Pédagogie de vie et de bonheur (Prol 14-20)

                               Sr. Aquinata Böckmann, OSB

                               En Calcat 25-27 Janvier

 

(SB = Saint Benoît ; RB = la Règle de SB ; RM = la Règle du Maître, source immédiate de RB ; M = le Maître ; ps = psaume, pss = psaumes)

 

Le titre de notre séminaire est « pédagogie de vie et de bonheur ». Je ne vais pas commencer avec des définitions et des réflexions philosophiques, ni même avec la situations d’aujourd’hui, mais je voudrais d’abord sauter « dans l’eau » - « in medias res » - et prendre le Prologue, surtout un texte, qui – évidemment – parle de vie et de bonheur. A partir de là, le deuxième jour, je propose de regarder les pédagogues de la vie et du bonheur (le Maître du noviciat et SB) et puis on va vers le chapitre 72, et le regardera sous la lumière de la vie et du bonheur.

 

Vous avez sur votre feuille les deux textes qui – apparemment – parlent de la vie et du bonheur : Prol 14-20 et Prol 45-50 (2. conférence). Je vais prendre le premier d’abord, pour  ensuite le voir avec d’autres textes importants du Prologue et puis l’insérer dans le Prologue entier.

 

1        Prol 14-20

 

La question que le Seigneur nous lance, est justement la question du séminaire : « qui veut la vie et désire voir des jours heureux ? » (vult vitam et cupit videre dies bonos). Le texte nous prend par la main et exerce sa pédagogie avec nous.

 

Ce paragraphe s’occupe avec l’interprétation du Ps 33. Si vous avez le temps, - il est intéressant de lire tout le Ps 33 comme toile de fond pour notre question. Par ex. « qui viendra vers lui, resplendira …goûtez et voyez comme le Seigneur est bon, heureux qui s’abrite en lui. » Dans la lettre de S. Clément de Rome aux Corinthiens (traduction latine), on met le psaume dans la bouche du Christ : « Le Père miséricordieux a compassion pour ceux qui le craignent, et donnera sa grâce avec douceur et paix à ceux qui accèdent à lui avec une volonté simple et sincère » (Nr. 22).

 

Suivons d’abord notre passage verset après verset.

 

V.14 met en tête l’initiative du Seigneur (en latin : et quaerens Dominus). C’est un nouveau commencement. Le Seigneur lui - même cherche ses collaborateurs, ses ouvriers dans la multitude. Je dis tout simplement : le Seigneur, Christ. La parabole du Seigneur de la Vigne est à l’arrière-fond (Mt 20,1-16). D’ailleurs c’est commun que le Christ parle dans les Pss. C’est très clair dans le Prologue entier.

La multitude – il me semble – pour SB, ce sont les chrétiens en général. Alors, il s’agit d’un deuxième appel; concrètement pour la vie monastique. La RM est plus claire, quand elle dit : « Le Seigneur recommence à crier de plus belle (iterum reclamat). » (Le premier appel : V. 10 : »Aujourd’hui si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs. »  C’est très consolant, qu’il y a plusieurs appels !). On peut se souvenir de Mt 11,28-30 avec les deux appels (C’est la toile de fond des pièces introductoires pour le M et SB). «  (1) Venez à moi tous … (2) prenez mon joug e apprenez de moi… ». Pourtant, ce qui suit dans notre paragraphe, n’est pas typiquement monastique, mais tout simplement chrétien. Le moine, un chrétien convaincu ! Certes, c’est un deuxième appel, mais à vivre en profondeur, concrètement la suite du Christ, une vie orientée sur le Christ, comme c’est la base dans le baptême.

 

Le Seigneur, Christ est devant nous, comme quelqu’un qui cherche. Ce n’est pas d’abord nous qui cherchons lui. Notre recherche est seulement une réponse à sa recherche. Il nous prévient. Pensons aussi au bon berger qui – selon le ch. 27,8-9 va derrière la brebis perdue. Le Seigneur cherche son ouvrier ; alors la question devrait être : « qui a beaucoup de force pour travailler ? » Certes, le monastère est un atelier, ou un apprend les bonnes œuvres, l’art divin. Dieu a mis ses dons en nous, et nous devons coopérer. C’est vrai. Mais ici : la demande est simplement : « qui veut la vie … « ; donc c’est la personne comme telle avec tous ses désirs qui est cherchée.

 

 

V.15 :  « Qui veut la vie et désire voir des jours heureux ? » (vitam et … dies bonos). – Ici nous sommes tout à fait dans notre thème. « Qui veut être heureux ?». Le parallélisme  (vie et jours heureux) indique, que c’est cela que d’avoir les jours heureux : vie en plénitude et en intensité.

. (Ici, je voudrais interrompre mon exposé et vous demander d’écrire pour vous-mêmes les associations qui viennent à vous, quand vous écoutez ces paroles : jours heureux, et vie, surtout en ce qui vous concerne, mais peut-être aussi pour les candidats. Cette petite collection pourrait nous aider après dans les groupes).

 

Le Seigneur Christ ne commence pas dans les nuages, mais avec nos désirs terre-à-terre. Cela ne sonne pas très surnaturel. Mais cela nous montre l’humanité de notre Dieu. Cette demande est le verset du Ps 33,13. On peut y joindre la demande de la deuxième explication des psaumes : « Seigneur qui habitera dans ton tabernacle, ou qui reposera sur ta montagne sainte ? » (cf Prol 23)

Espoirs terrestres, peut-être matériels, corporels … cela nous remet dans la spiritualité des Pss : Ce qu’on espère : vie, sérénité, sécurité, victoire des ennemis, santé, vie tranquille, beaucoup d’enfants… On les demande au Seigneur. Et durant des siècles le Seigneur écoute volontiers nos demandes (et puis les approfondis).

Jours heureux – en latin on dit : journées bonnes. Qu’est-ce que nous voulons dire, quand nous disons : bonjour ! Bonne année ? Nous souhaitons certainement la santé, le bonheur, joie, satisfaction. Mais peut-être il y a encore plus.

Une dernière remarque sur les verbes : vouloir, désirer. Ici c’est regardé comme une orientation positive. SB semble être content quand il constate qu’en nous il y a un vouloir énergique, qui peut être orienté vers le bien. La parole « cupere » dans le sens de désirer fortement, est toujours positive dans la RB (quelqu’un veut rester au monastère – 61,3 ; L’abbé veut purifier les moines (cupit – 64,12), et les moines forts doivent avoir dans le monastère ce qu’ils désirent (64,19). La RM a - en général - une autre attitude envers ces orientations volitives et émotives de la personne. On pourrait dire en simplifiant, qu’il essaye d’abord de faire « table rase », de les effacer, et puis il prend soin que quelque chose de nouveau croîtra.

 

V.16 : Le Seigneur attend notre réponse, si nous voulons être heureux, avoir la vie … Une petite chose est à remarquer. SB dit : « si, en entendant… tu réponds : Moi. » Il met la réponse dans le choix de celui qui écoute. Le M avait dit : » Toi qui entends, réponds : moi ». Pour lui, c’est un impératif. « Tu dois le faire ». SB respecte plus la libre décision du candidat (ce qu’on peut voir aussi en RB 58). Dieu prend au sérieux les désirs, et attend notre réponse « Oui, nous voulons la vie. C’est moi » (ego – l’unique fois dans la RB). La personne – elle-même – est appelée, pas seulement les hommes en général. Le candidat s’expose au Dieu qui le cherche et l’attire (tu à tu).

Alors Dieu te dit – « dicit tibi Deus ». SB change le Dominus en Deus, certes à cause du rythme, mais il pourrait vouloir indiquer aussi, que le Christ est Dieu, divin (et l’adjectif « divin » est employé pour le Christ dans le Prol).

 

V.17 a: Si tu veux avoir la vie véritable (vera) et perpétuelle (perpetua)…

Le Seigneur demande à chacun des candidats : Est-ce que cela est tout ce que tu désires ? C’est déjà bon – tu veux la vie, désires des jours heureux – mais si je veux te donner beaucoup plus : vraie vie et permanente, pas seulement pour des moments --- ? Ce verset ne vient pas du psaume, mais nos auteurs ont intercalé cette demande dans le texte psalmique ; aussi d’autres Pères ont fait cela (Cassiodor, Jérôme Augustin).

Pédagogie de vie et de bonheur sur au moins deux plans – dans le sens assez concret, et dans un sens plus profond, bonheur vrai et qui dure.

Peut-être pourrait-on aller plus loin et dire : vie vraie – un niveau plus profond comme joie, réalisation, créativité, pas seulement lié à la matérialité ou à la corporalité. Dans ce sens il est significatif que suit un enseignement éthique : une vie de vertu, une bonne vie, qui donne un bonheur plus profond.

Puis : vie perpétuelle – bonheur qui dure ; ce n’est pas seulement pour quelques moments, quelques jours heureux. Donc ici au moins, il me semble, on pense à la vie future. Et l’enseignement éthique devient le chemin de la vie, qui conduit à la vie (cf V.20).

En résumant ces quelques versets pour notre thème concret :

1) il y a vie et bonheur dans la matérialité, puis

2) dans un sens plus intérieur (ce qui va ensemble avec une vie vertueuse) et finalement

3) au sens de vie perpétuelle.

 

V.17 b et lignes suivantes contiennent cet enseignement éthique. Trois choses sont à éviter : le mal que parle la langue, les paroles trompeuses (parallélisme), et le mal en général (pas seulement de la bouche), et puis suivent trois expressions ce qu’il faut faire : faire le bien, chercher la paix, poursuivre la paix. Quand on lit cela la première fois, on peut être déçu, voire même indigné  et se demander : est-ce que c’est tout ? N’a-t-il pas autre chose à dire ? Les moines anciens étaient convaincus, qu’on a toujours à faire avec cela : éviter le mal, être purifié du péché, surtout des péchés de la langue, et particulièrement si on vit dans le cénobium .

Donc le chemin de vie, la pédagogie de bonheur – dans la poussière de la vie de chaque jour.

Un apophthègme de Abraham est illustratif  (Coll Arm X,67) : « Les frères lui apportent du parchemin et lui demandent de transcrire pour eux tout un long passage. Mais lui se contente d’écrire le seul verset 15 du Ps 33. Evite le mal et fais le bien, recherche la paix et poursuis-là… ! Les frères lui disent : Ecris-nous donc tout le psaume. Et lui de répondre : Quand vous aurez conformé toute votre vie au programme de ce seul verset, alors je vous écrirai un autre texte. »

On pense – évidemment – aux catéchèses baptismales, et concrètement aux deux chemins. Généralement le progrès dans la vie spirituelle est décrit par les Pères comme : lutte contre le mal – et positivement : faire le bien. Pour ce que SB pense c qui serait à éviter, on peut regarder le ch 4 (voler, agir avec colère, rendre le mal pour le mal, maudire, être orgueilleux, paresseux, murmurer, dire du mal des autres…), - certainement ce n’est pas une vie heureuse. Pour ce qui est le bien (aimer Dieu de tout son cœur, et le prochain comme soi-même, honorer tous les hommes, recréer les pauvres, aimer les ennemies…). On soupçonne que cela renferme aussi le bonheur.

Cela pourrait-il dire que d’abord nous devons arracher le mal et ne nous occuper que de cela (comme le Maître…) ? C’était la doctrine classique. Mais SB dans sa pédagogie sait que ce n’est pas toute la vérité. C’est pourquoi à la fin de sa Règle il dit, que c’est le bon zèle qui sépare des vices (72,2). Il ne nie pas que nous aurons toujours à faire avec les vices (cf 2,40), mais il n’est pas bon de s’occuper uniquement de lutter contre … en même temps il faut commencer à pratiquer le bien. Et l’amour, la charité couvriront les péchés.

Eviter le mal – faire le bien – ce sont les deux faces de la même médaille, et ils reflètent la spiritualité baptismale : dire non au diable,  et s’abandonner au Christ.

La dernière ligne du Prol 17 éclaire que nous auront toujours à chercher. – Chercher pourrait avoir à faire avec la pédagogie – et paix avec le bonheur. Chercher Dieu (58,7) cela se montre dans le zèle pour l’Opus Dei, pour l’obéissance et les services. A l’abbé SB dit : « cherchez d’abord le Royaume » (2,35). Nous ne posséderont jamais, la paix – en dernier analyse : le Christ ; toujours nous sommes en chemin. Cherchez le Christ, notre paix. Jérôme dit dans son explication à ce psaume : « Cherche la paix et poursuis là – c’est le Christ, car il est notre paix. » De même Augustin : « Le Seigneur est notre paix, il est ressuscité et monté au ciel. Cherche la paix et poursuis-là… Si tu ressuscites … alors tu embrasseras la paix ». Le Christ, notre bonheur !

 

Il devient maintenant plus clair, que vraie vie et bonheur sont liées au Christ et cela avec un dynamisme intérieur de chercher.

 

V.18 : Vient alors le verset admirable. Quand vous aurez agi ainsi – alors la promesse : mes yeux sur vous, mes oreilles à votre prière – Cela s’harmonise avec le commencement du Prologue où nous sommes éveillés à écouter – maintenant le Seigneur nous écoute ; au commencement nous sommes exhortés à ouvrir les yeux – maintenant le Seigneur nous regarde. C’est déjà une image de bonheur, le Christ avec ses oreilles et ses yeux dirigés vers nous. Le Seigneur est orienté vers nous, il est là – tout à fait pour nous, il veut nous donner tout.

« Sur vous » – la RM avait dit : « sur vous les justes ». SB laisse tomber cet adjectif. Il est très conscient que nous ne sommes pas et ne seront jamais justes. Mais tout de même, le Seigneur se penche sur nous. Nous de notre part essayons de mettre en pratique ses enseignements. Mais ce sera toujours un essai, et puis nous tombons et essayons de nouveau.

Je pense c’est pourquoi le texte continue : « et avant que vous m’invoquiez, je vous dirai… ». Cela montre que le Seigneur nous prévient. Il n’est pas là, les bras croisés, et attend d’abord notre demande…. Et puis, il fera quelque chose. Mais avant : « Ecce adsum », « me voici ». Comment on entend cette voix ? Certes, ce sont les sens intérieurs. On peut parler d’une expérience de Dieu.

 

« Ecce adsum » : cela a des ressemblances avec Dieu Emmanuel, « Dieu avec nous », le nom qu’on donne à Jésus. Mais il ressemble aussi au nom que Dieu s’est donné lui-même dans le buisson ardent. « Ecce adsum » : dans le Christ, il est avec nous jusqu’à la fin des temps (Mt 28,20 ; cf 1,23).

Le bonheur serait, de répondre avec un « me voici », « ecce adsum », de notre part. Ici nous touchons la vraie vie et le bonheur.

Donc le sens de la vraie vie dans ce passage a au moins deux niveaux : une bonne vie, satisfaction dans ce sens, et puis une expérience que Dieu, le Christ, est avec nous. Avec cela : bonheur lié au Christ.

 

V.19 : Frères – et SB ajoute au texte du M : frères « carissimi », très chers. Nous ne sommes pas des justes, mais des frères très chers, aimés de Dieu et de SB aussi. Le Seigneur nous invite. On invite seulement à quelque chose de beau ! « In-vic/vec - convivium – ad cibum vocare” on invite à un festin (cf Mt 24). Et cette voix du Seigneur – Christ est douce. « Venez et goûtez comment est doux le Seigneur », nous dit le même Ps 33. Aujourd’hui on découvre de nouveau le sens du mot « doux » ; il vient de la mystique. Le doux Seigneur est le Seigneur qui veut nous embrasser. La personne qui goûte la douceur du Seigneur, aura la vraie vie et sera heureuse. Jésus est la douceur incarnée de Dieu. Doux est aussi le bois de la croix, si on l’accepte du Seigneur. Si on accueille l’avènement amer comme venant de Dieu, il devient doux, et est transformé. La douceur ne vaut pas seulement pour la vie éternelle dans l’au-delà.

 

V.20 forme la fin du paragraphe : voici – et on parle de nouveau dans le vocabulaire de bonheur : dans sa bonté le Seigneur nous montre le chemin de la vie. Donc nous pouvons avoir confiance, et nous fier à ce guide qui nous aime. Il ne nous invite pas seulement ; comme les versets suivants l’indiquent : il marche devant. Cette confiance que le Christ nous aime, est un bonheur profond, qui de temps en temps est sensible ; généralement pas si palpable. Mais alors la foi s’approfondit. On peut réfléchir sur le sens du génitif : via vitae. Est-ce seulement le chemin qui conduit à la vie, ou est-ce qu’on trouve la vie déjà en marchant sous sa conduite ? Il me semble que si.

 

A la fin de cette méditation il est bon de regarder le paragraphe entier. Il est formulé en forme de Chiasme.

 

-  Le commencement et la fin (A et A’) se retouchent : C’est le bon Seigneur qui agit, cherche ou montre le chemin. Donc il est actif. A la question qu’il pose : « qui veut avoir la vie » – la réponse est : se laisser inviter à marcher le chemin de la vie. Qui veut la vie – il nous montre le chemin de la vie.

 

- Dans les parties B et B’ en allant du commencement et de la fin vers le milieu, on trouve un dialogue avec le changement des sujets : si tu dis : moi … Dieu te dit, si tu veux… et à la fin : quand vous … mes oreilles,… avant que vous m’invoquiez- je vous dirai… On entre en contact avec le Seigneur. Ce sont nous, ce sont les candidats, c’est chaque personne dans son unicité. L’homme : un être de dialogue ! Celui qui écoute la parole (auditor) et répond – c’est sa plus profonde identité. Le Christ nous fait découvrir cette identité  avec l’aide de la Bible.

 

- Au milieu on trouve l’enseignement éthique. L’inclusion (C et C’) veut dire comment concrètement aller le chemin de la vie ; et tout au milieu une phrase qu’on peut très bien mémoriser et tenir dans son cœur : « détourne-toi du mal et fais le bien ». Chemin concret qui veut dire vraie vie et bonheur, mais qui conduit aussi au bonheur et à la vie perpétuelle. Donc on rejoint ici de nouveau le contenue de bonheur : une vie bonne. Au fond c’est l’amour qui règne dans notre vie et fait qu’elle soit heureuse.

 

Une séquence narrative serait comme ce qui suit :

                                                      Si – alors fais le bien …

                    Moi –Dieu dit : vraie vie ? /

Le Seigneur cherche /                            \(non)

Qui veut la vie ?   \

                (non)

 

Cette séquence nous montre, que de notre part, il y a des décisions à faire. Entrer dans le dialogue avec Dieu. Désirer le bonheur, mais aussi accepter que Dieu creuse nos désirs – et prendre ses exhortations au sérieux dans le quotidien de la vie.

 

Chemin de vie et de bonheur.

Il y a une vie et un bonheur concret, naturel, et ce n’est pas mauvais. Au contraire, Dieu utilise ce désir. Mais il le creuse, l’approfondit. Ne veux-tu pas plus ? Et on entre dans les plans de Dieu. Mais Dieu a besoin de notre décision, de notre choix.

Pédagogie – vers ce bonheur ? – Très concrètement faire le bien et se détourner du mal. Se laisser attirer des promesses du Seigneur, se laisser chercher et inviter.

Le Dieu, le Seigneur, c’est le Christ. Cela veut dire que l’accomplissement du désir est lié à LUI.

 

2. Textes liés

2.1 Prol 21

Il est utile de regarder ce passage ensemble avec le noyau du Prologue entier (cf autre page). Tout cela est vu sous l’image de suivre les chemins du Seigneur, sous la conduite de l’Evangile. C’est le même chemin que le Christ a tracé, qui – évidemment – va à travers la croix à la résurrection. Certainement il va vers le bonheur et la vie véritable. Dans le v. 21 nous trouvons de nouveau, que la foi et les bonnes œuvres sont pour ainsi dire les « pieds » de la marche. A la fin la perspective du royaume final ! Ce sera vraiment le bonheur en plénitude. Mais est-ce aussi un chemin heureux, ou un chemin fait seulement de souffrance ? La dernière chose est vraie pour la RM. Plus on souffre ici, plus on peut jouir de la félicité au ciel. Et si on n’a pas assez de souffrance, il faut s’en faire, et torturer et mortifier les frères… Ce n’est pas la perspective principale de RB (cf après : Prol 45-50).

 

2.2 Prol 23-35

Un deuxième texte du Prologue éclaire notre passage : 

la deuxième explication du Ps, cette fois Ps 14 – Prol 23-35. La demande, comme nous avons vu, a des ressemblances avec notre passage : « qui veut demeurer dans la tente… « ? De nouveau c’est le Christ - Seigneur qui nous répond et nous montre le chemin vers ce bonheur. De nouveau c’est un enseignement éthique comme les marches de ce chemin. Mais c’est plus détaillé : ne pas faire le mal, mais faire le bien (justice et vérité) ; on lutte avec les petits du diable, les tentations, et ensuite on poursuit sur un autre plan : le bien qu’on fait, c’est par la grâce de Dieu. C’est le Seigneur qui opère en nous. Donc a LUI la gloire ! Une vie heureuse serait cela, où on pratique toutes les vertus, mais s’en vante, devient pharisien, s’enorgueillit ? L’union avec le Seigneur se perd. Donc ici un voit, comme une vie dans la grâce, en dépendance du Seigneur, est une vraie vie. On remercie, et on trouve toujours plus d’occasion pour rendre grâce au Seigneur.

Pédagogie – ne pas faire le mal – mais faire le bien – briser les tentations contre le Christ – et rendre grâce pour le bien qu’on peut faire !

 

2.3 Prol 36-39

Le 3. texte : L’unique fois que recourt le verbe « vivre » dans le Prologue, est le paragraphe qui suit la deuxième explication du Ps, dans les versets 36-39 : exhortation à faire ce qu’on a écouté – appel à la conversion ! De nouveau Dieu est peint dans sa bonté et patience. Et nos règles citent le verset de Ezéchiel : « Je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive ! » Dieu veut que nous vivions, certes c’est la vraie vie ! Et si nous péchons, sommes des pécheurs, il faut de nouveau et de nouveau la conversion, faire demi-tour et retourner vers la source de la vie. Déjà au commencement du Prologue SB avait parlé de retourner à LUI par l’obéissance.

On se souvient du verset « Suscipe » - la fin est : « et vivam », et je vivrai. Profession – conversion – nouvelle vie… Vie plus cristocentrique. Et on se rappelle les paroles du Christ : « Je suis venue afin qu’ils aient la vie, et la vie en plénitude » (Jn 10,10). Dtn 30,15 ss dit : « Voici je te propose aujourd’hui vie et bonheur, mort et malheur. 16 Si tu écoutes les commandements de Yahvé, ton Dieu… et que tu aimes Yahvé ton Dieu, que tu marches dans ses voies… tu vivras. » - Ici il devient clair, que la vraie vie va de pair avec l’amour. Vivre en plénitude c’est se savoir aimé et d’aimer de notre tour.

 

3. Le Prologue entier

Tout le Prologue fait partie des introductions du Maître qui montre plus clairement que tout cela provient des catéchèses baptismales. Il s’agit d’être rené de nouveau. L’être nouveau se reconnaît à la conduite de vie. Comme cela l’accent est sur ce qu’on doit faire. On écoute, on répond, obéit, court. Mais dans la Prologue de SB il devient clair aussi, que le Seigneur toujours de nouveau commence avec nous. Il adresse la parole à nous, il a mis les biens en nous. On parle de la patience et de la bonté du Seigneur. C’est certain que dans les premières phases de la vie spirituelle, on aide la personne à avoir la base ferme et immuable dans la bonté du Seigneur. Le Seigneur nous cherche, nous appelle, nous aime au plus profond de nous-mêmes. Et nous répondons : C’est moi, « ego », et je veux la vie. Donc un choix lucide. C’est là déjà un bonheur indicible. Première base pour aller de l’avant. On laisse approfondir ses propres désirs, c. a. dire qu’on doit être conscient et accepter les désirs, qui ne sont pas encore tout- à - fait parfaits. Qu’est ce que je veux ?

On ne se contentera pas des choses matérielles, d’une sécurité, d’un abri, non, on veut plus – chacun le décrit de sa propre manière – être réalisé, une vie réalisée, aimer, être aimé, servir le Royaume, être uni à Dieu … pour SB tout cela se concentre sur la personne du Christ. – Avec lui on désirera aussi la vie éternelle, perpétuelle – mais pas seulement dans l’au-delà.

Retournons à la RB. Le Seigneur promet la vie, la vraie vie. Il ne dit pas qu’on y arrive, quand on fait souffrir les autres, mais quand on s’efforce de vivre la vie monastique ; on faillit, on essaye de nouveau – on pratique la charité, on s’efforce de faire le bien, de dire la vérité, cœur et langue. Après les efforts, après les échecs, on réalise, que ce n’est pas moi qui peux le faire – une crise – j’ouvre les mains : Tu, tu le fais, la grâce. C’est le progrès que montre le passage du Prol 23-35. « operantem in se Dominum magnificant » (Prol 30). Alors la joie, que le Seigneur œuvre en moi ! Les crises sont nécessaires dans la vie spirituelle. Ils nous forcent à mettre notre confiance dans le Seigneur, à bâtir notre maison sur le roc (le Christ – Prol 35).

 

 

Donc, si vous voulez bonheur et vie à cinq niveaux :

- Superficiel – matériel – corporel (jours heureux)

- Vraie vie – une vie bonne, vie de conversion,

- Vie pleine, spirituelle – remerciant le Seigneur qui opère en nous, vie christocentrique, vie d’amour,

- Vraie vie – expérience du Dieu présent, du Christ qui est là,

- Vie perpétuelle vers laquelle nous allons.

Comme pédagogie nous voyons jusqu’à maintenant : accueillir l’invitation du Seigneur, répondre personnellement, et laisser que LUI creuse, approfondisse les désirs et espoirs, avoir confiance que LUI veut notre bonheur et notre vie.