement le parallélisme entre les deux termes de la comparaison : sicut et nos sumus unum (ce qui est proposé par la seconde partie du verset 22 : ut sint unum, sicut et nos unum sumus). Cet arrangement insiste donc sur l'unité, mais en maintenant la précision : in nobis. Dans cette prière ainsi condensée, cette nuance prend un relief plus important. L'objet de la prière semble se déplacer légèrement. Non pas tant : "que tous soient un" (v. 21a), mais : "qu'eux aussi soient un en nous" (v. 21c). L'accent passe de l'unité des croyants entre eux à leur unité en Dieu, dans le Père et le Fils.

Dans les textes de Guillaume où apparaît l'unité d'esprit, la prière de Jésus est toujours résumée de cette même façon (si ce n'est que le nos est toujours remplacé par ego et tu (Cont 7 l. 31-32 ; Cont 11 l. 42-43 et l. 61-63 ; Nat Corp 107 l. 8-10 ; Cant 31 l. 4-5 ; Epist 288 l. 3-5). Le contexte invite toujours à la comprendre comme demande en vue de l'unité avec Dieu.

C. Un prédécesseur : Origène.

On aura remarqué que Guillaume n'a sûrement pas inventé cette formule puisqu'elle se trouve telle quelle dans le De statu animae (PL 53, 717 B 13-14). Le texte de Claudien Mamert mettait d'ailleurs l'accent sur cet in nobis : le créateur n'ayant pas à s'abaisser vers la créature, mais celle-ci ayant à progresser "vers le Créateur", c'est-à-dire en Dieu :

...puisque s'il est bon ou pour l'ange ou pour l'homme d'adhérer à Dieu, ce n'est pas le créateur immuable qui se détériorera en direction de la créature, mais c'est la créature muable qui progressera vers le Créateur. D'où, dans l'Évangile, le Seigneur dit : Père, qu'eux aussi soient un en nous, comme nous sommes un (717 B).

Mais ce rapprochement des deux citations bibliques, la formulation particulière de Jn 17, 21-22 et le glissement de sens correspondant apparaissent bien avant Claudien Mamert : chez Origène.

En effet un passage de son Commentaire sur le Cantique fait appel aux deux textes bibliques, I Co et Jn 17 :

Pour moi, je pense que si (les jeunes filles) parvenaient un jour jusqu'(à sa propre substance incompréhensible et ineffable), alors elles ne marcheraient plus, alors elles ne courraient plus, mais elles s'attacheraient à lui, liées par les liens de sa charité ; et il ne leur resterait plus aucune place pour se mouvoir, mais elles seraient avec lui "un seul esprit", et s'accomplirait en elles ce qui a été écrit : "Père, comme toi en moi, et moi en toi nous sommes un, de même qu'eux aussi soient un en nous".

Ego puto quod si ad haec aliquando pervenerint, jam non ambulent neque currant, sed vinculis quibusdam charitatis ejus astrictae adhaereant ei, ne ultra mobilitatis alicujus ullus in eis resideat locus, sed sint cum eo unus spiritus, et compleatur in eis illud quod scriptum est : Sicut tu Pater in me, et ego in te unum sumus, ita et isti in nobis unum sint (94 C 3 - D 6).

Le Commentaire a gardé ici l'intégralité de Jn 17, 21, mais il a redoublé le premier membre : tu Pater in me, et ego in te, avec l'expression empruntée au v. 22 : unum sumus.

Puisque, dans ce passage du Commentaire, Jn 17, 21-22 est mis en parallèle avec I Co 6, 17, il s'agit clairement ici de l'unité non pas des croyants entre eux mais de chacun avec Dieu. Notons cependant qu'Origène se sert de ces deux significations. Ainsi, par exemple, est-ce le sens collectif qui est mis en oeuvre dans l'homélie X sur Ézéchiel (PG 13, 732 D) :

Comme le Père et le Fils sont un, ainsi ceux qui ont un unique esprit s'efforcent à l'unité. En effet le Sauveur dit : Moi et le Père nous sommes un ; et : Père saint, je veux que comme toi et moi nous sommes un, qu'eux aussi soient un en nous.

Nam ut Pater et Filius unum sunt, sic qui unum spiritum habent, in unionem coarctantur. Ait quippe Salvator : Ego et Pater unum sumus ; et : Pater sancte, rogo, ut sicut ego et tu unum sumus, ita et isti in nobis unum sint.

Dans le texte du Commentaire sur le Cantique, les deux citations, I Co et Jn, correspondent au sommet de l'itinéraire spirituel. "Être un seul esprit avec Dieu" est l'"accomplissement de ce qui est écrit", l'accomplissement de la prière de Jésus à son Père. Ce qui se retrouve de façon tout à fait semblable dans les oeuvres de Guillaume.

Mais Guillaume a fait plus que de rapprocher ces deux formules : dans deux passages de la Lettre d'Or, il tend à les identifier. Est-il encore en cela disciple d'Origène, ou le dépasse-t-il en quelque sorte ?

II. LA PORTÉE DU RAPPROCHEMENT DE I Co 6, 17 ET DE Jn 17,

21-22 : "ÊTRE UN SEUL ESPRIT AVEC DIEU", C'EST ÊTRE

"UNE SEULE CHOSE" AVEC DIEU.

Pour mieux apprécier les textes de Guillaume qui semblent identifier l'unus spiritus et l'unum, on prêtera d'abord attention aux oeuvres d'Origène. Mais on ne peut omettre de regarder aussi celles de S. Augustin dont Guillaume est clairement le disciple(2). Enfin, l'opinion de S. Bernard aidera à situer les expressions guillelmiennes. Que signifient en effet ces textes de Guillaume : en quoi sont-ils proches du langage des grands prédécesseurs ou grand contemporain, en quoi sont-ils neufs ?

1. Le langage des prédécesseurs ou du contemporain.

A. Origène.

Comment Origène mettait-il en rapport l'unus spiritus et l'unum ? Le Commentaire sur le Cantique rapproche les deux citations bibliques et leur fait désigner, à toutes deux, le terme de la quête de l'homme. Mais Origène sait aussi les rapprocher pour mieux les distinguer l'une de l'autre.

a. Une nette différenciation entre l'unus spiritus et l'unum.

L'Entretien avec Héraclide propose une nette différenciation entre les deux expressions. Pour démontrer l'unité divine, - l'unité du Père et du Fils -, il est fait appel à d'autres "unités" : Adam et Ève sont "une seule chair", le juste et le Christ sont "un seul esprit", mais le Sauveur et le Père sont "un seul Dieu", et c'est cette unité qu'il faut comprendre en Jn 10, 30.

Notre Sauveur et Seigneur, dans son rapport avec le Père et Dieu de l'univers, est non pas une seule chair, mais - ce qui est supérieur et à la chair et à l'esprit - un seul Dieu. Il convenait, en effet, dans le cas d'êtres humains attachés l'un à l'autre, d'employer le mot 'chair' ; dans le cas de l'homme juste attaché au Christ, d'employer le mot 'esprit' ; et dans le cas du Christ uni au Père d'employer non le mot 'chair', non le mot 'esprit', mais un mot plus prestigieux que ceux-là, le mot 'Dieu'. Par suite, la parole : Moi et mon Père nous sommes un, comprenons-la ainsi (Entretien avec Héraclide, Sources Chrétiennes 67, 3 l. 20 à 4 l. 2).

Si dans tous les cas il s'agit bien d'unité puisque tel est en effet l'objectif de la démonstration effectuée, les unités signalées ne se recouvrent aucunement l'une l'autre. L'unité entre "l'homme juste" et le Christ (ils sont "un seul esprit") est bien différente de celle qui existe entre le Christ et le Père (ils sont "un", unum).

b. Dans l'unité d'esprit, l'homme et le Verbe sont toujours deux.

Notons qu'entre le Christ et l'homme qui sont devenus un seul esprit, il ne saurait y avoir ce que l'on pourrait appeler une unité de nature. Selon H. CROUZEL, tout panthéisme est exclu : quand l'âme se mélange à Dieu, devient avec lui un seul esprit, "le Christ et l'âme sont deux en un seul esprit"(3).

C'est ainsi, par exemple, que grâce à l'unité d'esprit l'homme peut comprendre la volonté de Dieu et l'accomplir sur la terre, comme le demande la "prière" du Notre Père.

Nous pouvons en effet, en nous attachant à lui, devenir un seul esprit avec lui et ainsi saisir sa volonté de telle sorte que, comme elle est accomplie dans le ciel, elle le soit aussi sur la terre : en effet qui s'attache au Seigneur, selon Paul, est un seul esprit (De Oratione, PG 11, 501-502).

Être un seul esprit est comme le chemin qui permet d'agir ici-bas conformément au désir de Dieu.

Le Commentaire de l'Épître aux Romains distingue lui aussi nettement les partenaires de l'unité d'esprit, puisque ceux qui sont unis (conjuncti) au Seigneur sont justement ceux qui sont aussi soumis (subjecti) à lui. La "soumission" à l'autorité supérieure (Ro 13, 1), le Christ, se trouve réalisée précisément dans la conjonction ; là elle existe réellement.

Si en effet nous sommes tels qu'unis au Seigneur nous soyons un seul esprit avec lui, on dit de nous que nous sommes soumis au Seigneur.

si quidem tales sumus qui conjuncti Domino unus cum eo spiritus simus, Domino dicimur esse subjecti (Comment. in Epist ad Rom. IX, 25 ; PG 11 Ser Lat, 731 D).

La concomitance des deux termes, conjuncti et subjecti, ne laisse subsister aucun doute sur l'altérité de l'homme et du Christ jusque dans l'union elle-même.

De même, le Commentaire du Cantique fait comprendre la distinction elle-même en recourant à l'union, à l'unité d'esprit. En effet, l'Époux appelle son Épouse la "toute proche" (proxima) : c'est la dire clairement la toujours autre, la toujours à côté de lui. Or elle ne mérite ce nom qu'au moment où a lieu l'union : quand elle s'unit à lui et est un seul esprit avec lui.

Car le Verbe ne l'appellerait pas : Ma toute proche, si elle ne s'unissait à lui et ne devenait avec lui un seul esprit.

Non enim taliter diceret eam Verbum Dei proximam sibi, nisi conjungeret se ei, et fieret cum eo unus spiritus (In Canticorum Cant. IV ; PG 13, 183 D).

Ajoutons un dernier passage qui, lui, met en rapport unité et ressemblance. Selon la Première Homélie sur la Genèse, ce que le Sauveur demande pour ses disciples à son Père n'est autre qu'une ressemblance :

...il avait demandé au Père pour ses disciples que leur fût rendue l'ancienne ressemblance, en disant : Père, fais qu'ils soient un en nous, comme toi et moi nous sommes un.

...petierat patrem pro discipulis suis, ut iis similitudo pristina redderetur, cum dicit : Pater, da ut sicut ego et tu unum sumus, ita et isti in nobis unum sint (Hom. in Genesim I, 13 ; SC 7 bis, p. 62).

Ainsi l'unum de Jn 17, 21-22 n'est pas interprété comme "unité" mais comme "ressemblance". On voit par là, et par les différents exemples précédents, que, pour Origène, il ne saurait y avoir aucune confusion entre l'homme et le Verbe, l'homme et Dieu. Tout panthéisme est bien exclu.

c. Il existe une ressemblance qui peut déboucher sur une unité.

Les remarques faites jusqu'ici ne perdent aucunement leur valeur lorsqu'elles sont confrontées à un texte plus complexe et plutôt allusif qui tout à la fois les corrobore et semble les contredire.

* Une progression mène de la ressemblance à l'unité.

En effet un passage du Traité des principes, livre III, 6, 1, commence par considérer comme équivalents la ressemblance et l'unité pour laquelle le Seigneur a prié ; et l'on retrouve ce qui vient d'être relevé dans la Première Homélie sur la Genèse. Mais l'unum de Jn 17 n'est pas seulement ici "ressemblance" ; le texte évoque une sorte de "progrès" de la ressemblance par rapport à elle-même, un progrès qui fait l'homme et Dieu unum, "une seule chose".

Par là, il indique... et la fin de toutes choses... et la ressemblance de Dieu à espérer... Le Seigneur lui-même dans l'Évangile la présente non seulement comme future, mais comme devant se produire par son intercession puisqu'il daigne lui-même la demander à son Père pour ses disciples quand il dit : Père, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, et : Comme moi et toi nous sommes un, ainsi qu'eux aussi soient un en nous. Il semble alors par là que la ressemblance elle-même progressera, pour ainsi dire, et deviendra alors de semblable un, car sans aucun doute à la consommation ou fin Dieu est tout et en tous.

Per quod... indicat et finem omnium, ...et similitudinem Dei sperandam... Ipse quoque Dominus in evangelio haec eadem non solum futura, verum etiam sui intercessione futura designat, dum ipse hoc a Patre discipulis suis impetrare dignatur dicens : Pater, volo ut ubi ego sum et isti mecum sint ; et sicut ego et tu unum sumus, ita et isti in nobis unum sint. In quo jam videtur ipsa similitudo, si dici potest, proficere et ex simili unum jam fieri, pro eo sine dubio quod in consummatione vel fine omnia et in omnibus Deus est (Traité des Principes L. III, 6, 1 ; SC 268, p. 236-238, l. 29...40).

À la consommation finale, la ressemblance s'est comme dépassée elle-même : elle débouche dans une "unité". L'unum de Jn 17, 21-22 se réalise donc, en dernier ressort, sous la forme d'une unité.

* L'unité et la ressemblance coexistent.

Cette unité, qui émerge en quelque sorte de la ressemblance, n'est pas pour autant la négation de celle-ci ; il semblerait plutôt que l'unité intègre la ressemblance. D'ailleurs la suite du texte, qui soulève une objection présentée par d'autres, les coordonne par deux fois sans que la réponse d'Origène ne remette ensuite en cause de quelque manière cette coordination :

certains se demandent si l'essence de la nature corporelle... ne fera pas alors obstacle, à ce qu'il semble, ou à la dignité de la similitude ou à la propriété de l'unité... la nature qui est dans un corps ne paraît pas pouvoir être dite semblable à la nature divine..., ni être déclarée vraiment et justement une avec elle.

requiritur a nonnullis, si ratio naturae corporeae... non videatur obsistere vel ad similitudinis dignitatem vel ad unitatis proprietatem... naturae divinae... nec similis videatur posse dici quae in corpora est natura nec unum cum ea vere ac merito designari (L. III, 6, 1 ; o.c. p. 238, l. 41...47).

Dans cette discussion, Origène admet qu'entre l'homme et Dieu existent à la fois unité et ressemblance.

La suite du texte confirme encore ce fait. En effet cet unum avec la nature divine n'est-il pas l'unum du Père et du Fils qui est à référer à ce qui leur est propre ?

...(la nature qui est dans un corps ne peut) être déclarée vraiment et justement une avec (la nature divine), surtout lorsque la vérité de notre foi enseigne qu'il faut rapporter le fait que le Fils soit une seule chose avec le Père à leur nature propre.

...nec unum cum ea vere ac merito designari, maxime cum id, quod unum est Filius cum Patre, ad naturae proprietatem referendum fidei veritas doceat (L. III, 6, 1 ; o.c. p. 238, l. 46-49).

Ajoutons encore un élément. Car il est tenu compte non seulement de l'unicité de la nature divine mais aussi de la spécificité de l'homme. En effet la réponse à l'objection s'efforce de situer cet unum qui est l'ultime "progrès de la ressemblance". Elle déploie le fait que Dieu sera tout en chacun. Or cette sorte d'omniprésence de Dieu est reçue, vécue par l'"intelligence raisonnable purifiée" : voilà qui suppose donc toujours aussi l'altérité.

Il sera tout en chaque être en ce sens que tout ce qu'une intelligence raisonnable, purifiée..., peut sentir, comprendre et penser, tout cela sera Dieu, et elle ne fera rien d'autre que sentir Dieu, penser Dieu, voir Dieu, tenir Dieu, Dieu sera tous ses mouvements ; et c'est ainsi que Dieu lui sera tout.

Per singulos autem omnia erit hoc modo, ut quidquid rationabilis mens, expurgata..., vel sentire vel intellegere vel cogitare potest, omnia Deus sit nec ultra jam aliquid aliud nisi Deum sentiat, Deum cogitet, Deum videat, Deum teneat, omnes motus sui Deus sit ; et ita erit ei omnia Deus (L. III, 6, 3 ; o.c. p. 240, l. 63...74).

d. Conclusion.

Chez Origène, I Co 6, 17 et Jn 17, 21-22 peuvent désigner ensemble la perfection à laquelle l'homme est appelé. Mais jamais il n'y a de confusion entre l'unité d'esprit et l'unum du Père et du Fils, comme jamais il n'y en a, entre l'homme et le Verbe, quand ils sont un seul esprit. Et cependant l'homme peut parvenir, à la fin des temps, à un sommet où il vit, d'une certaine manière, cette unité qui est absolument propre au Père et au Fils. Il la vit tout en ne cessant pas d'être semblable à Dieu, c'est-à-dire autre que lui.

Cette dernière situation, progrès de la ressemblance au-delà d'elle-même, est très proche de ce que la Lettre d'Or mentionnera comme la ressemblance la plus haute (Epist 262), celle qui mérite un nom d'"unité" : l'unité d'esprit.

B. S. Augustin.

S. Augustin, comme Origène, rapproche l'un de l'autre l'unus spiritus et l'unum, mais c'est pour bien marquer une nette différence. En effet c'est le plus souvent dans un contexte polémique qu'il cite la phrase paulinienne. En discussion avec l'arianisme(4), il lui faut insister sur l'unité divine.

a. L'unum du Père et du Fils diffère de l'unus spiritus entre l'homme et Dieu.

La Lettre 238 qu'Augustin adresse à Pascentius reprend la gradation d'unités présente chez Origène. Si l'on peut parler d'"un seul corps" à propos de l'union de l'homme et de la femme, d'"un seul esprit" pour l'union de l'esprit de l'homme avec le Seigneur, on devra aussi parler d'"un seul Dieu" à propos du Père, du Fils et de l'Esprit (cf. Ep. 238, 11 ; PL 33, col. 1042) puisque, selon l'Écriture, "le Père et le Fils sont un" (Ep. 238, 12 ; o.c., col. 1043). Ces unités sont toutes réelles, mais elles sont bien différentes. Elles forment une sorte de hiérarchie qui fournit un argument a fortiori, présent lui aussi chez Origène. Voici le dernier terme de cette hiérarchie :

Combien plus lorsque le Fils de Dieu dit : Moi et le Père sommes un, unique est Dieu le Père, et unique est Dieu le Fils ; et cependant, dans le même temps, l'un et l'autre sont non pas deux, mais un seul Dieu.

Multo magis igitur cum Filius Dei dicat, Ego et Pater unum sumus, unus est Deus Pater, et unus est Deus Filius ; et tamen simul utrumque non duo, sed unus Deus (Ep. 238, 12 ; o.c., col. 1043).

Augustin fait souvent valoir la particularité de cet unum entre le Père et le Fils. Car, affirme-t-il, les Écritures ont une manière de parler constante. Quand un nom est ajouté au nombre : unum corpus, unus spiritus..., alors l'union concerne des êtres de "nature différente". Mais quand l'Écriture dit simplement unum, il s'agit toujours d'êtres de même nature.

Et je ne sais si on trouve dit dans les Écritures : ils sont un, quand il s'agit d'êtres dont la nature est différente.

Et nescio utrum inveniatur in scripturis dictum : unum sunt, quorum est diversa natura ( De Trinitate VI, III, 4 ; Corpus Christ. L, p. 231, l. 1-2).

Aux prises avec Maximin l'arien, Augustin ne cesse pas d'"inculquer la distance"(5)entre les deux formules.

* Maximin.

Ces unités désignent une "concorde". Maximin interprète de même manière l'unité d'esprit et l'unum du Père et du Fils : ces unités tiennent toutes à une "concorde" (concordia), à un "accord" (consensus) des volontés.

Nous (devenons) un seul esprit avec Dieu quand nous voulons ce que Dieu veut.

Unus spiritus efficiamur cum Deo, quando hoc volumus quod Deus vult (Collatio cum Maximino, PL 42, col. 735).

Et le Fils est un avec le Père parce qu'il fait toujours ce qui plaît au Père.

On l'a dit très souvent : unum a affaire avec la concorde. Comment le Père et le Fils ne sont-ils pas un, quand il arrive au Fils de s'écrier : moi, je fais toujours ce qui plaît au Père ? C'est qu'en effet il ne serait pas un avec le Père s'il posait parfois des actes en contradiction avec le Père.

Saepius dictum est quia unum ad concordiam pertinet. Quomodo non unum Pater et Filius, cum quando clamat Filius, Ego quae placita sunt Patri facio semper ? Tunc demum non esset unum cum Patre, si contraria Patri faceret aliquando (ib., col. 737, l. 39-43).

C'est pourquoi l'unum n'est pas vécu uniquement par le Père et le Fils. Les Apôtres aussi sont unum avec le Père et le Fils (ib, l. 43-46), et non seulement eux, mais tous les croyants à venir, eux pour qui le Christ a prié (ib, l. 46-49). Et Maximin cite intégralement ici Jn 17, 21, en y accolant la finale du v. 23 : "Et tu les as aimés comme tu m'as aimé", car tel est, selon lui, le sens de l'unum :

(Le Christ) a fait mention de l'amour, et non pas de la divinité.

Dilectionis fecit, ut diximus, mentionem, et non divinitatis (ib, l. 53-54).

L'unité entre le Père et le Fils ne diffère donc pas de l'unité d'esprit entre l'homme et Dieu : c'est affaire de "concorde" et d'amour. "Non pas une unité de nature, mais de volonté", comme dira Augustin en présentant l'opinion de Maximin:

Tu t'es efforcé de montrer comment le Père et le Fils sont un, non par unité de nature, mais par unité de volonté.

Conatus es ostendere quomodo Pater et Filius unum sint, non unitate naturae, sed voluntatis.

* Augustin souligne la "distance" entre les deux langages.

Pour répondre à Maximin, Augustin ne peut que marquer la "distance" entre les deux langages. Ce n'est pas en vain que S. Paul a dit unus spiritus et non pas unum ; il l'a fait pour enseigner que sont unus spiritus ceux qui sont "de substances différentes" et que ne sont unum que ceux qui sont "de la même et unique substance".

L'Apôtre dirait-il : Qui adhère au Seigneur est un (avec lui) ? Que dirait-il d'autre en effet, s'il disait cela, si ce n'est que : l'homme saint et Dieu sont un ? Mais cette formule-ci est absolument étrangère à la sagesse (de l'Apôtre) : et cependant il a dit : Qui adhère au Seigneur est un seul esprit ; afin que tu saches que l'on dit "ils sont un" à propos de ceux qui sont d'une unique et même substance : ainsi il a été dit de beaucoup d'hommes : "Tous en effet vous êtes un dans le Christ Jésus" (Ga 3, 28) ; et ainsi le Christ lui-même dit : "Moi et le Père nous sommes un" (Jn 10, 30). Mais lorsqu'on dit unus, et quel est cet unus : cela peut être dit de substances DIFFÉRENTES, comme il a été dit : "Qui adhère au Seigneur est un seul esprit" ; et cela peut être dit de choses d'une unique substance, comme il a été dit : "Ils n'avaient qu'un coeur et qu'une âme" (Ac 4, 32) (Contra Maximinum, L. II, 22, 2 ; PL 42, col. 794).

Le discours de Maximin contraint Augustin à mettre en pleine évidence la différence entre unus spiritus et unum. La "distance" radicale entre les deux expressions interdit ainsi de mettre sur le même plan toutes les formes d'unité ; elle oblige à reconnaître, entre le Père et le Fils, non pas seulement une unité de volonté, d'amour, mais une unité toute différente : de nature.

b. Jn 17, 21 : "Qu'ils soient un en nous", expliqué par Augustin.

Étant donné la clarification opérée par Augustin, on peut se demander comment il rend compte de la prière de Jésus à son Père : "Qu'ils soient un en nous, comme toi Père tu es en moi et moi en toi" ? Augustin maintient son exégèse de l'unum signifiant toujours unité de substance ; ce point étant sauf, il dit aussi quelque chose de l'in nobis.

* L'unum in nobis diffère de l'unum du Père et du Fils.

L'unité des hommes en Dieu est une unité différente de celle du Père et du Fils. Augustin, ici encore, analyse grammaticalement le texte des Écritures : le sujet de l'unum, ce sont les hommes, et non pas les hommes et le Père et le Fils.

Il ne dit pas : "Qu'eux-mêmes et nous soyons un", mais : "qu'ils soient un en nous".

Neque hic dixit, Ut ipsi et nos unum simus, sed, unum sint in nobis (Contra Maximinum L. II, 22, 1 ; PL 42, col. 793).

Le Fils et le Père ne sont pas sujets de cette unité des hommes en Dieu. Et Augustin y insiste en notant la préposition employée : "dans" le Père et le Fils, préposition qui diffère de : "avec" le Père et le Fils.

Qu'ils soient un en eux, et non pas : qu'ils soient un avec eux.

In ipsis unum, non cum ipsis unum (ib, col. 793).

* L'unum in nobis : l'unité des hommes en Dieu s'inscrit dans le rapport de création.

Le fait que les hommes deviennent, selon l'Écriture, un en Dieu n'implique-t-il pas que leur unité se rapproche en quelque sorte de celle de Dieu même, ou qu'elle ait affaire de quelque manière avec elle ? Ceci sans qu'il soit jamais question d'une "unité" entre Dieu et l'homme.

Au milieu des analyses grammaticales citées ci-dessus, Augustin insère une interprétation de l'in nobis. Comme toutes choses trouvent leur perfection en Dieu, l'unité des hommes entre eux ne trouvera aussi sa perfection qu'en Dieu.

Puisque les hommes qui sont un par nature, ne peuvent pas être un suprêmement et parfaitement, à leur manière, grâce à la plénitude de justice, à moins qu'ils ne soient rendus parfaits en Dieu, de telle sorte qu'ils soient un dans le Père et le Fils...

Quoniam homines qui natura unum sunt, summe atque perfecte secundum suum modum unum esse non possunt justitiae plenitudine, nisi in Deo perficiantur, ut unum sint in Patre et Filio... (ib, col. 793).

Le Commentaire sur l'Évangile de Jean, où à propos de Jn 17, 21 revient la même insistance sur l'unum et sur l'unité du Père et du Fils, note que, dans l'in Deo, jouent les rapports de création et de recréation. L'homme est le temple de Dieu, et Dieu est le créateur de l'homme.

(Le Père, le Fils et l'Esprit Saint) sont en effet en nous, comme Dieu dans son temple : mais nous-mêmes sommes en eux, comme la créature dans son Créateur.

Sunt quippe ipsi in nobis, tanquam Deus in templo suo : sumus autem nos in illis, tanquam creatura in Creatore suo (In Johannis Evangelium, Tract. 110, 1 ; PL 35, col. 1920).

Si donc la plénitude de la justice n'est rejointe par l'homme qu'en Dieu, selon le premier texte, le fait d'être en Dieu s'inscrira toujours dans le rapport de création, sans jamais le dépasser ou l'annuler, comme en avertit le second texte. En définitive, le fait de la création est ce qui rend impossible toute unité de nature entre l'homme et Dieu.

c. L'unité d'esprit.

On peut penser que l'interprétation augustinienne de l'unité d'esprit sera analogue à celle de l'unum in nobis. Il s'agit, en effet, d'une adhésion de la créature à son Créateur :

L'esprit de quelque créature devient meilleur lorsqu'il adhère au Créateur. Qui adhère au Seigneur est un seul esprit.

Melior fit autem spiritus alicujus creaturae cum adhaeret creatori. Qui ergo adhaeret Domino unus spiritus est (De Trinitate VI, VIII, 9 ; Corpus Christ. L, p. 238).

Cette "adhésion" de la créature à son Créateur ne saurait aboutir à une unité(6). Mais ce qui existe alors reçoit un autre nom au L. XIV du De Trinitate : le nom de "participation".

Lorsque (l'image de Dieu) s'attachera tout à fait à (Dieu), elle sera un seul esprit, selon le témoignage de l'Apôtre qui dit : Qui s'attache au Seigneur est un seul esprit, ce qui la fait parvenir à la participation de la nature, de la vérité et du bonheur de celui-ci ; lui, cependant, n'augmente pas dans sa nature, sa vérité et son bonheur.

Cum illi penitus adhaeserit, unus erit spiritus, cui rei attestatur apostolus dicens : Qui autem adhaeret Domino, unus spiritus est, accedente quidem ista ad participationem naturae, veritatis et beatitudinis illius, non tamen crescente illo in natura, veritate et beatitudine sua (De Trinitate XIV, XIV, 20 ; Corpus Christ. L, p. 448, l. 86-90).

L'idée de participation permet à Augustin d'affirmer que l'homme est appelé à vivre de Dieu lui-même, de tout ce qu'il est : son être, sa vérité, son bien. L'"unité d'esprit" n'est donc pas un vain mot : elle signifie toute la destinée proprement divine de l'homme. En même temps, dire "participation" et non pas "unité" empêche de concevoir quelque "augmentation" de Dieu par l'adjonction de quelque chose d'autre que lui : l'idée de "participation" permet de tenir compte du caractère immuable de Dieu, tout en évoquant par ailleurs l'union (adhaesio) la plus riche avec Dieu.

C. S. Bernard.

Alors que, chez S. Augustin, I Co 6, 17 apparaît relativement peu, chez Bernard au contraire ce verset est assez fréquent ; il serait même le verset biblique cité le plus souvent selon Y. CONGAR(7).

L'usage qu'en fait Bernard est différent lui aussi. Augustin y avait le plus souvent recours pour mettre en relief, par contraste, l'unum divin, l'unité de nature du Père, du Fils et de l'Esprit. Bernard fait appel à l'unité d'esprit surtout pour indiquer le but de la vie spirituelle. Ainsi sert-elle à caractériser le quatrième degré de l'amour dans le De diligendo Deo. Et elle est aussi l'expression de ce que désire l'Épouse dans les Sermons sur le Cantique.

Ces différences n'empêchent pas Bernard d'être un disciple particulièrement fidèle d'Augustin quand il confronte à son tour les deux expressions unus spiritus et unum. P. VERDEYEN l'a noté en tête de sa présentation des positions contrastées de Bernard et de Guillaume sur le point de l'union avec Dieu(8). On utilisera ici quelques éléments de son analyse du Sermon 71 sur le Cantique. Mais notons d'abord, par un exemple, la richesse qu'évoque pour Bernard la citation de S. Paul.

a. L'unité d'esprit : une union qui échappe à la mesure de l'homme.

Dans son deuxième Sermon pour la Nativité, Bernard retrace trois grandes oeuvres du Seigneur. Création première, rédemption présente et glorification à venir forment une triple union (commixio). La troisième union est décrite très brièvement à l'aide de plusieurs citations de l'Écriture dont I Co 6, 17.

Ils seront alors deux non plus en une seule chair, mais en un seul esprit. En effet si le Verbe, en s'attachant à la chair, a été fait chair, à plus forte raison celui qui s'attachera à Dieu sera avec lui un seul esprit.

...Erunt duo non jam in carne una, sed in spiritu uno. Etenim si adhaerens carni Verbum, factum est caro, multo magis qui adhaeserit Deo, unus spiritus erit cum eo (In nativ. Sermo 2 ; S.B.O.(9)IV, p. 256).

Le raisonnement a fortiori ici mis en oeuvre n'est pas uniquement d'un bel effet littéraire. Il donne à mesurer toute la force de l'union avec Dieu. Si le Verbe a pu devenir chair en s'attachant à la chair, que deviendra l'homme qui s'attachera non pas à la chair mais à Dieu, ce Dieu qui est tout-puissant, qui peut tout ? On ne peut le savoir ; cela nous dépasse infiniment parce que cela est caché dans le mystère de Dieu. L'oeil ne peut le voir, ni l'oreille l'entendre, comme le disait Bernard juste auparavant. Cette "unité" avec Dieu n'est pas à notre mesure, mais à celle de Dieu.

Si le langage défaille pour la décrire positivement, il reste cependant à éviter des formulations erronées. Ainsi Bernard n'a-t-il évidemment pas écrit que cet homme-là "deviendra Dieu" ; mais, comme on va le voir, il refuse aussi de dire que cet homme deviendra "une seule chose" avec Dieu.

b. Une différence radicale entre l'unus spiritus et l'unum.

* S.C. 71.

Le Sermon 71 sur le Cantique comporte un très long excursus (le mot est de Bernard lui-même) dont les dernières lignes récapitulent le thème :

Cela dit pour exposer la différence entre cette union, par laquelle le Père et le Fils sont un, et celle par laquelle l'âme s'attachant à Dieu est un seul esprit, de peur que peut-être, parce qu'on lit au sujet de l'homme demeurant dans la charité qu'il demeure en Dieu et Dieu en lui, et de même au sujet du Fils qu'il soit néanmoins dans le Père et le Père en lui, on estime égales la prérogative du (fils) adoptif et celle du (Fils) unique.

Haec dicta sint ad dandam differentiam inter illam connexionem, qua Pater et Filius unum sunt, et illam qua adhaerens Deo anima, unus spiritus est, ne forte quia legitur de homine manente in caritate, quia in Deo manet et Deus in eo, et item de Filio quod nihilominus in Patre sit et Pater in ipso, par praerogativa adoptati putaretur et unici (S.C. 71, 10 ; S.B.O. II, p. 222, l. 1-5).

Bernard présentait en effet une firma connexio et complexio integra entre l'homme et le Verbe. Et c'est à ce propos qu'il fait appel à une comparaison (per simile ostendam) : celle de l'union entre le Père et le Fils. Mais cette union mérite le nom d'unitas alors que celle de l'homme et de Dieu est décrite autrement : unus spiritus est (S.C. 71, 6 ; S.B.O. II, p. 217, l. 24 à p. 218, l. 15). Bernard s'attarde alors longuement (S.C. 71, 7-10 ; S.B.O. II, p. 218, l. 16 à p. 222, l. 5) à démontrer "non seulement la diversité, mais l'inégalité de (ces) unités" (non modo diversitas, sed et disparitas unitatum ; p. 220, l. 10) et il ne cesse de souligner l'unicité absolue de l'unité divine :

singularis ac summa illa est unitas ;

incomparabiliter invicem in se manentes, vere et singulariter unum sunt (S.C. 71, 9 ; S.B.O. II, p. 220, l. 24 ; p. 221, l. 4-5).

C'est que Bernard insiste ici, comme Augustin, sur l'unité de nature, et, de ce fait, donne l'impression, comme le dit avec raison P. VERDEYEN, de "(réduire) beaucoup la valeur de l'unité mystique" (o.c., p. 72).

Voilà bien mise en lumière, si je ne me trompe, la différence ou plutôt la disparité des deux unités, dont la première repose sur l'unité d'essence, la seconde sur deux essences diverses. Rien de plus dissemblable que l'unité d'une chose et celle de plusieurs choses. Ainsi, je l'ai déjà dit, les termes employés unus et unum marquent bien la discrimination nécessaire : par unum, on désigne l'unité d'essence, qui est celle du Père et du Fils, mais par unus, on désigne entre Dieu et l'homme non pas cette unité-là, mais une sorte de tendre accord des sentiments.

Patet, ni fallor, satis non modo diversitas, sed et disparitas unitatum, una in una, altera in diversis exsistente essentiis. Quid tam distans a se, quam unitas plurium et unius ? Ita inter unitates, ut dixi, disterminant "unus" et "unum", quod per "unum" quidem in Patre et Filio essentiae unitas, per "unus" vero inter Deum et hominem non haec, sed consentanea quaedam affectionum pietas designatur (S.C. 71, 9 ; S.B.O. II, p. 220; l. 10-15).

Le moins que l'on puisse dire, au terme de l'excursus de Bernard, est qu'"(il) refuse de mettre sur un pied d'égalité " les deux termes unum et unus spiritus (P. VERDEYEN, o.c., p. 75). Et on ne peut qu'être d'accord avec ce qu'ajoute encore un peu plus loin P. VERDEYEN : "il est remarquable que S. Bernard nie la rencontre des essences, de sorte que l'unité se réalise uniquement au niveau des puissances de l'âme" (o.c., p. 75). Et de citer Bernard : cette unité (entre l'homme et Dieu) résulte moins d'une cohésion des essences que de la connivence de deux volontés (trad. d'É. GILSON) :

Quam quidem unitatem non tam essentiarum cohaerentia facit, quam conniventia voluntatum (S.C. 71, 8 ; S.B.O. II, p. 220, l. 7-9).

Déjà É. GILSON résumait ainsi la position de Bernard : "l'union mystique respecte intégralement cette distinction réelle de la substance divine et de la substance humaine, de la volonté de Dieu et de la volonté de l'homme ; elle n'est ni une confusion des substances en général, ni une confusion de la substance de deux volontés en particulier ; mais elle est leur accord parfait, la coïncidence de deux vouloirs"(10).

Cette phrase de GILSON montre mieux que toute autre quelle est la notion-clé de l'exposé bernardin : celle de substance. C'est elle qui met de l'ordre parmi les "unités" : unité de substance pour ce qui est de Dieu en lui-même ; mais absolument pas d'unité de substance entre l'homme et Dieu. Cette perspective bernardine, si nettement affirmée, ne saurait être passagère. Elle ne figure pas uniquement dans ce Sermon 71 sur le Cantique qui, au témoignage des manuscrits, a été l'objet d'une soigneuse révision par Bernard lui-même.



* D'autres témoins de cette différence.

Par deux fois, à la citation de I Co 6, 17 est jointe une mise en garde contre une mauvaise interprétation possible : il ne saurait s'agir d'une unité substantielle.

Qui adhère à Dieu n'est pas en effet une seule chose, c'est-à-dire n'est pas une seule substance, mais est un seul esprit.

Qui adhaeret Deo non quidem unum, id est, non una substantia, sed unus spiritus est (Sermon 5 pour le 1er Dim. de Novembre, 2 ; S.B.O. 5, p. 319,l. 8-9).

Cette "union spirituelle", comme il la nomme, est "union des volontés et adhésion de l'esprit" (voluntatum unionem et adhaesionem spiritus ; ib., l. 12-13), et elle diffère de l'"unité naturelle et substantielle" (naturalis et substantialis unitas ; ib., l. 9-10), celle à laquelle renvoie la parole de l'Évangile : "Moi et le Père nous sommes un" (ib., l. 10-11).

C'est encore cette même perspective qui apparaît dans le De consideratione. Les écueils sont clairement indiqués : "être un seul esprit avec Dieu" ne peut signifier être "une seule personne" ni être "une seule substance" avec Dieu.

Dieu est (dans l'âme) de telle sorte qu'il "affecte", qu'il infuse, ou plutôt : il est infusé et il est participé ; ainsi quelqu'un n'a pas craint de dire que Dieu est pareillement un seul esprit avec notre esprit, même s'il n'est pas une seule personne ni une seule substance. Tu as en effet : Qui s'attache à Dieu est un seul esprit.

Habes enim : Qui adhaeret Deo, unus spiritus est (De consideratione L. V, V, 12 ; S.B.O. III, p. 476, l. 12-15).

Notons au passage la participatio, déjà rencontrée chez Augustin. Et ici encore Bernard tient à bien noter la différence radicale, si présente chez Augustin, entre unus spiritus et unité de substance.

* Un langage symbolique pour dire l'unité d'esprit.

Bernard ne se contente pas de signaler les impasses possibles énoncées par la théologie trinitaire. Il s'efforce aussi de faire saisir la richesse de l'unité d'esprit en recourant au langage symbolique. Le passage suivant, extrait du Sermon 19 sur le Cantique, concerne les Séraphins et Dieu, mais l'unité d'esprit décrite ne diffère pas de celle vécue par l'homme et Dieu ; on retrouve d'ailleurs les mêmes comparaisons à propos du quatrième degré de l'amour (la goutte d'eau dans beaucoup de vin ; le fer incandescent ; l'air et la lumière du soleil(11)).

Ils semblent être un seul esprit avec Dieu, comme le feu qui, lorsqu'il marque de toute sa chaleur l'air qu'il enflamme et le revêt de sa couleur, paraît non pas l'avoir enflammé, mais l'avoir fait devenir feu.

Unus cum Deo esse spiritus videantur, instar profecto ignis, qui aerem, quem inflammat, dum suum ei totum calorem imprimit, induitque colorem, non ignitum, sed ignem fecisse cernitur (S.C. 19, 5 ; S.B.O. I, p. 111, l. 17ss).

On perçoit l'air enflammé comme s'il était devenu lui-même feu. Ainsi en est-il du séraphin ou de l'homme qui s'attache à Dieu : leur unité en un seul esprit est si forte que Dieu semble les avoir remplis totalement et qu'ils semblent avoir été faits Dieu. Voilà ce que suggère l'image développée par Bernard.

Cette haute idée de la destinée de l'homme en Dieu ne sort cependant pas de ce que l'on pourrait appeler le "cadre de pensée" de Bernard en ce qui concerne l'unité en Dieu et avec Dieu : l'image met en jeu des substances matérielles. Certes elles permettent d'évoquer sans la définir l'unité de l'homme avec Dieu, mais, parce qu'il s'agit de substances matérielles, elles se posent toujours l'une par rapport à l'autre, l'une en face de l'autre, et ne peuvent donc donner lieu à quelque unité que ce soit.

Pour dire son expérience mystique, Bernard ne manque pas de recourir à I Co 6, 17 qu'il sait illustrer grâce à un langage symbolique. Tout son discours reste cependant sur le plan des substances (des "substances" en général, ou "substances des deux volontés", comme le dit É. GILSON, p. 146). Ajoutons encore une dernière confirmation de ce fait : le Sermon 4 De diversis qu'É. GILSON vient à citer après avoir étudié le Sermon 71 sur le Cantique.

* L'unité d'esprit : une union non immédiate (Sermon 4 De diversis).

Puisque toute unité de nature entre l'homme et Dieu est impossible tellement est grande la "différence" entre "celui qui n'est pas" et "Celui qui est", que veut dire le "s'attacher à Dieu" du Ps. 72 ou de I Co 6, 17 ? De façon très cohérente, le Sermon 4 De diversis montre que, si union il y a, elle ne peut être immédiate ; ce sera une union "par quelque intermédiaire". Ainsi sont sauves à la fois l'existence d'une union à Dieu dont témoigne l'Écriture, et la non-confusion des substances.

Quelle participation en effet, quelle réunion entre celui qui n'est pas et Celui qui est ? Comment des choses si différentes peuvent-elles être unies ? Pour moi, dit le Saint, il m'est bon de m'attacher à Dieu. Nous ne pouvons pas être unis immédiatement à lui, mais cette union pourrait peut-être se faire grâce à quelque intermédiaire.

Quae ergo participatio, quae conventio illius qui non est ad illum qui est ? Quomodo possunt tam diversa conjungi ? Mihi, ait Sanctus, adhaerere Deo bonum est. Immediate ei jungi non possumus, sed per medium aliquod poterit fieri fortassis ista conjunctio (S. 4 De div. ; S.B.O. VI, 1 ; p. 96).

Certes il faut prendre en considération le medium préconisé ici (la caritas), mais il est clair que la problématique dans laquelle il intervient est identique à celle du Sermon 71 sur le Cantique. Tous ces textes assurent d'abord l'unité de nature de Dieu, unum qui ne peut exister entre l'homme et Dieu. Ceci conduit É. GILSON à conclure très logiquement au sujet de l'adhaesio de l'homme à Dieu : "Le nom qui désigne sans équivoque la nature propre de cette unité, c'est 'similitude'" (o.c., p. 150).

c. Une union... par la "charité".

Le même Sermon 4 De diversis précise quel est le nécessaire "intermédiaire" : la "charité".

Le troisième est collé (à Dieu) par une colle, la charité : celui-là qui, lié aussi suavement que sûrement, s'attachant à Dieu est un seul esprit.

Tertius vero glute ei conglutinatur, id est caritate, qui tam suaviter quam secure ligatus, adhaerens Domino unus spiritus est (S. 4 De div. ; S.B.O. VI, 1 ; p. 96).

Ce Sermon n'élabore pas davantage la réponse. Mais deux autres Sermons De diversis font mention de l'Esprit Saint : ils le reconnaissent soit spécialement à l'oeuvre dans l'unité d'esprit (S. 92 De div. ; S.B.O. VI, 1 ; p. 347), soit venant à l'homme qui est un seul esprit avec Dieu (S. 41 De div. ; S.B.O. VI, 1 ; p; 252).

Et si l'Esprit "opère" l'unité d'esprit, c'est à cause de ce qu'il est : lien (vinculum) de la Trinité. Lui qui fait l'unité de la Trinité nous fait "une seule chose dans le Père et le Fils" : unum in nobis. Ainsi la fin du Sermon 1 pour l'Octave de Pâques reconnaît dans l'Esprit Saint, de par ce qu'il est en Dieu même, celui qui permet à l'homme aussi bien d'être un seul esprit avec Dieu que d'être unum dans le Père et le Fils.

...L'Esprit Saint fait que ceux qui s'attachent à Dieu sont un seul esprit avec lui. En effet l'Esprit lui-même est le lien indissoluble de la Trinité, par qui, comme le Père et le Fils sont un, de même nous aussi nous soyons un en eux, par la miséricorde de Celui qui a daigné demander cela même pour ses disciples, Jésus le Christ notre Seigneur.

Spiritus sanctus adhaerentes Deo unum spiritum faciat esse cum eo. Est enim Spiritus ipse indissolubile vinculum Trinitatis, per quem sicut Pater et Filius unum sunt, sic et nos unum simus in ipsis, eo miserante, qui pro discipulis hoc ipsum orare dignatus est, Jesu Christo Deo nostro (S. 1 pour l'Octave de Pâques, 8 ; S.B.O. V, p. 117).

Seul cas, semble-t-il, dans l'oeuvre bernardine où I Co 6, 17 et Jn 17, 21-22 se rejoignent pour exprimer ce que nous pouvons goûter ici-bas ou ce dont nous bénéficierons dans le ciel. Ce dernier texte soulève une question : cet Esprit "lien indissoluble du Père et du Fils" peut-il être dit medium aliquod ? N'est-il pas trop de Dieu pour pouvoir être encore "intermédiaire" ?

d. Conclusion.

Dans l'oeuvre bernardine, l'expérience mystique se cherche un langage. Elle trouve la formule paulinienne, qui jouit de l'autorité des Écritures et de la Tradition. L'interprétation de ce verset témoigne d'une grande prudence théologique, très attentive à respecter ce qui est de l'ordre des substances : il ne saurait y avoir d'unité de nature, de substance. Ceci n'empêche pas de reconnaître que l'Esprit Saint est l'auteur de l'unité d'esprit. Mais le rapport entre l'Esprit Saint, l'unité du Père et du Fils, et l'unité d'esprit ne fait pas l'objet d'une réflexion ultérieure.

2. Guillaume de Saint-Thierry.

Quand les oeuvres de Guillaume rapprochent les deux citations de l'Apôtre et de l'Évangile, elles opèrent dans un terrain déjà fort travaillé auparavant, et par des maîtres auxquels elles sont redevables tels Origène et Augustin. Aussi est-il étonnant de constater qu'il leur arrive d'aller jusqu'à assimiler, semble-t-il, l'une à l'autre les deux formules, unus spiritus et unum du Père et du Fils. Relevons les trois passages très nets.

Nat Corp présente une équivalence :

Un tel homme, l'ange et Dieu sont déjà un seul esprit, selon l'Apôtre, ou sont une seule chose en Dieu, selon l'Évangile.

Homo talis et angelus et Deus, unus jam sunt spiritus, secundum Apostolum, vel unum sunt in Deo, secundum Evangelium (103, l. 11-14).

La même coordination revient dans la Lettre d'Or :

Jusqu'à ce qu'il soit devenu une seule chose ou un seul esprit avec lui

Donec unum vel unus cum eo spiritus fuerit effectus (Epist 275, l. 2-3).

De plus, au lieu de la coordination, la Lettre d'Or a aussi une simple juxtaposition :

L'homme devient une seule chose avec Dieu, un seul esprit.

Fit homo unum cum Deo, unus spiritus (Epist 262, l. 4).

Ces passages recourent au neutre unum pour désigner l'union parfaite de l'homme avec Dieu. Or cet unum est le terme propre mis en oeuvre pour désigner l'unité des personnes divines.

On pourrait se demander si Guillaume ne remet pas en cause la théologie traditionnelle. On verra que bien des éléments assurent qu'il n'en est rien. Il reste cependant que ce langage est insolite, différent : cette différence a-t-elle quelque portée ?

A. Une théologie traditionnelle respectée.

a. Les contextes.

La coordination ou la juxtaposition des deux formules peuvent surprendre, mais le contexte général dans lequel elles apparaissent dissipe aisément les possibles inquiétudes.

* Nat Corp 103.

Quand le Nat Corp inscrit : "un tel homme... et Dieu sont alors un seul esprit... ou une seule chose en Dieu", c'est après avoir repris un paragraphe de Claudien Mamert, écho d'Augustin. Ce passage commence par affirmer nettement le statut de la créature qui jamais ne sera le Créateur ; il exhorte ensuite l'homme à s'approcher de la "forme formatrice", il l'appelle à une démarche vis-à-vis de son Créateur (accede ad, l. 2).

...Toi, ton esprit rationnel, ta pensée, ton amour, tu es un seul homme fait à la ressemblance de ton auteur, non pas créé son égal, ni bien sûr engendré, tu as reçu une forme, toi-même tu ne donnes pas de forme. Écarte-toi des choses qui sont au-dessous de toi, leur forme est moins parfaite, moins belle que la tienne ; approche-toi de la forme formatrice afin que tu puisses avoir une forme plus belle, et accole-toi toujours à elle, car tu recevras de cette beauté une empreinte d'autant plus profonde que tu te seras pressé contre elle d'un plus grand poids de charité. C'est d'elle, en effet, que tu obtiendras l'état immuable de cette image, état dont tu as reçu ton origine.

Tu vero mens rationalis, cogitatio, dilectio tua, unus es homo, ad similitudinem autoris tui factus, non ad aequalitatem creatus, nempe non genitus, formatus es , non ipse formator. [103] Recede ab his quae infra te sunt, minus formata, minusque formosa quam tu es, accede ad formam formatricem, ut possis esse formosior, eidemque semper adjungere, quia tanto ab illa specie amplius accipies quanto te illi majori caritatis pondere impresseris. Ab illa enim obtinebis imaginis hujus indemutabilem statum, a quo sumpsisti principium (Nat Corp 102, l. 9 à 103, l. 7 ; trad. de M. LEMOINE, un peu modifiée).

Ainsi est-il clair que l'homme reçoit sa forme de son Auteur, que c'est grâce à lui qu'il obtiendra son accomplissement à condition d'aller vers lui. La créature est en relation avec son Créateur. Elle ne se confond nullement avec lui. Si la suite immédiate du texte envisage l'union avec Dieu comme étant une "unité", elle est encore à comprendre à la lumière de ces affirmations si clairement exposées. Plutôt que de considérer ces passages comme contradictoires, ne peut-on penser que l'expression unus spiritus... vel unum in Deo intègre d'une manière nouvelle le donné traditionnel ?

* Epist.

Le cas de la Lettre d'Or est plus explicite encore, car la juxtaposition osée unum cum Deo, unus spiritus couronne tout un développement destiné à la bien situer. Elle est le terme d'un itinéraire de ressemblance.

Entre Dieu et l'homme fait à son image et tendu vers sa ressemblance (Epist 259, l. 5-7), existent ou sont susceptibles d'exister plusieurs types de ressemblance. La première, inamissible, concerne l'anima ; la seconde, "plus proche de Dieu", a pour siège l'animus et consiste dans les vertus. Mais il existe une forme encore supérieure de ressemblance (Super hanc autem alia adhuc est similitudo Dei ; 262, l. 1). Il s'agit donc bien d'une ressemblance, même si le terme ne suffit plus à décrire la réalité visée. Même si celle-ci, en raison de sa particularité, reçoit un nom qui lui est propre, un nom qui n'est plus de ressemblance mais d'unité :

in tantum proprie, propria, ut non jam similitudo, sed unitas

spiritus nominetur (l. 2-4).

Cette "plus-que-ressemblance" ne cesse donc pas d'être le sommet dans la gradation des ressemblances, tout en étant aussi autre chose qu'une ressemblance : une unité entre l'homme et Dieu. D'où le nom qu'elle reçoit : unitas spiritus, et son exégèse, de prime abord surprenante : unum cum Deo, unus spiritus (l. 4).

* Conclusion.

Ces ensembles où apparaissent les formules étonnantes donnent toutes les indications nécessaires pour une perception exacte de la situation bien distincte de l'homme et de Dieu. Mais le déroulement même de ces textes tend à montrer que tout n'est pas dit par là. La distinction entre l'homme et Dieu, loin d'être annulée, est ressaisie dans une perspective plus vaste : cette perspective qu'ouvre l'expérience mystique et qui se cherche un langage notamment dans la Lettre d'Or, mais déjà dans le Nat Corp.

b. Des notations qui excluent l'unité de nature entre l'homme et Dieu.

Non seulement les textes insistent sur la distinction essentielle entre la créature et le Créateur, entre l'image et Celui qui la fait à son image, mais certaines notations constituent des mises au point non négligeables.

* Epist 262.

Selon la Lettre d'Or, celui qui vit la plus-que-ressemblance, "l'unité d'esprit", celui qui est "une seule chose avec Dieu, un seul esprit", "n'est plus capable de vouloir autre chose" que ce que Dieu veut (Epist 262, l. 6-7). Or un tel énoncé est déjà apparu quelques paragraphes auparavant et il y a été prolongé par la constatation suivante :

Ne pas pouvoir vouloir autre chose que ce que Dieu veut, cela c'est déjà être ce que Dieu est.

Non posse velle nisi quod vult Deus, hoc est jam esse quod Deus est (258, l. 2-3).

Voilà qui corrobore le fait de l'unité, puisque l'homme n'est pas seulement semblable à Dieu mais est alors "ce qu'est Dieu" (cf. aussi 263, l. 12). "Être ce que Dieu est " implique une forme d'unité bien réelle. Mais cette formule est tout aussitôt catégoriquement opposée à cette autre : "être Dieu".

Non, certes, qu'ils soient Dieu, mais qu'ils soient cependant ce que Dieu est.

Non quidem ut sint Deus, sed sint tamen quod Deus est (Epist 258, l. 7 ; cf. aussi 263, l. 12).

Autrement dit, il n'est pas question d'une quelconque absorption en Dieu telle qu'il n'y ait plus que Dieu seul. On doit donc accueillir aussi bien l'affirmation de l'unité que cette précision qui l'accompagne (non Deus). Seul l'ensemble des données peut laisser entrevoir ce que signifie l'unitas spiritus.

* Epist 275.

C'est en ce passage de la Lettre d'Or que l'unum, coordonné à l'unus spiritus, est posé de la façon la plus absolue puisqu'il ne comporte aucun complément tel l'in Deo de Nat Corp 103, ou le cum Deo d'Epist 262.

Mais cette unité présente d'autres aspects qui sont à tenir en même temps que l'unum. La phrase suivante évoque en effet une croissance dans l'unum lui-même : "Lorsque (l'élan du coeur) aura été parfait en cela..." (l. 3-4) ; c'est-à-dire : dans cette unité même. C'est donc que l'unité ici n'empêche pas que le pius affectus continue de tendre vers le Bien suprême alors même qu'il ne fait plus qu'un avec lui.

C'est d'ailleurs que subsiste un dernier voile, celui de la mortalité (jam solo mortalitatis hujus velo ; 275, l. 4) , qui tient à distance de la béatitude suprême. Ce voile fait corps avec l'humanité en son état d'ici-bas. Il empêche absolument qu'on la confonde avec Dieu. Mais sans empêcher que l'homme soit devenu avec le Bien suprême, avec Dieu, "une seule chose ou un seul esprit".

c. Conclusion.

Alors que l'union de l'homme avec Dieu reçoit le nom inédit d'"unité", les textes, restitués dans les ensembles dont ils font partie tout autant qu'analysés dans leurs notations de détail, excluent toute possibilité d'y reconnaître une forme quelconque de panthéisme. En cela, l'oeuvre guillelmienne est fidèle à ses grands prédécesseurs, Origène et Augustin. Et pourtant elle est en même temps audacieuse : elle marque une différence d'avec eux, elle-même indice d'une expression renouvelée de ce qui est goûté.

B. Une perspective théologique différente.

a. Un langage différent.

Guillaume ne s'en tient pas aux vues d'Augustin, ni même d'Origène. Non qu'il les contredise absolument : il va au-delà.

* Un langage opposé à celui d'Augustin et de Bernard.

Augustin, en lutte avec des courants arianisants, ne parle de l'unité d'esprit (unus spiritus) que pour manifester combien s'en distingue, s'en sépare l'unité prise de façon absolue, l'unum, qui caractérise l'unité divine. Son souci est toujours de marquer la "distance" qui sépare les deux langages scripturaires, et donc les deux réalités en cause. S. Bernard, lorsqu'il précise théologiquement son opinion, ne fait que reprendre son maître Augustin.

L'écriture de Guillaume se révèle tout à fait contraire à leur vision des choses puisqu'il bouleverse totalement leurs repères en osant appliquer l'unum à l'unité de l'homme avec Dieu. S'il s'agit bien d'un terme scripturaire, il n'est plus réglé par les lois qui le régissaient dans les Écritures et sur lesquelles Augustin fondait sa réfutation des opinions ariennes.

* Un langage qui va plus loin que celui d'Origène.

Dans son Traité des Principes, Origène avait évoqué la fin de toutes choses en termes de ressemblance et d'unité. Il semble d'abord les confondre puisqu'il appelle "ressemblance" cette "unité" pour laquelle le Seigneur a prié son Père (L. III, 6,1)(12); mais ensuite sa relecture note au contraire une distinction, puisqu'il discerne une progression du semblable à l'un, de la ressemblance à une unité où coexistent ressemblance et unité (cf. ci-dessus 1. A. c.).

C'est dans cette ligne que s'inscrit l'unité d'esprit guillelmienne. Elle aussi est unité qui couronne une gradation de ressemblances en la dépassant. Mais elle aussi ne cesse pas de reconnaître l'altérité : si l'homme peut devenir "ce qu'est Dieu", il ne devient jamais "Dieu".

Le texte de Nat Corp et de l'Epist est cependant beaucoup plus fort que celui d'Origène dans l'affirmation de l'unité. Il brave l'écriture antérieure en posant comme équivalent l'unus spiritus et l'unum. S'il l'ose, n'est-ce pas parce qu'il a une autre donnée à faire valoir, une justification nouvelle à présenter : l'unité d'esprit en son rapport avec l'Esprit Saint, conformément au développement de l'Epist où s'enchaînent l'un à l'autre la ressemblance (259-262), puis l'unité (262), puis l'Esprit Saint (263-266) ?

b. Un déplacement de la question.

Bernard, à la suite d'Augustin, aperçoit l'unité d'esprit dans un univers qui est celui des "substances", univers balisé si l'on peut dire par la polémique anti-arienne où l'on a défendu l'"unité de substance" propre à Dieu. Bernard n'a plus d'ariens en face de lui, mais il craint que l'on fasse erreur sur la réalité de notre union à Dieu et par là sur la réalité de Dieu lui-même. Cette union, terme de la vie spirituelle, à laquelle il donne si souvent le nom d'"unité d'esprit", est réelle et éminente, mais elle n'est pas confusion avec Dieu ; elle n'est pas "unité d'essence", mais union de deux "essences diverses"(13).

L'unité d'esprit, chez Guillaume, rompt avec cet horizon gouverné par l'"unité substantielle". C'est ce que signifie la double exégèse du nom "particulier" donné à la plus haute ressemblance de l'homme avec Dieu : l'unité d'esprit. D'abord justifié du point de vue de l'"unité" puisque l'homme est même une seule chose avec Dieu (Epist 262), ce nom est justifié aussi du point de vue de l'"esprit" parce que "cette (ressemblance plus haute) est appelée 'unité d'esprit'... du fait qu'elle-même est l'Esprit Saint lui-même" (Dicitur autem haec unitas spiritus... quia ipsa ipse est Spiritus sanctus ; 263, l. 1...3).

Or l'Esprit Saint n'est pas évoqué en termes de "substance" : il l'est en termes de relation. "Ce qu'il est pour le Fils vers (ad) le Père, et ce qu'il est pour le Père vers (ad) le Fils", c'est ce qu'"il devient aussi pour l'homme vers (ad) Dieu" (Epist 263, l. 3ss). L'Esprit est perçu comme communication, il ouvre l'une à l'autre les personnes divines, il ouvre l'homme à Dieu.

De même que l'Esprit est communication dans la vie divine, de même il l'est aussi dans la vie de l'homme. Dans la quête spirituelle l'Esprit est tout, d'une certaine manière : lui éveille, "vivifie" notre esprit, "lui est la sollicitude de qui cherche comme il convient, ...et la sagesse de celui qui trouve, l'amour de celui qui possède, la joie enfin de qui jouit" (Epist 266).

L'Esprit Saint fait vivre de la vie divine ; il fait vivre cette vie d'échange qu'il est en Dieu même, entre le Père et le Fils ; il fait définitivement craquer un univers qui se borne aux seules substances.

Ainsi l'expérience spirituelle et mystique de Guillaume lui a-t-elle révélé des relations entre des personnes et lui a ainsi fait dépasser un langage chosifiant. Il n'a pas exprimé l'unité d'esprit dans les catégories dialectiques suivies par son ami Bernard qui "ramène Dieu et l'âme créée à deux substances différentes, à des monades fermées qui ne peuvent se rencontrer"(14). Guillaume a éprouvé en lui-même

et saisi que l'Esprit Saint était non seulement l'auteur de l'unité d'esprit (cf. 263, l. 2 : non tantum quia efficit eam), mais qu'en sa personne se jouait la richesse de cette union si particulière qu'on l'appelle "unité".

c. Conclusion : l'unité d'esprit est à considérer à partir non pas des substances mais de l'Esprit Saint.

É. GILSON disait de l'union à Dieu par le Saint-Esprit : "C'est une véritable unité qui règne alors entre la créature et le créateur, mais une unité de similitude : unitas similitudinis(15), qui ne saurait en aucun cas devenir une unité de nature" (p. 229).

L'unité de nature est certes exclue, comme les textes eux-mêmes le montrent. Ce que dit l'Epist, c'est qu'avec Dieu est possible une unité et que cette unité ne cesse pourtant pas d'être aussi ressemblance.

Ce point de vue nouveau s'impose, dans les textes de Guillaume, du fait que l'unité d'esprit tient toute sa réalité, toute sa consistance, de la personne de l'Esprit Saint. Il est, lui, le garant de cette unité d'un type particulier, unité dont l'homme mû par l'Esprit pourra, à l'instar de Guillaume lui-même, témoigner à son tour.

Toutes les occurrences de l'unité d'esprit dans l'oeuvre guillelmienne n'évoquent pas l'Esprit Saint. Mais tous les passages où celle-ci est explicitée pour elle-même font place à l'Esprit (Epist 170, 262-263 ; Cant 30, 95, 131 ; Spec 99, 109-110 ; Nat Corp 106 ; Cont 11 ; Adv Ab 261, 266 ; Exp Ro I, 20-21, p. 24 ; V, 12, p. 68, l. 267-272). C'est lui qui apparaît comme la condition de possibilité de cette "conjonction admirable... qui n'est autre que l'unité du Père et du Fils, ...l'Esprit Saint" (Cant 95).

1. 1 De statu animae, PL 53, 697-780.

2. 2 Tel est l'objet de l'ouvrage déjà cité de D.N. BELL, The Image and Likeness. The Augustinian Spirituality of William of Saint-Thierry. De toute la tradition augustinienne médiévale, dit-il, "(William) was undoubtedly a most important representative. Just how important a representative it will be part of the task of his study to determine" (p. 89). Et la conclusion de son étude débute ainsi : "From all that has been said in the foregoing pages, I do not think there can be any doubt that the spirituality of William of St Thierry is rooted in the augustinian tradition" (p. 251).

Quant à la question de l'importance d'Augustin comme source de Guillaume, on pourra voir aussi : Goulven MADEC, À propos des sources de Guillaume de Saint-Thierry, dans : Revue des études augustiniennes t. 24, 1978, p. 302-309. "Il est possible, écrit-il en concluant son article, que l'éclectisme de Guillaume, sa largeur de vue, sa clairvoyance, le situent en dehors de tout conservatisme, en particulier de ce conservatisme augustinien dans lequel se sont enfermés trop d'écrivains catholiques au XII siècle - comme le dit Dom Déchanet -. Mais il est non moins certain que lui-même a trouvé amplement son bien - textes et thèmes - dans Augustin".

3. 3 H. CROUZEL, Origène et la "connaissance mystique", 1961, p. 522.

4. 4 En particulier avec Maximin : "La Collatio Augustini cum Maximino est le compte rendu sténographique de la dispute d'Hippone de 427 ou 428" (art. Maximin, dans : Dictionnaire encyclopédique du christianisme ancien. Sous la direction de Angelo DI BERARDINO. Cerf, 1990 [Éd. originale : Marietti, 1983], vol. II, p. 1606).

Ainsi qu'avec Pascentius : "Comte arien de la cour impériale (IV-V s.). En 406, il mit Augustin au défi de soutenir un débat à Carthage (Possid., Vita Aug. 17) et il se vantait de l'avoir gagné. Augustin professa sa propre foi dans les trois personnes divines (Ep. 238, 2, 10) ; il exposa le mystère de la trinité (Ep. 238, 2, 11 ; 238, 4, 25 ; 238, 5, 28) ; il expliqua le mot homousios (Ep. 238, 1, 4 ; 238, 5, 27) et il exhorta Pascentius à exposer sa propre foi (Ep. 238, 5, 26) afin d'être heureux de croire sans déformer la vérité (Ep. 239, 1 ; 238, 5, 29 ; 239, 2-3). Pascentius contesta âprement Augustin (Ep. 240) et celui-ci répondit aux calomnies de l'arien par son Ep. 241" (art. Pascentius, ib., vol. II, p. 1920).

5. 5 Contra Maximinum, L. II, 22, 2 ; PL 42, 794.

6. 6 De Trinitate VI, III, 4 ; Corpus Christ. L, p. 231-232.

7. 7 Y. CONGAR, Ecclésiologie de S. Bernard, dans : Saint Bernard théologien. Actes du Congrès de Dijon, 15-19 septembre 1953, publiés par les Analecta S.O.C. 9 [Rome, 1953], p. 148.

8. 8 La théologie mystique de Guillaume de Saint-Thierry, Paris, 1990, p. 72. L'ensemble de la présentation couvre les pages 70 à 107. Quelques pages y sont aussi consacrées dans l'article du même auteur Un théologien de l'expérience, dans : Bernard de Clairvaux. Histoire, mentalités, spiritualité. Colloque de Lyon-Cîteaux-Dijon. Paris, 1992 (Sources Chrétiennes 380), p. 557-577.

9. 9 S. Bernardi Opera, 8 vol., par J. LECLERCQ, C. TALBOT, H. ROCHAIS - Romae, 1957-1977.

10. 10 La théologie mystique de S. Bernard, p. 146. Le traitement de cette question par R. FASSETTA est en consonance avec É. GILSON ; cf. Le Mariage spirituel dans les Sermons de S. Bernard sur le Cantique des Cantiques, dans : Collectanea Cisterciensia t. 48, 1986, p. 175-180 ; ainsi que Le rôle de l'Esprit Saint dans la vie spirituelle selon Bernard de Clairvaux, dans : La dottrina della vita spirituale nelle Opere de san Bernardo di Clairvaux. Atti del convegno internazionale, Roma, 11-15 settembre 1990. - Analecta Cisterciensia t. 46, 1990, p. 380-385.

11. 11 De diligendo Deo X, 28 ; S.B.O. III, p. 143, l. 15-20.

12. 12 SC 268, p. 236-238, l. 30-37.

13. 13 una in una, altera in diversis exsistente essentiis ; S.C. 71, 9 ; S.B.O. II, p. 220, l. 11.

14. 14 P. VERDEYEN, La théologie mystique de Guillaume de Saint-Thierry, p. 77.

41Exp Ro L. V (VIII, 27) a effectivement cette expression : Estque in eo quaedam docta ignorantia, docta a Spiritu Dei, qui adjuvat infirmitatem nostram, exercendo humilians, et humiliando formans et conformans hominem vultui quem requirit, donec renovatus ad imaginem

15. 15jus qui creavit eum, per unitatem similitudinis incipiat esse filius, qui semper sit cum Patre, cujus sint omnia quae Patris sunt, cui euntibus aliis et redeuntibus dicatur : Tu vero sta hic mecum (CCCM 86, p. 124, l. 503-510). Les commentateurs modernes de Guillaume l'ont souvent relevée, par exemple : É. GILSON, La théologie mystique de saint Bernard, p. 229-230 ; J.-M. DÉCHANET, Amor ipse intellectus est : la doctrine de l'amour-intellection chez Guillaume de Saint--Thierry, dans Revue du Moyen Age Latin t. 1, 1945, p. 354 ; M.- M. DAVY, Théologie et mystique de Guillaume de Saint-Thierry. I. La connaissance de Dieu, Paris, 1954, p. 251-252 et 260 ; D.N. BELL, The Image and Likeness. The Augustinian Spirituality of William of St Thierry, Kalamazoo, 1984, p. 174-175.



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