I N T R O D U C T I O N



Guillaume de Saint-Thierry, moine bénédictin puis cistercien, ami de S. Bernard, est tout comme lui un théologien et un mystique. Et si l'on s'intéresse à la théologie mystique de l'un comme de l'autre, on ne manquera pas d'aboutir à cette façon de décrire l'union de l'homme avec Dieu : l'homme devient (est fait) un seul esprit avec Dieu. Pour ce qui est de S. Bernard, É. GILSON en parle dans le cinquième et dernier chapitre de La théologie mystique de S. Bernard(1) qu'il intitule d'ailleurs Unitas spiritus. Or, parallèlement, l'appendice qu'il consacre à Guillaume de Saint-Thierry (Notes sur Guillaume de Saint-Thierry, o.c. p. 216-232) s'achève de la même façon sur la ressemblance la plus haute, celle qui établit une unitas spiritus (p. 231).

Ne serait-ce pas que Guillaume et Bernard ont tous deux lu Origène ? Et d'ailleurs, peut-être l'ont-ils lu ensemble à l'infirmerie de Clairvaux, selon l'hypothèse avancée par P. VERDEYEN(2) ? En tout état de cause, ils ont eu accès tous les deux au grand Commentaire sur le Cantique(3) . Or, selon ce texte, le Cantique des Cantiques est le livre qui met en scène l'Épouse déjà "parfaite" (80 D 3-4 ; 81 C 2) ; et une explication suit : cette Épouse est devenue un seul esprit avec son Époux (81 C 4). Ainsi donc si le Cantique des Cantiques est, pour Origène, le Cantique de l'Époux et de celle qui ne fait plus qu'un seul esprit avec lui, on ne peut guère s'étonner que Bernard et Guillaume n'aient pas laissé dans l'ombre cette expression mais qu'au contraire ils lui aient fait bonne place.

Dans les écrits de Guillaume, cette formule est loin d'être occasionnelle. Ainsi, par exemple, à la lecture de l'oeuvre la plus diffusée dès les premiers temps et sans doute la plus célèbre encore aujourd'hui, la Lettre d'Or, on se convaincra aisément de son rôle essentiel : c'est elle qui représente le terme auquel veut conduire tout le Deuxième (et dernier) Livre, et donc, de quelque façon, toute la Lettre.

Aussi rien de surprenant que cette "unité d'esprit" soit une question souvent abordée par ceux qui s'intéressent à la mystique de Guillaume, ou à sa pneumatologie (J. CHÂTILLON(4)), ou encore à son anthropologie (H. BLOMMESTIJN(5)). Souvent évoquée, elle semble mériter une étude qui lui soit entièrement consacrée. Parmi les différentes approches possibles, on a choisi ici d'examiner ce qu'il en est de la formule paulinienne : être "un seul esprit" avec Dieu (I Co 6, 17), dans l'oeuvre de Guillaume de Saint-Thierry.

I. ÉTUDE D'UNE EXPRESSION BIBLIQUE ET DE SA SIGNIFICATION.

En lieu et place du sujet retenu : Être "un seul esprit avec Dieu" (I Co 6, 17) dans l'oeuvre de Guillaume de Saint-Thierry, on aurait pu en envisager un autre : L'unité d'esprit dans l'oeuvre de Guillaume de Saint-Thierry. Mais ce thème, si évident et si essentiel, a été abordé par toutes les études d'ensemble de la pensée de Guillaume.

1. Les études faites jusqu'à présent.

Thème central s'il en est dans la mystique de Guillaume, l'unité d'esprit récapitule, en quelque sorte, la fin de l'homme selon lui. Aussi constitue-t-elle le plus souvent une partie notable, ou même la clef de voûte des travaux qui cherchent à rendre compte de cette théologie mystique.

C'est une Esquisse de sa théologie mystique qu'a proposée É. GILSON dans ses Notes sur Guillaume de Saint-Thierry. "Guillaume a construit une théologie mystique très soigneusement ajustée", tels sont ses premiers mots. Ils annoncent une présentation d'ensemble de sa doctrine. Et en effet, après avoir évoqué le cadre, "Les écoles de charité", É. GILSON relève la "méthode" indiquée par Guillaume "pour se mettre en état de recevoir de Dieu la charité perdue". Aussi est-ce tout naturellement que les deux dernières sections de l'exposé traitent de "L'union à Dieu par le Saint-Esprit" et de "La triple ressemblance". Or la troisième ressemblance, de beaucoup la plus haute, est dénommée par Guillaume unitas spiritus ; et, commente É. GILSON, "par la grâce, c'est bien la Charité même, c'est-à-dire le Saint-Esprit même, qui est en nous sous forme de don ; c'est donc bien lui qui est en nous cette unitas spiritus, et qui l'est entre nous et Dieu, comme il l'est entre le Fils et le Père" (p. 231). Cette description très précise, qui noue les deux dernières sections de cette Esquisse, est comme le point d'orgue de cette belle étude qui a été pour beaucoup dans l'intérêt croissant qu'a suscité depuis lors l'oeuvre de Guillaume de Saint-Thierry.

M.-M. DAVY, dans la Préface de : Théologie et mystique de Guillaume de Saint-Thierry. I. La connaissance de Dieu(6), annonçait un dyptique : I. La connaissance de Dieu ; II. L'amour de Dieu. Or elle voit la réalisation plénière de ces deux lignes dans l'"unité d'esprit" : "Cette confluence de la foi et de la charité a lieu chez le spirituel en qui se réalise l'"unité d'esprit avec Dieu", par le moyen de la charité parfaite" (p. IX). Toute sa troisième et dernière Partie (La connaissance mystique) suppose cet "état" : quand "au terme de cette ascension... se stabilise l'"unité d'esprit avec Dieu", oeuvre de la charité "infusée" par le Saint-Esprit" (p. 142-143).

J.-M. DÉCHANET, dans son article Guillaume de Saint-Thierry pour le Dictionnaire de Spiritualité(7)(t. VI, 1967), tente d'abord une synthèse doctrinale en trois temps : 1 Foi simple ; 2 Et amour illuminé ; 3 Dans l'Esprit Saint. En ce troisième temps, apparaît le sommet : "...que (la volonté) atteigne l'unité d'esprit, suprême degré d'amour passif, alors commencera pour elle l'expérience ineffable : de clarté en clarté, de ressemblance en ressemblance, jusqu'à celle de l'union mystique, où la vision-connaissance atteindra son acuité" (col. 1252). Mais son esquisse de la Doctrine monastique (col. 1255-1263) monte elle aussi vers ce même point : "l'unité d'esprit, et tout ce qui s'y rattache, - théophanies, progrès de l'amour, repos en Dieu et stabilité dans le bien, sagesse ou connaissance toujours plus savoureuse de Dieu (Epist 267-286)(8)-, c'est, en cette vie, la perfection de l'homme, le but, la fin de la vie monastique (276)" (col. 1261). C'est encore sur cette "unité d'esprit" (p. 411-413) que J.-M. DÉCHANET achève la dernière de ses Notes doctrinales (L'union avec Dieu ou l'unité divine) qui accompagnent sa plus récente édition de la Lettre d'Or(9). Cette unité d'esprit "est plus que conformité, ou morale ou vertueuse, des vouloirs : elle est unité, c'est-à-dire saisie, par l'Esprit de Dieu, de l'esprit (spiritus) de l'homme aimant". Et selon J.-M. DÉCHANET, "jamais peut-être n'a été donné, par aucun maître, par aucune école de spiritualité, un tableau aussi réaliste et aussi osé que celui brossé par Guillaume en cette partie de la Lettre [262-263], à propos de l'union mystique" (p. 411-412).

Le P. Paul VERDEYEN a exaucé le souhait d'É. GILSON. La théologie mystique de Guillaume de Saint-Thierry(10), tout en s'intéressant aussi aux sources de Guillaume, en particulier à Origène, et à l'influence de Guillaume sur S. Bernard et sur la mystique des anciens Pays-Bas, dégage les principaux thèmes de sa théologie spirituelle et les organise en une vaste synthèse, dont le couronnement est : "La perfection de l'amour spirituel : l'unité d'esprit" (p. 234-269). Unité d'esprit dont la structure était déjà dégagée à propos de "Notre entrée dans la vie trinitaire" (cf. p. 94ss) : "Guillaume insiste sur l'identité de notre communion avec Dieu et de la communion trinitaire elle-même" (p. 98) ; "l'unité d'esprit sera éternellement et nécessairement composée d'identité et d'altérité" (p. 105).

D.N. BELL s'arrête longuement sur l'unité d'esprit (Charity, Ecstasy, and Unity of Spirit, p. 167-215) dans son étude The Image and Likeness. The Augustinian Spirituality of William of St Thierry(11). En effet, selon lui, Guillaume est allé plus loin que son maître Augustin dans au moins trois domaines d'importance vitale : "dans sa conception de l' unitas spiritus, par exemple, ou dans sa grande doctrine de l'amor-intellectus, ou dans le poste clef qu'occupe le Saint-Esprit dans son oeuvre" (p. 253).

Deux études plus récentes évoquent, elles aussi, l'unité d'esprit, mais les voies qu'elles empruntent ne les ont pas amenées à l'aborder en elle-même.

Y.-A. BAUDELET examine L'expérience spirituelle selon Guillaume de Saint-Thierry(12). Sous le terme d'expérience spirituelle, il prend en compte "toute l'existence religieuse, depuis la conversion initiale jusqu'à la transfiguration finale" (p. 29). L'expérience mystique est aussi étudiée, mais il s'agit d'"un cas particulier". De ce fait, l'"unité d'esprit", assurément présente dans cet ouvrage, y apparaît en moins grand relief, même si les lectures proposées du Cont, du Cant et de la Lettre d'Or ne manquent pas de la relever au passage en lui donnant son importance, et même s'il y est fait droit dans l'exposé préliminaire sur l'anthropologie guillelmienne (cf. p. 40) et dans l'étude conclusive sur : Amour et connaissance de Dieu (cf. Esprit Saint et amour, p. 249-253).

Le plus récent ouvrage d'ensemble, celui d'A.M. PIAZZONI : Guglielmo di Saint-Thierry. Il declino dell'ideale monastico nel secolo XII(13), s'intéresse plutôt à l'histoire, à l'itinéraire monastique et spirituel de Guillaume. Les oeuvres y sont présentées et analysées au fil d'une biographie, si bien que les thèmes ne sont pas développés pour eux-mêmes. On peut quand même noter que cette belle synthèse s'achève sur l'Epistola ad fratres de Monte Dei et donc, de ce fait, sur l'"homme spirituel", celui qui vit l'unitas spiritus. Et PIAZZONI souligne toute l'importance de cette dernière : "(Ces) passages sont parmi les plus significatifs de la Lettre et parmi les plus hauts sommets de la mystique médiévale. Guillaume situe et enracine dans l'Esprit le centre de ce qu'il considère comme la véritable vie chrétienne, c'est-à-dire la vie mystique, et il construit ainsi une véritable théologie mystique dont le fondement est trinitaire et, à cause de cela, authentiquement et profondément chrétien" (p. 199).

Tous ceux qui ont proposé un exposé de la pensée de Guillaume ont rencontré une théologie mystique cohérente, "très soigneusement ajustée", selon les mots d'É. GILSON (p. 217), une mystique qui a toujours pour pivot l'unité d'esprit. Mais le même É. GILSON affirmait aussi qu'"il est indispensable de connaître la structure (de cette théologie mystique) si l'on veut comprendre exactement le sens de l'une quelconque de ses parties" (p. 217).

Cette mise en garde est tout à fait justifiée. Cependant, après l'Esquisse tracée par GILSON lui-même et après La théologie mystique de Guillaume déployée selon les plus vastes perspectives par le P. Paul VERDEYEN, les risques d'interprétations erronées ou de déformations semblent plus minces. Tenter une sorte de "monographie" paraît possible aujourd'hui : l'importance du sujet y invitait, la qualité des devanciers offrait une certaine sécurité.

2. L'approche choisie ici.

A. S'appuyer sur les passages où apparaît la formule.

On pourrait penser que l'intérêt particulier de cette étude tiendrait en ce qu'elle se concentre sur la seule question de l'unité d'esprit chez Guillaume de Saint-Thierry. Ceci ne serait pas tout à fait faux, puisqu'il n'y sera question que d'elle. Mais, en fait, si originalité il y a, elle résiderait non pas tant dans le thème abordé que dans la manière de l'aborder. Il s'agit de prendre en compte tous les passages de Guillaume qui présentent la formule paulinienne unus spiritus (ou le substantif qui y renvoie : unitas spiritus), pour autant qu'elle signifie l'union de l'homme avec Dieu conformément à I Co 6, 17 : "Qui adhère au Seigneur est un seul esprit". L'étude de tous ces textes fournit un ensemble de données qui devrait permettre une description de ce que représente l'unité d'esprit dans l'oeuvre de Guillaume.

Comme il ne semble pas encore exister de monographies analogues sur l'usage de I Co 6, 17 dans les oeuvres de ces grands prédécesseurs et maîtres de Guillaume que furent Origène ou S. Augustin, ni non plus dans celles de son contemporain S. Bernard, on ne pourra faire appel à eux qu'à propos de tel ou tel aspect particulier, avec pour seule prétention de percevoir un peu mieux, par comparaison, le texte de Guillaume. Ceci, bien qu'il soit tout à fait évident que la formule empruntée à S. Paul possède un passé déjà très riche au temps de Bernard et de Guillaume comme elle aura d'ailleurs un fort bel avenir(14) .

Retenir tous les textes incluant l'unus spiritus présente de bonnes chances de conduire à un relevé plus exhaustif des connotations de cette formule. Ce qui pourra permettre un regard quelque peu différent sur l'unité d'esprit et sur son rôle dans l'oeuvre de Guillaume. N'est-ce pas toute une interprétation de la vie spirituelle et mystique qui se noue dans ces quelques mots ? Et c'est aussi pourquoi l'on risque de voir se dessiner quelques grandes lignes d'une anthropologie et d'une pneumatologie.

En mettant au jour la structure dont la clef de voûte est l'unité d'esprit avec Dieu, devraient apparaître du même coup les grands traits d'une solide doctrine spirituelle, qui demanderait certes à être complétée de bien des manières. Une doctrine spirituelle où l'Esprit Saint a le rôle premier, où l'homme est si grand aux yeux de Dieu qu'il est appelé à l'unité et à la réciprocité parfaites avec lui.

B. L'importance de ces passages.

Mais n'est-ce pas se fourvoyer que de prétendre dégager toute une théologie spirituelle guillelmienne, à partir d'un nombre aussi restreint de passages de ses oeuvres ?

En effet, la formule unus spiritus apparaît une trentaine de fois dans tous les écrits de Guillaume. Encore est-elle parfois répétée à plusieurs reprises à quelques lignes de distance ; c'est le cas dans la Lettre d'Or. L'étude de ces citations, situées dans leur contexte, offre-t-elle une base suffisante pour permettre une quelconque vision d'ensemble ?

Cette question peut recevoir une double réponse. L'une consisterait à exploiter toute la richesse contenue dans ces textes, et c'est ce que tente de faire l'ensemble de l'exposé qui va suivre. Mais, avant même cette trop longue réponse, on peut en évoquer une autre, préalable en quelque sorte : les textes considérés ont généralement un poids très particulier dans la dynamique de l'oeuvre où ils figurent.

Ainsi l'unité d'esprit est le point vers lequel converge tout le Second Livre de la Lettre d'or ; elle apparaît d'ailleurs aussi, une fois, dans le Premier Livre.

Elle est le véritable sommet du Miroir de la foi. Ce Miroir est en effet un itinéraire. La foi donne de s'avancer vers le lieu et le temps où l'on verra Dieu. Mais avant même le temps où Dieu sera vu, sera connu et ne sera plus cru, quelque chose de cette vision, de cette connaissance est accordé dès cette vie, et la rend vie véritable et déjà vraiment bienheureuse ; et ce commencement, c'est d'être unus spiritus cum Deo.

Selon son éditeur dans les Sources Chrétiennes, Dom J. HOURLIER, le De contemplando Deo comprendrait deux grandes parties : I. L'itinéraire de l'âme vers Dieu : paragraphes 1 à 8 ; II. La Sainte Trinité, source de l'amour : paragraphes 9 à 13 (cf. p. 32-36). Certes il est impossible de soutenir que l'unitas spiritus soit la clef de voûte de chacune de ces deux parties. Il reste néanmoins que l'expression n'apparaît pas en un lieu indifférent. Dans la Première Partie, l'unité d'esprit (7, l. 23) est comme la voie qui mène à la perfection de l'amour. Dans la Seconde Partie, elle clôt et noue une immense phrase (11, l. 105-123) qui, elle-même, approfondit une dernière fois la question de notre amour pour Dieu et de notre unité avec lui, question qui dépend d'abord de la mission du Fils (paragraphe 10), mais ensuite de l'oeuvre de l'Esprit (paragraphe 11).

"Être un seul esprit avec Dieu" figure deux fois dans le De natura corporis et animae, en un lieu tout à fait remarquable. L'oeuvre de Guillaume s'achève par un long emprunt au De quantitate animae de S. Augustin où il décrit la progression de l'âme vers Dieu, et Guillaume donne ensuite une conclusion à ce texte et à tout son traité en mettant en parallèle les deux directions possibles : l'"ascension" ou la "descente" (115, l. 11 à 121). Or, juste avant ces deux visions diachroniques, Guillaume, qui précédemment empruntait abondamment à Claudien Mamert, cesse de le faire et parachève toute l'analyse de ce qu'est l'âme : alors apparaît un premier unus spiritus (103, l. 12), une simple allusion qui est d'ailleurs encore inspirée par le texte de Mamert, puis un second unus spiritus (106, l. 13) au centre d'un morceau final solidement construit (106-107).

Le commentaire du premier mot du Cantique Osculetur inscrit un unus spiritus : il est l'origine du désir de l'Épouse et de son élan vers l'Époux (30). Et l'unus spiritus marque aussi l'aboutissement de la progression de l'Épouse au long du Premier Chant (130-131) : ce qu'elle avait d'abord goûté ex parte, elle le goûte alors sans aucune restriction. Même si, bien avant la fin de ce Premier Chant, l'Épouse perçoit déjà quelque chose de cette plénitude, expérience traduite ici aussi en termes d'"unité d'esprit" (93, 94, 95).

Les genres littéraires particuliers de la Disputatio adversus Petrum Abaelardum (trois unus spiritus dans trois chapitres différents) et de l'Expositio super epistolam ad Romanos (unus spiritus à propos de Ro 1, 20-21 ; Ro 5, 12 ; Ro 8, 3-4) ne permettent pas de tirer des conclusions de ce type puisque ces écrits sont plutôt une succession de fragments : une série de questions disputées dans la Disputatio, ou un commentaire verset par verset de l'Épître aux Romains.

Ce bref survol de l'ensemble des occurrences d'unus spiritus dans le corpus guillelmien révèle que les sections dans lesquelles l'unité d'esprit apparaît sont loin d'être secondaires ; elles sont même souvent de première importance par rapport à la structure propre de chaque oeuvre. On est par là même davantage assuré contre le risque d'une mésinterprétation puisque les passages retenus correspondent souvent aux points forts de la réflexion guillelmienne.

Rien a priori n'empêche donc d'exploiter toutes ces sections où est inscrit l'unus spiritus, et d'en tirer, dans la mesure du possible, les traits qui caractérisent l'unité d'esprit selon l'oeuvre de Guillaume.

II. I Co 6, 17 CHEZ S. PAUL ET CHEZ GUILLAUME.

C'est bien d'une expression paulinienne qu'use Guillaume ; il lui arrive en effet de la référer explicitement à "l'Apôtre" (Nat Corp 103). Mais qu'en est-il de ces quelques mots chez S. Paul ? et qu'est-ce qu'en retient Guillaume ?

1. I Co 6, 17.

En pneuma se situe dans une section de la Première Épître aux Corinthiens (6, 12-20) où, "contre le libertinage qui se propage à Corinthe, Paul avance des arguments de nature et de valeur diverses"(15). L'un de ces arguments, aux versets 15 à 17, est qu'"on ne peut appartenir à la fois au Christ et à la prostituée" (ib, p. 81). L'appartenance au Christ est exclusive de toute autre parce qu'il existe un lien étroit entre le Christ et les croyants, eux qui sont "les membres du Christ".

v. 15 Ne savez-vous pas que nos corps sont les membres du Christ ? Et j'irais prendre les membres du Christ pour en faire les membres d'une prostituée ? Jamais !

v. 16 Ou ne savez-vous pas que celui qui s'unit à la prostituée est avec elle un seul corps ? Car, est-il écrit, "les deux seront une seule chair".

v. 17 Mais celui qui s'unit au Seigneur est avec lui un seul Esprit. (Traduction de C. SENFT, p. 81).

Selon le v. 15, l'union avec le Seigneur est une union réelle ; elle rend inadmissible l'union avec une prostituée. Le v. 16 vient confirmer cela : l'union avec la prostituée est si étroite que toute autre est rendue impossible. SENFT, que nous suivons jusqu'à présent, signale en note que la référence à Gn 2, 24 est gênante car "si l'union sexuelle est exclusive, le mariage aussi exclut l'union avec le Seigneur" (p. 84, n. 12) ; mais, comme le précise SENFT, tel n'est pas l'avis de Paul. En tout état de cause, la citation de Gn ne sert qu'à appuyer la thèse fondamentale : qui s'attache à la prostituée se détache du Christ.

Thèse que Paul a exprimée positivement au v. 15 : "nos corps sont les membres du Christ", et qu'il reprend au v. 17 dans une formule diamétralement opposée à celle du v. 16 : "celui qui s'unit au Seigneur est un seul esprit avec lui". On est étonné de lire "un seul esprit", car le v. 16 faisait attendre "un seul corps". La Traduction Oecuménique de la Bible suggère en note (I Co 6, 17 w) que Paul, qui a tant insisté sur le réalisme physique de l'union, a voulu "éviter que ce réalisme soit compris de façon trop grossière".

En pneuma sont donc deux mots qui, d'une certaine manière, évoquent le en soma attendu. Ils n'évacuent certainement pas la réalité de l'union, même s'ils cherchent à évacuer une compréhension physique de cette union réelle avec le Seigneur.

En pneuma est riche aussi de sa signification propre. "En opposant Esprit et Chair, (Paul) disqualifie rétroactivement comme charnelle l'union avec la prostituée" (SENFT, p. 84). Et, selon SENFT, "un seul Esprit signifie : une créature nouvelle par l'union au Christ" (id). Le croyant uni au Christ est par là renouvelé ; il est fait créature nouvelle par l'Esprit.

Notons que d'autres traductions, comme la T.O.B. par exemple, écrivent "esprit" avec une minuscule. Elles n'y voient pas aussi immédiatement l'Esprit Saint ; il peut s'agir en effet de l'esprit de l'homme sanctifié par l'Esprit Saint et ne faisant plus alors qu'un, d'une certaine manière, avec "l'esprit" du Seigneur(16).

"Être un seul esprit avec le Seigneur" selon I Co 6, 17 propose donc deux lignes essentielles : une union tout à fait réelle avec le Seigneur, selon les affirmations très nettes des v. 15 et 16 et selon l'antithèse du v. 17 avec le v. 16 ; et une union qui passe par l'esprit. Et il n'y a pas ici de raisons évidentes qui obligent à choisir entre l'esprit de l'homme et l'Esprit de Dieu : il semble plutôt qu'il faille tenir ensemble ces deux interprétations.



2. I Co 6, 17 dans l'oeuvre de Guillaume.

Le verset paulinien (selon la Vulgate : Qui autem adhaeret Domino, unus spiritus est), si court, n'est pratiquement jamais cité entièrement chez Guillaume.

On ne relève qu'un cas : dans l' Exp Ro. E contra quisquis adhaeret Domino, unus spiritus est (Exp Ro 595 A 8-9). Mais cette phrase est empruntée au De peccatorum meritis et remissione de S. Augustin. En effet, l' Exp Ro donne un très bref commentaire des mots de S. Paul Per unum hominem, commentaire qui est bâti à partir d'un assez long passage d'Augustin (PL 44, 114, l. 42 à 115, l. 41) dans lequel I Co 6, 17 est cité de cette façon.

Par ailleurs, un passage du Commentaire sur le Cantique donne l'impression de suivre la démarche de Paul aux v. 15 à 17 de I Corinthiens. Une allusion à Gn 2, 24 y précède l' unus spiritus :

Combien plus (Dieu parle-t-il) en l'Épouse, qui, elle, comme la femme est une seule chair avec son mari, est un seul esprit avec Dieu ?

Quanto magis in Sponsa, quae sicut mulier cum viro una caro, sic ipsa cum Deo unus spiritus est ? (93 l. 25-27).

Mais le Commentaire ne recopie pas l'Épître de Paul. Il propose, à l'aide de Gn 2, 24

( una caro) et de I Co 6, 17 ( unus spiritus), une logique qui lui est propre et qui est étrangère à celle de I Corinthiens, puisque le fait que l'homme et la femme soient une seule chair est appelé en renfort direct de cet autre fait : l'Épouse est avec Dieu un seul esprit.

Des quelques mots de Paul, les oeuvres de Guillaume ne gardent donc, en fin de compte, que les deux termes caractéristiques : unus spiritus. Il n'est qu'Exp Ro qui, copiant S. Augustin, fasse exception.

Parmi les 31 emplois de l' unus spiritus, se trouvent inclus sept cas où il s'agit de la forme substantive : unitas spiritus. Tournure particulièrement fréquente dans la Lettre d'Or : six unitas spiritus. Sans doute est-ce à cause du nombre relativement important d'occurrences (dix mentions au total dans le Second Livre). Guillaume a d'ailleurs conscience d'en avoir souvent parlé :

...si bien que l'homme fidèle devient, comme on l'a déjà

souvent dit, un seul esprit avec Dieu.

ut, sicut jam saepe dictum est, fidelis homo unus spiritus efficiatur cum Deo ( Epist 286 l. 9-10).

Mais, si l'on admet que le De Contemplando Deo soit la plus ancienne des oeuvres connues de Guillaume (1121-1124, selon P. VERDEYEN(17)), on constate que, chronologiquement parlant, la première occurrence de I Co 6, 17 se présente sous la forme substantive : per unitatem spiritus. Et c'est là un simple complément circonstanciel qui ne donne lieu à aucune élucidation :

O âme heureuse, tout à fait heureuse, qui, par Dieu, mérite ainsi d'être 'affectée' de Dieu de telle sorte que, par l'"unité d'esprit", elle n'aime en Dieu que Dieu seul.

O felicem, et animam felicissimam, quae Deo sic a Deo meretur affici ut per unitatem spiritus in Deo solum amet Deum (Cont 7 l. 21-23).

L'éditeur et traducteur du texte dans la collection Sources Chrétiennes, Dom Jacques HOURLIER, a d'ailleurs mis la formule unité d'esprit entre guillemets dans sa traduction, invitant ainsi son lecteur à la percevoir comme une expression toute faite riche de signification, dont le sens ne se révélera un peu que vers la fin du Cont (11) et dans les oeuvres qui suivront. Aussi peut-on penser que cette formule faisait déjà partie du patrimoine commun auquel l'auteur du Cont puise à son tour.

Un seul texte rapporte explicitement l'unus spiritus à "l'Apôtre" :

Un tel homme, l'ange et Dieu sont alors un seul esprit, selon l'Apôtre, ou sont une seule chose en Dieu, selon l'Évangile.

Homo talis et angelus et Deus, unus jam sunt spiritus, secundum Apostolum, vel unum sunt in Deo, secundum Evangelium (Nat Corp 103 l. 11-14).

Cet unique appel à "l'Apôtre" manifeste cependant suffisamment que l'auteur sait qu'il use d'un matériel paulinien. Il ne croit pas nécessaire de le démontrer davantage en corroborant son affirmation par la citation in extenso de I Co 6, 17, ce que faisait Claudien Mamert dans le texte que Guillaume utilise ici très librement(18).

Les oeuvres de Guillaume ne reprennent donc de I Co 6, 17 que les deux mots unus spiritus (une fois mis à part le cas d'Exp Ro). Et jamais les versets précédents, 15 et 16, ne sont évoqués en même temps que l'unus spiritus. Le verset 17 est toujours utilisé en faisant totalement abstraction de son contexte dans I Co.

3. unus spiritus dans l'oeuvre de Guillaume.

Les deux mots que retient Guillaume lui suffisent pour se couvrir de l'autorité de "l'Apôtre". Ils pourraient n'être qu'une sorte d'habile échappatoire, une manière de cesser le discours en s'en remettant à S. Paul. Cette si brève citation biblique ne recouvrira-t-elle pas des significations tout à fait disparates ? Est-il possible de présumer une certaine cohérence entre ses divers emplois ?

A. Un horizon de pensée bien déterminé.

Relevons d'abord que déjà le Cont révèle un horizon de pensée bien déterminé. L'unus spiritus, qui vient en clôture du très long paragraphe 11, apparaît au terme d'un très long exposé qui, par vagues successives, mène à cinq reprises de l'Esprit Saint-amour à l'union et à l'unité(19). L'emprunt à I Co 6, 17 a parti lié avec toute une réflexion théologique sur l'amour, l'Esprit Saint et l'unité ; il semble donc solidaire d'un ensemble de données essentielles pour Guillaume théologien mystique.

B. Des groupes de formules identiques.

Le langage offre un indice de cohérence d'une autre sorte : d'une oeuvre à une autre, se retrouvent des formules semblables comme par exemple le lien direct établi entre affici et unus spiritus.

a. Le Cont s'exprime ainsi :

lorsque nous t'aimons, notre esprit est assurément "affecté" de ton Esprit Saint

cum te amamus, afficitur quidem spiritus noster, spiritui tuo sancto (Cont 11 l. 102-103).

Or cette phrase et celle qui lui fait pendant ("Et lorsque ton amour..." Cumque amor tuus...; 11 l. 105) se terminent sur l'unus spiritus (11 l. 122).

La Disputatio adversus Petrum Abaelardum composée en 1140, plus d'une quinzaine d'années après le Cont, reprend de manière plus synthétique ces mêmes éléments :

lorsque l'esprit de l'homme est "affecté" de l'Esprit Saint, il devient un seul esprit avec lui

cum spiritus hominis Spiritui sancto afficitur, unus cum eo spiritus efficitur (Adv Ab 261 B 12).

La Lettre d'Or (1144-1145) use d'un même langage :

l'Esprit Saint, s'infusant en l'esprit de l'homme, l'affecte à soi ; et Dieu... fait cet esprit un seul esprit avec lui

...Spiritus sanctus, ...hominis... spiritui se infundens, afficit eum sibi ; et... unum secum efficit... spiritum ejus (Epist 170 l. 3-6).

b. Ces mêmes oeuvres témoignent d'une autre constance. Le Cont (quelques lignes plus loin que ci-dessus) note :

nous t'aimons, ou plutôt tu t'aimes en nous

amamus te, vel amas tu te in nobis (Cont 11 l. 109).

C'est aussi l'explicitation de l'unus spiritus donnée dans l'Adv Ab :

lorsque Dieu s'aime en l'homme, cela signifie qu'il aime l'homme en soi, et que l'homme aime Dieu

cum Deus in homine diligit se, hoc est quod hominem diligit in se, hoc est quod homo diligit Deum (Adv Ab 261 B 14 - C 1).

Dans l'Epist, l'amour de l'homme pour Dieu et l'amour de Dieu pour lui-même en l'homme sont aussi présents au moment de l'unité d'esprit :

l'Amour de Dieu... s'infusant en l'amour de l'homme, l'"affecte" à soi, et Dieu s'aimant lui-même à partir de l'homme, fait... de cet esprit un seul esprit avec lui

Amor enim Dei..., amori hominis... se infundens, afficit eum sibi ; et amans semetipsum de homine Deus, unum secum efficit... spiritum ejus... (Epist 170 l. 3-6).

La formule unus spiritus semble bien liée à une géographie terminologique précise qui n'est pas relative à telle ou telle oeuvre mais qui se dessine aussi bien dans la première (Cont) que dans les dernières (Adv Ab ; Epist).

c. D'ailleurs deux textes définissent avec toute la netteté souhaitable ce qu'ils entendent par unitas spiritus. Dans le Cant, l'unité d'esprit qui a lieu entre l'esprit créé et l'Esprit créateur (95 l. 24-26) est cette "conjonction" dont il est parlé juste auparavant, dans la phrase précédente :

cette conjonction qui n'est autre que l'unité du Père et du Fils de Dieu, leur baiser, leur embrassement, leur amour, leur bonté, et tout ce qui, dans cette infiniment simple unité, leur est commun à tous deux ; tout cela qu'est l'Esprit Saint, Dieu, charité

conjunctionis illius, quae non est alia quam unitas Patris et Filii Dei, ipsum eorum osculum, ipse amplexus, ipse amor, ipsa bonitas, et quidquid in unitate illa simplicissima commune est amborum ; quod totum est Spiritus Sanctus, Deus, caritas (95 l. 15-19).

Et lorsque la Lettre d'Or veut rendre compte de l'appellation unitas spiritus, les mêmes termes reviennent, la même fermeté du tracé :

On l'appelle "unité d'esprit"... parce qu'elle-même est l'Esprit Saint lui-même, Dieu charité ; lorsque celui qui est l'amour du Père et du Fils, et leur unité, et leur suavité, et leur bien et leur baiser, et leur embrassement et tout ce qui peut être commun à tous deux, dans cette souveraine unité de la vérité.

Dicitur autem haec unitas spiritus... quia ipsa ipse est Spiritus sanctus, Deus caritas ; cum qui est amor Patris et Filii, et unitas et suavitas, et bonum et osculum, et amplexus et quicquid commune potest esse amborum, in summa illa unitate veritatis (Epist 263.l. 1...7).

Si l'unité d'esprit peut recevoir, dans deux oeuvres différentes, une même signification aussi précise, si par ailleurs elle est liée à d'autres termes de manière constante, il paraît possible d'admettre comme hypothèse que les différents emplois d'unus spiritus obéissent à une certaine cohérence. Cette hypothèse suffit pour permettre l'étude du sujet proposé ; elle y trouvera ou non sa vérification.

III. MÉTHODE ET PLAN .

L'analyse de tous les textes où figure "être un seul esprit avec Dieu" rend possible une présentation d'ensemble de ce que recouvre cette expression dans l'oeuvre de Guillaume. Mais selon quelle méthode effectuer cette synthèse ? Selon quel plan l'exposer ?

1. Méthode.

Il y a lieu de donner d'abord quelques précisions complémentaires à propos des textes étudiés.

A. Les textes.

a. Choix des textes.

Ont été retenus tous les passages des oeuvres de Guillaume faisant allusion à I Co 6, 17. L'unité d'esprit ici envisagée est donc toujours celle qui désigne l'union de l'homme avec Dieu. L'on écarte ainsi les cas d'unitas spiritus qui concernent l'unité entre les fidèles et qui renvoient à d'autres passages pauliniens (Éph 4, 3-4 ; Phil 1, 27)(20)

.

b. La Brevis commentatio.

Parmi les oeuvres de Guillaume, la Brevis Commentatio occupe une place spéciale. Car elle est aussi, dans une certaine mesure, oeuvre de Bernard. Certes des études récentes inclinent à penser que la rédaction est plus certainement de Guillaume. Selon P. VERDEYEN, par exemple, "l'exégèse du texte appartient en commun à Bernard et à Guillaume ; mais le style de l'exposé est nettement guillelmien"(21). Mais, dans l'impossibilité de mesurer de quelque manière la part qui revient à l'un et à l'autre, il a paru plus prudent de ne pas utiliser comme matériau de la synthèse les occurrences d'unus spiritus qu'on y trouve. Ces textes seront aussi étudiés mais à part ; ils permettront une confrontation entre la Brevis Commentatio et les oeuvres écrites par Guillaume seul. Disons ici que, pour ce qui est de l'unus spiritus, on ne perçoit aucune dissonance ; il faudrait même plutôt parler de nette consonance(22) .

c. Extension des textes.

Les textes étudiés sont de longueur très variable. Le critère essentiel a été l'unité de texte dans laquelle est inscrite la citation de I Co 6, 17. C'est ainsi que la plus grande partie du Second Livre de la Lettre d'Or a été retenue puisqu'on y trouve une dizaine d'unus spiritus répartis en cinq zones différentes et, le plus souvent, essentielles dans le mouvement de ce Livre. Quant aux trois unus spiritus du Spec, ils font partie d'une même grande section de cette oeuvre où il est d'abord question de la vision en tant que "sensation" (96 à 104 l. 7) puis du "connaître" que donne le "sentir" (104 l. 7 à 112). Dans le Cant, les unus spiritus du Premier Chant sont groupés en trois endroits : le premier unus spiritus figure au tout début du commentaire du premier mot du Cantique, Osculetur ; deux interviennent dans la partie finale du Premier Chant (130-131) ; les trois autres se suivent de très près vers le milieu du Premier Chant mais le troisième inaugure le commentaire du Lectulus noster floridus et il est inséparable de l'ensemble de la première interprétation de ces mots du Cantique (95-100). On a déjà signalé la seconde occurrence d'unus spiritus dans le Cont : elle ne se comprend qu'à l'aide de tout le paragraphe 11, le plus long de ce traité, paragraphe qui prépare cette expression et que celle-ci récapitule en quelque sorte.

d. Liste des textes où figure I Co 6, 17.

Voici la liste des citations de I Co 6, 17 classées selon l'ordre chronologique des oeuvres(23). Seul le contexte immédiat figure ici. Quand Guillaume emprunte à l'un de ses prédécesseurs, le texte dont il s'est servi est donné aussi.

De contemplando Deo (1121-1124) [SC 61]

Cont 7 l. 21-25 :

O heureuse, très heureuse âme qui, par Dieu, mérite d'être ainsi affectée de Dieu de telle sorte que, par l'unité d'esprit, elle n'aime en Dieu que Dieu seul, non l'un de ses biens propres, et ne s'aime soi-même qu'en Dieu...

Et o felicem et animam felicissimam, quae Deo sic a Deo meretur affici ut per unitatem spiritus in Deo solum amet Deum, non suum aliquod privatum, nec nisi in Deo amet se ipsum...

Cont 11 l. 109...122 :

nous t'aimons, ou mieux, tu t'aimes en nous : nous par l'affection, toi par l'efficace, nous faisant un en toi par ta propre unité, c'est-à-dire l'Esprit Saint lui-même, (...) de telle sorte que, de même que (...), de même pour nous (...) qui aimons Dieu, aimer et craindre Dieu et observer ses commandements, ce n'est rien d'autre que d'être, et d'être un seul esprit avec Dieu.

amamus te, vel amas tu te in nobis, nos affectu, tu effectu, unum nos in te efficiens per unitatem tuam id est ipsum spiritum sanctum tuum, (...), ut sicut (...), ita nobis (...) amantibus Deum nichil sit aliud amare et timere Deum et mandata ejus observare, quam esse, et unum spiritum cum Deo esse.

Expositio super Epistolam ad Romanos (1137) [CCCM 86]

Exp Ro I, 20-21 ; p. 24, l. 650-652 :

Celui que la grâce entraîne est uni à l'Esprit, et il devient un seul esprit avec lui, et il lui est dit : Mais vous, vous n'êtes plus dans la chair, mais dans l'Esprit.

Quem vero trahit gratia, sociatur spiritui, et unus cum eo spiritus efficitur, et dicitur ei : Vos autem non estis in carne, sed in spiritu.

(Ce texte reprend un passage du commentaire d'Origène sur l'Épître aux Romains, PG 14, col. 866 A-B :

si quidem se junxerit carni, unum cum ea (anima) corpus in libidine et concupiscentiis ejus efficitur : si vero se sociaverit spiritui, unus cum ea spiritus erit. (...) de his autem quorum anima fuerat spiritui sociata, Apostolus dicit : Vos autem non estis in carne, sed in spiritu.)

Exp Ro V, 12 ; p. 68, l. 267-272 :

Par un seul homme. Autre chose est d'imiter Adam dans son péché, autre chose de naître originellement d'Adam avec le péché. Car même en dehors de l'exemple qu'il donnait à imiter, Adam a rendu ses égaux tous ceux qui devaient naître de sa racine. À l'opposé, quiconque adhère au Seigneur devient avec lui un seul esprit, même en dehors de l'exemple qu'il donne à imiter, ceci grâce à la communication secrète et à l'inspiration de la grâce spirituelle.

"Per unum hominem". Aliud est imitari Adam in peccato, aliud nasci de Adam originaliter cum peccato. Nam Adam etiam praeter imitationis exemplum parificavit in se omnes de sua stirpe venturos. Econtra quisquis adhaeret Domino, unus spiritus est, etiam praeter imitationis exemplum, per occultam communicationem et inspirationem gratiae spiritualis.

(Ce texte reprend un passage de S. Augustin, De peccatorum meritis et remissione I, X, 11 ; PL 44, 115 :

legimus justificari in Christo qui credunt in eum, propter occultam communicationem et inspirationem gratiae spiritualis, qua quisquis haeret Domino unus spiritus est.)

Exp Ro VIII, 3-4 ; p. 108, l. 718-723 :

Là, en effet, tu te manifestes à l'âme qui te désire, accueillant l'étreinte de son amour, et la baisant d'un baiser de ta bouche, dans lequel, ainsi qu'il est accoutumé dans le baiser de l'amour, elle répand en toi son souffle et tu lui infuses le tien afin de devenir un seul corps et un seul esprit lorsqu'elle reçoit ainsi ton corps et ton sang.

Ibi enim te exhibes animae desideranti, acceptans amplexum amoris sui, et osculans eam osculo oris tui, ubi sicut in osculo amoris solet, ipsa tibi effundit spiritum suum, et tu ei infundis tuum, ut efficiamini unum corpus et unus spiritus, cum hoc modo sumit corpus et sanguinem tuum.

De natura corporis et animae (vers 1138 ?) [A.L.M.A., 1988]

Nat Corp 103 l. 11-14 :

un tel homme, l'ange et Dieu sont déjà un seul esprit, selon l'Apôtre, ou sont une seule chose en Dieu, selon l'Évangile.

homo talis et angelus et Deus, unus jam sunt spiritus, secundum Apostolum, vel unum sunt in Deo, secundum Evangelium.

Nat Corp 106 l. 8-13 :

tout comme le corps vit de l'âme, cette âme vit de Dieu, et soupire après Lui seul, sans cesse elle ne respire que Lui seul, comme le corps vivant respire l'air ; elle demeure tout entière en Dieu par une fidèle affection, et elle a celui qu'elle aime demeurant en elle par sa toute-puissante opération, elle est un seul esprit avec Lui.

Sicut enim corpus vivit ex anima, sic ex Deo vivit anima illa ipsi soli suspirans, ipsum solum jugiter spirans, sicut corpus vivens aerem, tota manens in Deo per fidelem affectionem, eumque quem amat in se habens manentem per omnipotentem operationem, unus spiritus cum eo existens.

Expositio super Cantica Canticorum (1139) [SC 82]

Cant 30 l. 15-19 :

C'est ce baiser-là qu'il [ le Christ-Époux ] offre à l'âme fidèle, son épouse, et lui imprime, lorsque, au souvenir des bienfaits accordés à tous, il dépose en elle une joie personnelle et exclusive et lui infuse la grâce de son amour ; tirant à lui son esprit, et lui infusant le sien, de telle sorte qu'ils soient réciproquement un seul esprit.

Ipsum etiam osculum fideli animae sponsae suae porrigit et imprimit, cum de memoria communium bonorum, privatum ei et proprium commendans gaudium, gratiam ei sui amoris infundit ; spiritum ejus sibi attrahens, et suum infundens ei, ut invicem unus spiritus sint.

Cant 93 l. 23-27 :

Nul homme n'est en lui-même aussi pervers, ni aussi hostile à Dieu, tout en demeurant quelque peu capable de raison, qu'en lui parfois Dieu ne parle. À combien plus forte raison parle-t-il dans l'Épouse qui est avec Dieu un seul esprit comme la femme est avec son mari une seule chair ?

Nullus etenim est sic in semetipso perversus, vel a Deo aversus, qui rationis aliquatenus capax sit, in quo aliquando non loquatur Deus. Quanto magis in sponsa, quae sicut mulier cum viro una caro, sic ipsa cum Deo unus spiritus est ?

Cant 94 l. 20-22 :

Lorsque l'homme est fait à la ressemblance de celui qui le fait, il est mis en mouvement vers Dieu, c'est-à-dire un seul esprit avec Dieu.

Cumque efficitur ad similitudinem facientis, fit homo Deo affectus ; hoc est cum Deo unus spiritus.

Cant 95 l. 22-27 :

comme il arrive dans les baisers des amants qui, par un certain suave contact mutuel, transfusent l'un dans l'autre leur esprit, l'esprit créé s'épanche tout entier dans l'Esprit qui le crée pour cela même ; en lui, l'Esprit créateur s'infuse, comme il veut, et l'homme est fait un seul esprit avec Dieu.

sicut solet in amantium osculis, suavi quodam contactu mutuo sibi spiritus suos transfundentium, creatus spiritus in hoc ipsum creanti eum Spiritui totum se effundit ; ipsi vero Creator Spiritus se infundit, prout vult, et unus spiritus homo cum Deo efficitur.

Cant 130 l. 6-9 :

le roi ordonnant en elle la charité, [ l'Épouse ] commence à vouloir ce que Dieu veut. Et alors par la ressemblance de volonté l'homme devient un seul esprit avec Dieu.

ordinante in ea rege caritatem, incipiat etiam velle quod vult Deus. Et tunc per similitudinem voluntatis unus cum Deo spiritus fit.

Cant 131 l. 34-37 :

C'est pourquoi l'Épouse quelle qu'elle soit désire cela seulement, ambitionne cela : que son visage soit continuellement uni à ton visage dans le baiser de la charité ; c'est-à-dire, qu'elle devienne avec toi un seul esprit par unité de la même volonté.

Ideo quaecumque Sponsa est, hoc solum desiderat, hoc affectat, ut facies ejus faciei tuae jungatur jugiter in osculo caritatis ; hoc est, unus tecum spiritus fiat per unitatem ejusdem voluntatis.

Cant 155 l. 23-26 :

...le rapprochement mutuel du Miséricordieux et de l'amante dissoudra tout à fait les inimitiés du péché, bloc médian du mur de séparation, et se réalisera la vision mutuelle, le mutuel embrassement, la mutuelle joie, l'unité d'esprit.

...donec miserantis et amantis mutua appropinquatio, solvat omnino inimicitias peccati, medium maceriae dividentis, et fiat mutua visio, mutuus amplexus, mutuum gaudium, unus spiritus.

Disputatio adversus Petrum Abaelardum (1140) [PL 180, 250-282]

Adv Ab 261 B 8-13 :

Quand (Dieu) aime l'homme, cela signifie qu'il fait digne celui en qui il infuse son amour, (qui est) l'Esprit Saint, pour que, à partir de l'homme et dans l'homme même, Dieu s'aime lui-même très justement et très miséricordieusement. Quand dans cette rencontre l'esprit de l'homme est mis en mouvement vers l'Esprit Saint, il est fait un seul esprit avec lui...

Cum autem diligit hominem, hoc est dignum eum efficit cui infundat dilectionem suam Spiritum sanctum, ut de ipso et in ipso homine Deus rectissime et misericordissime diligat semetipsum. In quo cum spiritus hominis Spiritui sancto afficitur, unus cum eo efficitur...

Adv Ab 266 D 1-5 :

Si, chez quelques saints hommes, leur esprit devient parfois un seul esprit avec Dieu de par une participation de grâce, cependant toute créature est totalement éloignée tant d'une participation à la nature divine que d'une unité de personne avec Dieu.

Etsi in aliquibus sanctis hominibus, spiritus eorum unus aliquando cum Deo efficitur ex participatione gratiae ; procul tamen omnis omnino creatura tam a naturae divinae consortio, quam ab unitate personae cum Deo.

Adv Ab 273 A 9-12 :

[ La foi ] comprend ce qu'est la justice dans le sang du Christ, la réconciliation de l'homme avec Dieu, pour autant que dans la charité du Christ cet homme est fait un seul esprit avec Dieu.

Ipsa [ fides ] intelligit, quae sit justitia in sanguine Christi, quae hominis ad Deum reconciliatio, in quantum in charitate crucifixi homo ille unus efficitur spiritus cum Deo.

Speculum fidei (1142-1144) [SC 301]

Spec 99 l. 4-8 :

Lorsque l'homme vit, et que, sentant par [ l'amour], il sent ce qui doit être senti, il est transformé en ce qu'il sent, opérant plus en cela par l'élan de celui qui aime que ne le fait le sens externe à propos des réalités corporelles ou l'intellect à propos des rationnelles, et l'homme devient un seul esprit avec Dieu, vers qui il est mis en mouvement.

Cum autem vivit homo, et sentiens per eum quod sentiendum est sentit, in id quod sentit transformatur, plus in hoc valens amantis affectu, quam vel sensu in corporalibus vel in rationalibus intellectu, et unus spiritus efficitur homo cum Deo, cui afficitur.

Spec 109 l. 4-8 :

ainsi l'amour de Dieu plane sur l'amour de son fidèle, l'attirant par son souffle, et, le comblant de ses bienfaits, l'enlève vers lui - cet amour qui le suit par une sorte d'appétit naturel et qui, comme le feu, possède une force naturelle qui le fait tendre vers le haut -, et l'unit à soi, de telle sorte que, se remettant à Dieu, l'esprit de l'homme croyant devienne avec lui un seul esprit.

sic amor Dei fidelis sui superfertur aspirando, et benefaciendo rapiens eum ad se, naturali quodam appetitu se sequentem, et instar ignis vim habentem naturalem sursum tendendi, et unit eum sibi, ut creditus cum Deo, unus cum eo fiat spiritus hominis credentis.

Spec 110 l. 2...7 :

Ce nom d'esprit qu'il fut convenable de donner en propre au Saint-Esprit (...), l'Esprit Saint lui-même le communique à l'homme de telle sorte que, selon l'Apôtre, l'homme de Dieu soit avec Dieu un seul esprit, et par la grâce du nom, et par l'efficacité de sa puissance.

quodque proprie vocari oportuit Spiritum Sanctum (...), ipsum vocabulum spiritus communicat homini ipse Spiritus Sanctus, ut secundum Apostolum sit homo Dei cum Deo unus spiritus, et gratia nominis et effectu virtutis.

Epistola ad Fratres de Monte Dei (1144-1145) [SC 223]

Epist 170 l. 3-6 :

L'amour de Dieu, ou l'amour-Dieu, l'Esprit Saint, s'infusant en l'amour et en l'esprit de l'homme, le fait s'élancer vers lui ; et Dieu, s'aimant lui-même à partir de l'homme, fait et de l'esprit de l'homme et de son amour, une seule chose avec lui.

Amor enim Dei, vel amor Deus, Spiritus sanctus, amori hominis et spiritui se infundens, afficit eum sibi ; et amans semetipsum de homine Deus, unum secum efficit et spiritum ejus et amorem ejus.

Epist 235 l. 4-6 :

lorsque [ la volonté ] saisit, tient, jouit, elle est charité, elle est unité d'esprit, elle est Dieu, Dieu en effet est charité.

cum apprehendit, cum tenet, cum fruitur, caritas est, unitas spiritus est, Deus est, Deus enim caritas est.

Epist 256 l. 4-9 :

[ vouloir Dieu ] jusqu'au mépris de soi-même, et de tout ce qui existe ou peut exister ; et cela non seulement en vertu d'un jugement de la raison, mais encore d'un mouvement de l'esprit, de sorte que la volonté soit déjà plus que volonté, qu'elle soit amour, qu'elle soit dilection, qu'elle soit charité, unité d'esprit.

[ Deum (...) velit ], utrum usque in contemptum sui ipsius, omniumque quae sunt vel esse possunt ; et hoc non tantum ex judicio rationis, sed etiam ex affectu mentis, ut jam voluntas plus quam voluntas sit, ut amor sit, ut dilectio sit, ut sit caritas, sit unitas spiritus.

Epist 257 l. 3-7 :

Mais l'unité d'esprit avec Dieu, c'est, pour l'homme au coeur vers le haut, la perfection de la volonté qui progresse vers Dieu : désormais non seulement l'homme veut ce que Dieu veut, mais tel est son élan, que dis-je, la perfection de son élan, qu'il ne peut pas vouloir autre chose que ce que Dieu veut.

Unitas vero spiritus cum Deo, homini sursum cor habenti, proficientis in Deum voluntatis est perfectio, cum jam non solummodo vult quod Deus vult, sed sic est non tantum affectus, sed in affectu perfectus, ut non possit velle nisi quod Deus vult.

Epist 262 :

Au-dessus d'elle, cependant, il est encore une autre ressemblance avec Dieu - nous en avons déjà dit quelques mots - tellement particulière dans ce qu'elle a de singulier, qu'on ne lui donne plus le nom de ressemblance, mais celui d'unité d'esprit. C'est quand l'homme devient avec Dieu une seule chose, un seul esprit, non seulement par l'unité d'un même vouloir, mais encore par je ne sais quelle expression plus vraie d'une vertu qui n'est plus capable, ainsi qu'on l'a déjà dit, de vouloir autre chose.

Super hanc autem alia adhuc est similitudo Dei ; haec de qua jam aliquanta dicta sunt, in tantum proprie propria, ut non jam similitudo, sed unitas spiritus nominetur ; cum fit homo unum cum Deo, unus spiritus, non tantum unitate idem volendi, sed expressiore quadam veritate virtutis, sicut jam dictum est, aliud velle non valendi.

Epist 263 l. 1-3 :

On l'appelle unité d'esprit, non pas tant parce que l'Esprit Saint l'effectue ou qu'il affecte à elle l'esprit de l'homme, mais parce qu'elle est elle-même l'Esprit Saint lui-même.

Dicitur autem haec unitas spiritus, non tantum quia efficit eam, vel afficit ei spiritum hominis Spiritus sanctus, sed quia ipsa ipse est Spiritus sanctus.

Epist 275 l. 1-3 :

À ce bien, et par amour du bien, un tendre élan d'amour s'attache tellement qu'il ne peut s'en séparer jusqu'à ce qu'il soit devenu une seule chose ou un seul esprit avec lui.

Cui bono, amore ipsius boni, sic se intendit pius affectus, ut non se inde revocet, donec unum vel unus cum eo spiritus fuerit effectus.

Epist 286 l. 5-10 :

Ainsi poussée par en bas, soutenue par en haut, marchant droit devant elle, par le jugement de la raison, par l'acquiescement de la volonté, par l'élan de l'esprit, par l'efficacité du travail, elle se hâte de jaillir vers la liberté de l'esprit et l'unité : si bien que, comme on l'a déjà dit souvent, l'homme fidèle devient un seul esprit avec Dieu.

Sicque ab inferioribus promota, a superioribus adjuta, pergens in id quod rectum est, et judicio rationis, et assensu voluntatis, et mentis affectu, et operis effectu, erumpere festinat in libertatem spiritus et unitatem : ut, sicut jam saepe dictum est, fidelis homo unus spiritus efficiatur cum Deo.

Epist 287 l. 3-6 :

Parce que toutes ces choses ont une saveur pour qui les goûte, celui-ci est sage ; il est spirituel parce qu'il est devenu un seul esprit avec Dieu. Et telle est, en cette vie, la perfection de l'homme.

Haec enim quia sapiunt sapienti, sapiens est ; quia factus est unus spiritus cum Deo, spiritualis est. Et haec in hac vita hominis perfectio est.

B. La présentation d'ensemble.

Quelle méthode suivre pour établir une présentation d'ensemble de ce que signifie "être un seul esprit avec Dieu" dans l'oeuvre de Guillaume ? Le point de départ consiste dans l'hypothèse, présentée plus haut (cf. II. fin), d'une certaine cohérence quant à la signification de l' unus spiritus. Quelques grandes lignes se dessinent, très clairement confirmées par plusieurs textes. Il y aura à montrer que non seulement les passages étudiés les corroborrent mais qu'ils permettent d'éclairer les fondements de ces axes essentiels.

a. Quelques grandes lignes.

Qui parcourt l'ensemble des textes cités ci-dessus recueillera sans peine une donnée fondamentale : dans cet unus spiritus, l'Esprit Saint tient une place de premier plan. Quant à la structure même de l'unité d'esprit, deux lignes se croisent : l'unité d'esprit est à la fois une forme d'unité avec Dieu et une forme d'échange avec lui, elle dit en même temps l'unité et l'altérité. De plus cette unité d'esprit s'inscrit dans notre temps d'ici-bas. Elle semble intervenir à des points très divers de notre histoire personnelle.

Autrement dit, l'unité d'esprit suppose un acteur principal : l'Esprit Saint. Elle est une forme particulière du rapport de l'homme à Dieu où l'unité et la relation, loin de s'opposer, se nourrissent l'une l'autre. Enfin elle a affaire avec notre itinéraire spirituel particulier.

Ces quelques grandes lignes obtiennent une confirmation assez immédiate qui suffit à poser leur pertinence. En effet, que le rapport à Dieu désigné sous le nom d' unus spiritus soit fait d'unité et d'échange ressort clairement d'un passage du Cant où l'union de l'Époux et de l'Épouse ( conjunctio), qui est reconnue de suite comme étant une "unité d'esprit", est dite "n'être rien d'autre que l'unité du Père et du Fils... l'Esprit Saint", comme elle est aussi en même temps "transfusion" mutuelle de leurs esprits (Cant 95 l. 15...27). C'est aussi ce que signifie l'unité d'esprit dans la Lettre d'Or : alors qu'elle est la ressemblance la plus haute entre l'homme et Dieu, - la ressemblance, et donc toujours la distinction -, elle mérite un nom autre, celui d'unité d'esprit parce que "l'homme (est devenu) avec Dieu une seule chose" (Epist 260-262). Et ce passage n'oublie absolument pas le Saint-Esprit puisque ce nom d'"unité d'esprit" est dit convenir tout à fait : en effet "elle est elle-même l'Esprit Saint" (Epist 263).

L'unité d'esprit n'est-elle pas réservée à des instants privilégiés de la vie de quelques personnes rarissimes ? La lecture des seules citations ne permet pas d'infirmer catégoriquement cette opinion qui paraît évidente. Cependant la lecture d'un texte dans son ensemble relativise nettement ce point de vue. En effet tout au long du Premier Chant du Commentaire sur le Cantique, l'Épouse est toujours à distance de l'Époux et toujours en quête de l'Époux, elle qui, pourtant, dès le début du Cant, est déjà unie à lui et ne fait qu'"un seul esprit" avec lui (Cant 30 l. 11-19). L'Épouse vit déjà l'unité d'esprit, mais elle aspire à une plénitude, qu'elle goûtera plus tard, au terme du Premier Chant(24). Ce texte invite donc à se demander quand l'unité d'esprit intervient dans l'itinéraire de l'homme vers Dieu. En tout état de cause, elle ne saurait être vue uniquement comme sommet de la vie mystique.

b. Une vérification.

Les quelques confirmations apportées ci-dessus permettent de retenir les grandes lignes de structure aperçues. Elles fournissent un cadre global pour une synthèse. On explorera tour à tour ces trois grands axes : l'unité d'esprit comme unité ; l'unité d'esprit comme échange ; l'unité d'esprit dans l'histoire de chacun. Et l'on cherchera à dégager, à l'aide de l'ensemble des textes, tout ce qui les fonde. On ne pouvait prétendre établir ces fondements en se servant des oeuvres de Guillaume dans toute leur étendue ; d'une part, les textes étudiés semblent suffisamment riches ; d'autre part, ce travail a déjà été mené, au moins pour ce qui est de l'unité d'esprit comme unité et altérité, par P. VERDEYEN.

Pour mettre au jour les soubassements de la structure globale, l'approche la plus sûre a semblé de repérer les termes ou les ensembles de termes identiques ou analogues d'un texte à un autre. En effet Guillaume, comme on l'a déjà signalé, semble avoir non seulement une théologie solidement ajustée mais aussi une terminologie correspondante bien déterminée.

Il s'avèrera que les nuances elles-mêmes entrent dans un tableau général qui révèle une cohérence fondamentale. Ainsi les grandes lignes, qui émergeaient d'abord, se trouveront confirmées par un appel à l'ensemble des textes étudiés et par la mise en lumière de ce sur quoi elles s'appuient.

2. Plan.

Comment exposer cette vérification ? Puisqu'il s'agit de vérifier par les textes une hypothèse de départ - les grandes lignes de structure entrevues -, on ne peut mieux faire, semble-t-il, que de suivre un texte de Guillaume qui les présente de la façon la plus claire. Des deux textes qui ont servi à établir notre hypothèse, Epist 263 et Cant 95, ce dernier est le plus riche.

A. Un texte-cadre.

a. Cant 95.

Dans ce bref passage du Cant, début du commentaire sur le Lectulus noster floridus, on retrouve successivement les trois grandes lignes. D'abord l'unité d'esprit vue comme unité (l. 10-20), vue ensuite comme échange (l. 20-26), inscrite enfin dans le cours de l'histoire (l. 26-27).

l. 10-20 : C'est qu'il (le petit lit) est le théâtre de cette conjonction merveilleuse, de cette mutuelle fruition de suavité, de joie incompréhensible, inimaginable pour ceux-là même en qui elle s'accomplit, de l'homme vers Dieu, de l'esprit créé vers l'esprit incréé ; on les nomme Époux et Épouse, et la langue humaine, entre temps, cherche des mots pour exprimer tant bien que mal la douceur et la suavité de cette union, qui n'est autre que l'unité du Père et du Fils, que leur baiser, leur étreinte, leur amour, leur bonté et tout ce qui, dans cette infiniment simple unité, leur est commun à tous deux ; tout cela c'est l'Esprit Saint, Dieu, Charité, le même étant le donateur, le même étant aussi le don.

l. 20-26 : Là, dans ce lit, s'échange cet embrassement, ce baiser par lesquels l'Épouse commence à connaître comme elle-même est connue ; et comme il arrive dans les baisers des amants qui, par un certain suave contact mutuel, transfusent l'un dans l'autre leur esprit, l'esprit créé s'épanche tout entier dans l'Esprit qui le crée pour cela même ; en lui, l'Esprit créateur s'infuse,

l. 26-27 : comme il veut, et l'homme est fait un seul esprit avec Dieu.

In hoc siquidem fit conjunctio illa mirabilis, et mutua fruitio suavitatis, gaudiique incomprehensibilis et incogitabilis, illis etiam in quibus fit, hominis ad Deum, creati spiritus ad increatum ; qui Sponsa dicuntur ac Sponsus, dum verba quaeruntur quibus lingua hominis utcumque exprimi possit dulcedo, et suavitas conjunctionis illius, quae non est alia quam unitas Patris et Filii Dei, ipsum eorum osculum, ipse amplexus, ipse amor, ipsa bonitas, et quidquid in unitate illa simplicissima commune est amborum ; quod totum est Spiritus Sanctus, Deus, caritas, idem donans, idem et donum.

Ibi etenim comparat se sibi ille amplexus, et illud osculum, quo cognoscere incipit Sponsa, sicut et cognita est ; et sicut solet in amantium osculis, suavi quodam contactu(25)mutuo sibi spiritus suos transfundentium, creatus spiritus in hoc ipsum creanti eum Spiritui totum se effundit ; ipsi vero Creator Spiritus se infundit, prout vult, et unus spiritus homo cum Deo efficitur.

De plus ces lignes ont le mérite d'offrir déjà toute une série d'explicitations qui ne demandent plus qu'à être corroborées par ailleurs. C'est ce passage qui recèle la formule célèbre : Spiritus sanctus... idem donans, idem et donum, formule dont É. GILSON a si bien fait valoir la justesse et le rôle-clef dans la théologie mystique de Guillaume(26). C'est ici aussi qu'est décrite de la façon la plus précise la situation de l'un par rapport à l'autre, ou, pour parler plus exactement, le mouvement l'un vers l'autre de l'esprit créé et de l'Esprit créateur (l. 23-26).

Certes les autres textes ne font pas que balbutier ou répéter celui-là. Ils présentent un certain nombre d'analogies qui le confirmeront, mais aussi des compléments plus ou moins conséquents qui trouveront leur place, et même jusqu'à s'insérer, en quelque sorte, en un point précis de ce texte retenu comme cadre de l'exposé.

b. Les divisions et subdivisions que propose Cant 95.

Chacune des trois grandes divisions de Cant 95 (l. 10 à 27) propose aussi des thèmes qui peuvent constituer autant de subdivisions. Ainsi, selon les dix premières lignes, la "conjonction admirable" qui est unité d'esprit est "l'Esprit Saint" lui-même, mais elle est aussi évoquée en d'autres termes : "l'unité du Père et du Fils".

Les lignes suivantes racontent une histoire : un échange "mutuel" comme entre deux amants, où l'"esprit créé" et l'"Esprit créateur" ont tel comportement précis l'un vis-à-vis de l'autre ; et cet échange rend l'unité d'esprit toujours plus riche grâce à la "connaissance mutuelle".

Enfin la dernière ligne suffit à poser la question de l'heure à laquelle "est effectuée" l'unité d'esprit dans l'itinéraire spirituel de l'homme, et à considérer le mode selon lequel elle est vécue, un mode qui est "selon ce que veut l'Esprit".

Ces différents indices proposent une trame.

B. Plan.

Première Partie : 1ère phrase (l.10-20) :

...cette conjonction qui n'est autre que l'unité du Père et du Fils, (...) l'Esprit Saint, le même étant le donateur, le même étant le don.

Unité d'esprit comme unité de l'homme et de Dieu.

unitas Patris et Filii Dei

Chap. 1 : L'unité d'esprit

et l' unum du Père et du Fils.

...Spiritus Sanctus, idem donans, et idem donum

Chap. 2 : L'unité d'esprit est l'Esprit Saint.

1. Elle est l'Esprit Saint.

2. Lui est donateur et don.

Deuxième Partie : Deuxième phrase de Cant 95 (l. 20-26) :

Là, dans ce lit, s'échange cet embrassement, ce baiser par lesquels l'Épouse commence à connaître comme elle-même est connue ; et comme il arrive dans les baisers des amants qui, par un certain suave contact mutuel, transfusent l'un dans l'autre leur esprit, l'esprit créé s'épanche tout entier dans l'Esprit qui le crée pour cela même ; en lui, l'Esprit créateur s'infuse

Unité d'esprit comme relation entre l'homme et Dieu.

amantium osculis, ...contactu mutuo

Chap. 1 : Un échange mutuel conduit à l'unus spiritus.

creatus spiritus... se effundit

Chap. 2 : L'esprit créé.

Creator Spiritus se infundit

Chap. 3 : L'Esprit créateur

cognoscere incipit Sponsa, sicut et cognita est

Chap. 4 : Un échange toujours plus riche.

Troisième Partie : Fin de la deuxième phrase (l. 26-27) :

l'Esprit créateur s'infuse, comme il veut, et l'homme est fait un seul esprit avec Dieu.

Unité d'esprit et l'itinéraire spirituel de l'homme.

et unus spiritus... efficitur

Chap. 1 : L'unus spiritus dans l'itinéraire spirituel.

prout vult (Spiritus sanctus)

Chap. 2 : L'unus spiritus comme le veut l'Esprit.

1. À l'heure que veut l'Esprit.

2. À la manière que veut l'Esprit.



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NOTES

1 É. GILSON, La théologie mystique de S. Bernard, Paris, Vrin, 1934, p. 142ss.

2 P. VERDEYEN, La théologie mystique de Guillaume de Saint-Thierry, Paris, FAC-éditions, 1990, p. 6-8.

. 3 Cf. In Canticum Canticorum, PG 13, col. 61-198.

. 4 J. CHÂTILLON, L'"unité d'esprit" selon Guillaume de Saint-Thierry, dans : Viens Esprit Saint, Vénasque, Éd. du Carmel, 1988, p. 179-211.

5 H. BLOMMESTIJN, Imago Dei in Guglielmo di Saint-Thierry, dans : L'antropologia dei maestri spirituali. A cura di Ch. A. BERNARD. (Simposio organizzato dall'Istituto di Spiritualità dell'Università Gregoriana, Roma 28 aprile - 1 maggio 1989), Cinisello Balsamo, Ed. Paoline, 1991, p. 145-162 ; aux p. 156- 162 : "La ressemblance parfaite : l'unité d'esprit".

6 M.-M. DAVY, Théologie et mystique de Guillaume de Saint-Thierry. I. La connaissance de Dieu, Paris, Vrin, 1954, p. IX.

7 J.-M. DÉCHANET, Guillaume de Saint-Thierry, dans : Dictionnaire de spiritualité t. VI, 1967, col. 1241-1265.

8Pour les abréviations, consulter la liste donnée avant l'Introduction.

9 Guillaume de Saint-Thierry, Lettre aux frères du Mont- Dieu (Lettre d'or). Introd., texte critique, traduction et notes par Jean DÉCHANET, Paris, Cerf, 1976 (Sources Chrétiennes 223), p. 407-414.

10 P. VERDEYEN, La théologie mystique de Guillaume de Saint-- Thierry, Paris, FAC-éditions, 1990, 290 p. ; d'abord paru sous forme d'articles dans : Ons geestelijk erf, t. 51, 1977, p. 327- 366 ; t. 52, 1978, p. 152-178, 257-295 ; t. 53, 1979, p. 129- 220, 321-404.

11 D.N. BELL, The Image and Likeness. The Augustinian Spirituality of William of St Thierry, Kalamazoo, Cistercian Publications, 1984, 282 p.

12 Y.-A. BAUDELET, L'expérience spirituelle selon Guillaume de Saint-Thierry, Paris, Cerf, 1985, 342 p.

13 A.M. PIAZZONI, Guglielmo di Saint-Thierry. Il declino dell'ideale monastico nel secolo XII, Roma, Istituto Storico Italiano per il Medio Evo, 1988, 222 p.

14 Ainsi, par exemple, Thérèse d'Avila renvoie-t-elle au texte de S. Paul : "Ce que Dieu communique alors à l'âme en un instant est un si grand mystère, une faveur si haute, la délectation de l'âme est si immense, que je ne sais à quoi la comparer ; je puis seulement dire que le Seigneur veut lui manifester à ce moment la gloire du ciel avec plus d'élévation que par toutes les visions ou plaisirs spirituels. D'après ce qu'on comprend, et on ne saurait dire plus, l'âme, c'est-à-dire l'esprit de cette âme, ne fait plus qu'une avec Dieu... Peut-être est-ce là ce qu'entendait saint Paul lorsqu'il disait : Celui qui s'approche de Dieu, qui s'attache à lui, devient un même esprit avec lui" (Le château intérieur, Septièmes demeures, Chap. II).

De même, Jean de la Croix : "Comme Dieu possède désormais les puissances en maître souverain par la transformation de ces puissances en lui-même, c'est lui qui les meut et les gouverne divinement par son divin esprit et suivant sa volonté. Alors l'opération des puissances n'est plus distincte de celle de Dieu, et les opérations de l'âme sont de Dieu. Je le répète, ses opérations sont divines, parce que celui qui s'unit à Dieu devient un même esprit avec lui. Oui, les opérations de l'âme unie à Dieu sont de l'Esprit divin, elles sont divines" (La montée du Carmel, Livre III, Chap. II).

Ou encore, dans le Cantique spirituel : "De même que dans la consommation du mariage charnel, ils sont deux en une seule chair, comme dit la divine Écriture, de même aussi, une fois consommé le mariage spirituel entre Dieu et l'âme, ils sont deux natures en un esprit et en un amour, selon ce que dit saint Paul qui se sert de cette même comparaison en disant : Celui qui s'unit au Seigneur devient un esprit avec lui" (Cantique spirituel XXII, 3).

15 Christophe SENFT, La première épître de saint Paul aux Corinthiens, Genève, Labor et Fides, 1990 (2 éd. corrigée et augmentée), p. 81.

16 Cf. E.-B. ALLO, Première Épître aux Corinthiens, 1934, p. 146.

17 P. VERDEYEN, Guillelmi a Sancto Theodorico Opera omnia. Pars I. Expositio super epistolam ad Romanos, Turnhout, 1989 (Corpus christianorum Continuatio medievalis LXXXVI) ; voir : Introduction générale. II. Chronologie des oeuvres, p. XXIV.

18 Cf. De statu animae, PL 53, 717 A 12-14.

19 Voici les cinq reprises :

(1)

l. 8 Sed amor tuus... est... Spiritus sanctus...:

13-14 ...Deum nobis et nos uniens Deo.

(2)

l. 14-15 Sic enim ipse Spiritus sanctus tuus, qui amor dicitur Patris et Filii

17-18 ...Deo nos unit...

(3)

l. 22-24 Amas ergo te... in te ipso, cum a Patre procedit et Filio Spiritus sanctus, amor Patris ad Filium, et Filii ad Patrem, et tantus est amor...

40 ...et in tantum tibi unimur, in quantum amare te meremur ;

41 et participes efficimur... orationis illius...: Volo ut sicut ego et tu unum sumus : ita et ipsi in nobis unum sint.

50 Filius tuus unum nobiscum nomen sortiri non dedignatur ;

(4)

l. 53 Amas itaque nos in quantum... et nos amamus te, in quantum a te Spiritum tuum accipimus, qui est amor tuus

59-63 tantaque fit conjunctio, ...ut unitas... vocetur... : Ut sint ipsi unum in nobis... Sicut ego et tu unum sumus.

66-67 Quid autem est absurdius uniri Deo amore et non beatitudine ?

80 Ergo et amore et beatitudine uniti Deo, intelligimus...

(5)

l. 105-106

Cumque amor tuus, amor Patris ad Filium, amor Filii ad Patrem, Spiritus sanctus...

110-111 ...unum nos in te efficiens per unitatem tuam id est ipsum Spiritus sanctus tuum

112-122 ut... sicut non est aliud...

ita nobis... nichil sit aliud... quam esse, et unum spiritum cum Deo esse.

20 Eph 4, 3-4 : ...solliciti servare unitatem spiritus in vinculo pacis. Unum corpus, et unus spiritus, sicut vocati estis in una spe vocationis vestrae.

Phil 1, 27 : ...ut sive cum venero, et videro vos, sive absens audiam de vobis quia statis in uno spiritu unanimes, collaborantes fidei evangelii...

21 Cf. Guillelmi a Sancto Theodorico Opera omnia. Pars I. Expositio super epistolam ad Romanos, p. XXVI. Allaient déjà dans ce sens J. HOURLIER, Guillaume de Saint-Thierry et la Brevis Commentatio in Cantica, dans : Analecta Sacri Ordinis Cisterciensis t. 12, 1956, p. 105-114, ainsi que S. CEGLAR, William of Saint-Thierry. The Chronology of his Life, with a Study of his Treatise On the Nature of Love, his Autorship of the Brevis Commentatio, Ann Arbor, 1972.

22 Cf. l'étude qui figure en annexe : Unus spiritus dans la Brevis Commentatio.

23 Pour cette chronologie, cf. P. VERDEYEN, Guillelmi a Sancto Theodorico Opera omnia. Pars I. Expositio super epistolam ad Romanos, Turnhout, 1989 (Corpus christianorum Continuatio medievalis LXXXVI) ; voir : Introduction générale. II. Chronologie des oeuvres, p. XXIII-XXXI.

24 Cf. notre étude antérieure : Amour et lumière : fonctions de l'Écriture Sainte dans la structure d'un texte : le Premier Chant de l'Expositio super Cantica Canticorum de Guillaume de Saint-Thierry, dans : Analecta Cartusiana t. 55, 1982, p. 1-145 ; ainsi que la comparaison avec Origène quant à cette question précise, esquissée dans : Amour et connaissance. Super Cantica Canticorum de Guillaume de Saint-Thierry, dans : Collectanea Cisterciensia t. 49, 1987, p. 343-346.

25 L'édition donnée par J.-M. DÉCHANET dans les Sources Chrétiennes porte contractu, conformément au manuscrit Charleville 114, provenant de Signy. Alors que DÉCHANET pensait que l'Exposé sur le Cantique ne nous était donné que par un seul manuscrit (p. 63-65), il existe en fait deux autres manuscrits (Uppsala C 79 et Wolfenbüttel Helmstedt 394) qui semblent être du plus grand intérêt pour l'établissement du texte ; or ces deux ont aussi contractu. B. TISSIER avait corrigé contractu en contactu (cf. Bibliotheca patrum cisterciensium, t. IV, Bonne-Fontaine, 1662).

. 26 Cf. La théologie mystique de saint Bernard, p. 228-229.



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