SAINTE GERTRUDE : APÔTRE DES BIENFAITS DE LA COMMUNION EUCHARISTIQUE
Le tact de la préparation
appelle le contact de la communion. A ce moment-là, le corps à corps des signes
atteint son but. Les corps qui se sont préparés à l'union la consomment dans
l'incorporation[1]. Par un
geste liturgique qui conduit le Christ jusqu'au bout de lui-même, il
"sauve sa face"[2]
en s'incorporant l'Église. Allant jusqu'au bout de la "ligne
d'action" que lui prescrit la divina
pietas, il "sauve la face" de Dieu en sauvant celle de l'homme.
Quand les "corps ritualisés" de l'Époux et de l'Épouse s'unissent à
la table de communion, le rite d'interaction eucharistique trouve son parfait
accomplissement.
Quels sont les fruits de cette
union sacramentelle que chante le Héraut
de l'amour divin ? Pour en rendre compte, nous nous tiendrons, cette fois
encore, le plus près possible de l'écrit lui-même, en le considérant d'abord au
niveau du paradigme intérieur constitué par la relation Jésus-Christ/Gertrude
d'Helfta. Ensuite, nous tenterons de les mettre en lumière au-delà des acteurs
immédiatement concernés, en cherchant à savoir qui est touché par le geste de
Gertrude communiant au Corps et au Sang du Christ. Nous sommes ainsi conduits à
distinguer deux effets de la communion eucharistique : l'un de nature
"salutaire et eschatologique" qui déploie et précise les motifs
d'encouragement à la communion dont nous avons parlé précédemment ; l'autre, de
nature "ecclésiale", où le rôle du sacrement, compris au sens
bonaventurien de sacramentum unionis est
d’“unir davantage (au Christ et à ses membres) ceux qui lui sont déjà unis”[3].
Le premier effet correspond en partie à ce que saint Thomas d'Aquin appelle la res significata et contenta, le second
en partie à ce qu'il appelle la res
significata et non contenta[4].
A
- L'EFFET SALUTAIRE ET ESCHATOLOGIQUE
DE LA COMMUNION AU
VIVIFICUM SACRAMENTUM
De toutes les qualifications
que le Héraut donne au sacramentum, c'est vivificum qui emporte sa faveur[5].
Il est difficile de savoir si Gertrude la reçoit de la tradition ou si
elle-même en est la source. Le mot ne se rencontre pratiquement pas chez saint
Thomas. Il y a cependant, dans le traité de l'Eucharistie de la Somme théologique, une référence à saint
Cyrille où apparaît une forme très voisine : vivificativum, et c'est précisément pour considérer l'effet du
sacrement à partir de ce qu'il contient (res
significata et contenta) : "Le Verbe de Dieu vivifiant (Vivificativum Dei Verbum), s'unissant à
sa propre chair, la rend à son tour vivifiante (vivificativam). Il convenait donc qu'il s'unisse d'une certaine
façon à nos corps par sa chair sacrée et son sang précieux, que nous recevons
pour une bénédiction vivifiante (vivificativam),
dans le pain et le vin"[6].
C'est très exactement dans ce sens qu'il faut comprendre le vivificum sacramentum dans le Héraut. En le recevant, Gertrude vit et
revit de la vertu humano-divine de Jésus-Christ (a virtute humanitatis simul et divinitatis, L3,18,6,6-7),
"comme la plante desséchée refleurit sous l'ondée d'une pluie
bienfaisante" (L4,39,3,14-15).
Vivificum sacramentum, sacrement qui fait vivre, l'Eucharistie, affirme
saint Thomas, a des effets analogues à ceux que "la nourriture et la
boisson matérielle produisent à l'égard de la vie matérielle - sustenter,
accroître, réparer et délecter - tout cela, ce sacrement le fait à l'égard de
la vie spirituelle"[7].
Sans démentir cette affirmation, le Dossier Eucharistique[8]
du Héraut révèle que, dans le cas de Gertrude,
le "délecter" dépasse de très loin les autres bienfaits de la
réfection. L'aspect réparateur de l'Eucharistie, comprise comme
sacrement-remède aux péchés et aux négligences, est, au contraire, presque
absent du Héraut. Il affleure
seulement trois fois au moment de la consécration (L3,14,4; L4,39,1; L4,40), et
deux fois au moment de la communion (L4,23,2; L4,28). Est-ce parce que, dans la
pensée de Gertrude, la purification des péchés et des négligences trouve
davantage son lieu dans la "préparation" et en particulier dans le
"bain de la confession" qui, même si le Héraut n'y fait que de rares allusions, était certainement
coutumier aux moniales d'Helfta les jours où elles devaient communier (L3,14,4)
? La présentation du septénaire sacramentel en L3,60 semble confirmer cette
manière de voir, dans la mesure où l'aspect médicinal des sacrements n'y figure
pas, sauf pour la confession qui délie du péché. Cela donne une vision
sacramentelle plus axée sur la fin déjà donnée que sur les moyens d'y parvenir.
Cela explique aussi la forme apocalyptique, eschatologique,
"surréaliste", du langage de Gertrude, qui visionne l'avenir dans le
présent de la liturgie. Cela, enfin, n'est pas sans incidences sur le
rayonnement de la vie sacramentelle jusque dans le corps (L3,12,2,5-9;
L3,50,1,10-11; L4,55,6)[9],
évitant ainsi une dichotomie indue entre la dimension proprement spirituelle de
l'homme et sa dimension charnelle.
Vingt-six séquences du
Dossier Eucharistique présentent la communion sacramentelle comme une
expérience qui apporte plaisir et jouissance. C'est une illustration
impressionnante de ce que Gertrude affirme dès le deuxième chapitre de son
Mémorial : "Je ne me rappelle pas avoir joui (fruitionem) de ces faveurs (d'union et de douceur) en dehors des
jours où vous m'appeliez aux délices de votre table royale"
(L2,2,2,20-22). Aussitôt après le récit de la conversion (L2,1), le lecteur est
ainsi emporté au banquet eucharistique, lieu privilégié de la pietas en acte de révélation. Au point
de départ du Héraut, on trouve donc
la communion sacramentelle considérée sous l'angle de la "fruition".
Gertrude ne reviendra pas en arrière. Jusqu'aux derniers chapitres du Livre 5,
la table eucharistique exerce sur elle un attrait qui ne se dément pas.
Fruition de scène, les jours de communion, et fruition de coulisses, les jours
d'abstention, lui sont accordées gratuitement pour renouveler en elle les
délicieuses joies de l'union à Dieu.
Il y a plus, et c'est là que
le discours théologique d'une sainte Gertrude s'écarte à nouveau de celui d'un
saint Thomas. Tant que la "fruition" est considérée comme un effet
possible de la communion dans l'homme, le Héraut
reste proche de la Somme. Il n'en va
plus de même quand il considère l'effet de la communion en Jésus-Christ lui-même.
S'éloignant de la Somme, il se
rapproche alors de la Révélation proprement dite, spécialement de son aspect
"esthétique"[10].
Que sert à l'homme, en effet, d'être affecté par Dieu si Dieu lui-même n'est
pas affecté par l'homme ? Si Dieu est indifférent à la scène de l'humanité,
pourquoi s'y est-il présenté ? Pourquoi avoir pris chair? Pourquoi avoir choisi
de demeurer en scène sous forme sacramentelle, plutôt que d'enjoindre à l'homme
de partir à sa recherche, désormais hors du monde et hors du corps, dans les
coulisses de l'absence ? A toutes ces questions existentielles, le Héraut ne répond pas autrement que la
Révélation elle-même : la joie de Dieu est de prendre ses délices avec les fils
des hommes (Pv 8,31 cité en L3,18,11,12-13 et L3,77,1,8-9). L'intelligence
spéculative ne peut se satisfaire de cette réponse qu'en devenant intelligence
contemplative. Renonçant aux explications de la sagesse des hommes, le lecteur
du Héraut est appelé à connaître,
comme Gertrude elle-même, les saintes folies de la pietas Dei dont voici quelques exemples :
a) L 3,18,17 :
Un jour de communion
sacramentelle, le Seigneur déclare à Gertrude:
"Sache
que je te désirais de tout mon coeur'. Elle dit alors : 'Quelle gloire
délectable (delectatur), Seigneur,
votre divinité peut-elle retirer de ce que, sous mes dents indignes, je broie
vos sacrements immaculés ?' Le Seigneur répondit : 'L'amour que ressent le
coeur lui fait trouver douces les paroles de l'aimé; de même, à cause de mon
propre amour, j'éprouve une joie (delector)
là même où parfois le goût de mes saints est peu sensible".
On aura remarqué le
vocabulaire du désir et de la delectatio,
joint à un sensualisme sacramentel, lointain contrecoup de l'hérésie
bérengarienne. Faut-il pour autant verser le tout au compte des
anthropomorphismes ? Le désir exprimé ici n'est-il pas du même ordre que celui
de Jésus déclarant à ses disciples : "J'ai désiré d'un grand désir manger
cette Pâque avec vous avant de souffrir" (Lc 22,15) ? Et la delectatio du même ordre que celle de la
Sagesse prenant ses délices avec les fils des hommes ? Dans un cas comme dans
l'autre, c'est Dieu lui-même qui est affecté et qui choisit de l'être. Pour sa
gloire et pour sa joie, il a fait l'homme désirable et délectable jusqu'à se
vouloir en état de trépas sacramentel au-dedans de lui.
b) L 3,50,2 :
Le titre du chapitre est ici
très significatif : "De la délectation des sens du Seigneur dans
l'âme" (De delectatione sensuum
Domini in anima). Il rapporte un dialogue entre Gertrude et le Seigneur, un
jour de communion sacramentelle :
"...ô
amour tout bienveillant (dit Gertrude), que pouvez-vous trouver en moi, rebut
de toutes les créatures, en quoi, de quelque manière, vous complaire (delecteris) ?' Le Seigneur répondit :
'Mon regard divin se délecte d'une manière incomparable (inaestimabili modo delectatur) à te contempler, car je t'ai créée
avec des dons de grâces abondants et variés qui te rendent à mes yeux d'une
beauté parfaite. Mon oreille est touchée (afficitur)
comme par le son des plus doux instruments de musique par toutes les paroles
que m'adressent tendrement tes lèvres, soit en priant pour les pécheurs et pour
les âmes du purgatoire, soit en corrigeant et instruisant les autres, soit en
toute autre occasion où tu prononces une parole quelconque à ma louange. Même
si personne n'en retire aucun avantage ultérieurement, ta volonté droite et ton
intention tournée vers moi donnent cependant à tes paroles d'être mélodieuses à
mes oreilles et d'émouvoir l'intime profondeur de mon Coeur divin. Ton
espérance, aussi, exhalée sans cesse vers moi est un parfum très délicieusement
suave (suavissimi odoris delectamentum)
que respire mon odorat. Tous tes soupirs et tes désirs sont plus doux à mon
goût (dulciter sapiunt) – oui ! - que
tous les aromates. Ton amour, enfin, me donne la joie de la plus tendre
étreinte (delectamentum suavissimi
amplexus)".
Est-il meilleure manière de
rendre hommage à la créature que de montrer le Créateur en contemplation devant
elle ? Et qui plus est, une contemplation par mode d'application des sens. Le
Christ Seigneur n'a rien perdu de la sensibilité du Jésus de Nazareth. Il l'a,
au contraire, rendue parfaite en la marquant de sa Pâque. Paraphrasant une
"pensée" de Pascal, on pourrait dire que, dans l'Eucharistie,
sacrement pascal, le Christ rend l'homme à jamais sensible au Coeur de Dieu, et
Dieu à jamais sensible au coeur de l'homme[11].
Fruition de l'homme et délectation de Dieu, en lui, ne font qu'un.
c) L 4,36 :
Le jour de l'Ascension,
tandis que Gertrude s'efforce de "diriger toute son attention sur les
moyens de prodiguer sa tendresse au Seigneur à l'heure de son Ascension,
c'est-à-dire vers l'heure de None, et ceci, de la façon la plus affectueuse
possible", le Seigneur lui dit :
"Toute la tendresse que tu me réserves à l'heure de ma glorieuse Ascension, donne-m'en, dès maintenant, l'entier témoignage, car l'allégresse la plus joyeuse de mon Ascension est renouvelée lorsque je viens à toi dans le sacrement de l'autel pour te donner la vie" (L4,36,1,5-9).
Une note des Sources Chrétiennes commente ainsi ce
passage: "l'Eucharistie renouvelle en son entier le mystère pascal. Le
Seigneur revit, pour ainsi dire, les joies de son Ascension dans la rencontre
sacramentelle"[12].
D'autres pages du Héraut, déjà citées, viennent s'ajouter
à celles-ci pour attester la delectatio
du Seigneur dans la communion sacramentelle : le parabole du fils du roi en
L3,77, et celle de l'Époux avide d'étreintes et de baisers en L5,28,2, sont
parmi les plus expressives. On aura intérêt à s'y reporter.
2
- STRUCTURATION EUCHARISTIQUE DU SENSIBLE
L'orientation eucharistique
du Héraut, autant que son système
langagier, nous conduisent maintenant à interroger la mystique de Gertrude dans
son espace de sensibilité. D'autres l'ont fait avant nous. Pierre Doyère, en
particulier, a montré comment "la vie spirituelle et mystique de sainte
Gertrude, ...essentiellement christologique,...et vécue dans une perspective
d'Incarnation, ... invite les théologiens à s'engager dans la recherche d'une
explication des sens spirituels quelque peu différente de la distinction
origéniste atteignant la structure de l'âme. Elle suggère comme une sorte
d'osmose harmonieuse entre l'activité des sens corporels et la connaissance de
l'invisible dans l'unité définitive du composé humain, ce qui permettrait de
fonder sur la diversité des sens corporels eux-mêmes une diversité dans la
'sensation du divin', telle que la conçoit proprement la doctrine des sens
spirituels"[13].
Sans vouloir nous engager
dans cette recherche, nous voudrions, compte tenu de la réflexion qui a été
menée jusqu'ici, attirer l'attention sur ce qu'on pourrait appeler la
structuration eucharistique du sensible dans le Héraut. Nos conférences précédentes nous ont mis sur ce chemin. Il
ne fait pas de doute que la sensibilité de Gertrude, comme celle du Seigneur,
n'est pleinement satisfaite que les jours de communion sacramentelle. Ceci veut
dire que, pour une sainte Gertrude, chacun des sens trouve sa nourriture dans
l'Eucharistie, mais selon un ordre qui épouse le déroulement même de la
célébration. Tous les sens sont appelés à s'émouvoir (commovere) en présence du Mystère, mais la porte ne s'ouvre pas au
même instant pour chacun d'eux. Ils n'entrent pas tous en scène simultanément.
C'est là qu'il faut rappeler une "leçon" que la sainte reçut du
Seigneur, un jour de communion :
"Une autre fois que, pendant la distribution du sacrement, elle désirait vivement voir l'hostie et qu'elle en était empêchée en raison du grand nombre de communiants, elle comprit que le Seigneur tendrement l'appelait et lui disait: 'Il s'échange entre nous une douceur secrète telle que ne peuvent la connaître ceux qui se tiennent loin de moi. Mais toi, pour avoir la joie de la connaître, approche et éprouve, non par la vue, mais par le goût (non videndo sed gustando), la qualité de cette manne cachée" (L3,18,18).
La "leçon" de
cette séquence laisse entendre que la secrète douceur (suave secretum) de l'Eucharistie s'adresse au goût plus qu'à la vue
(non videndo sed gustando). Pierre
Doyère ne semble pas avoir pressenti cette "ligne d'action" de la pietas sacramentelle qui, sans faire
l'objet d'un exposé systématique, traverse en pointillé tout le Héraut. En remarquant que "le
toucher est pour la mystique des noces le sens primordial", il s'était
cependant mis sur le chemin qui permet de considérer le goût comme le toucher
intérieur par excellence. La "manne cachée" ne se touche pas, elle se
goûte. Dans la mastication des images (L2,24,1,15), comme dans la mastication
du sacrement (L3,18,18), elle ne partage sa secrète douceur (suave secretum) qu'à celui qui sait la
goûter.
Si cette leçon sensorielle
est, comme nous le croyons, coextensive à tout le Héraut, on retrouverait dans l'expérience eucharistique de sainte
Gertrude, qui n'est autre que l'expérience eucharistique de l'Église elle-même,
le raccourci symbolique de toute l'expérience apostolique. On peut dire, en
effet, que le ministère public de Jésus auprès de ses disciples s'est d'abord
adressé à leurs yeux et à leurs oreilles avant de s'adresser à leurs mains et à
leur bouche. Avant d'entendre : "Prenez et mangez: ceci est mon
corps", les disciples ont entendu : "Venez et voyez". Dans la
pédagogie chrétienne, comme dans la mystagogie eucharistique, le voir et
l'entendre précèdent le toucher et le manger. La Parole qui se donne à entendre
(liturgie de la Parole), puis à voir dans le sacramentum d'Alliance (élévation), ne se laisse prendre et goûter
par l'Ecclesia, comme vivificum sacramentum, qu'au moment de
la communion. Pour le dire autrement: il faut être fidèle au
"suis-moi" de la première heure, celui des exteriora (l'oreille, l'oeil), comme l'ont été les disciples qui
ont tout quitté et suivi Jésus, pour accéder au "suis-moi" de la
dernière heure, celui des interiora
où l'obéissance des disciples va jusqu'à prendre le corps et l'introduire enfin
là où le Maître veut établir sa demeure : au-dedans de l'homme, par l'acte de
la manducation eucharistique. Le large embrassement de la vision doit passer
par l'étreinte resserrée de la manducation pour que l'homme puisse voir Dieu
comme Dieu veut être vu. Expérience apostolique et expérience eucharistique se
rejoignent ici dans l'expérience de tout amour, telle que Jésus ose encore s'en
ouvrir à Gertrude :
"D'être plus proches l'un de l'autre fait parfois que les amis se voient moins bien, par exemple, s'ils sont unis l'un à l'autre comme il est d'usage pour l'embrassement et le baiser : à ce moment-là, ils sont privés de la joie de se voir" (L1,17,1,4-8).
Nous commentons ainsi ce qui
vient d'être cité : plus l'amour unit, plus il rapproche les amants; moins ils
se voient, plus ils se goûtent. La logique de cette pédagogie sensorielle,
apostolique et non sans rapport à la mystagogie, qui trouve son apogée dans la
communion eucharistique, débouche sur une mise en disponibilité de l'homme pour
Dieu, à la manière de Marie. C'est la visée ultime de la pietas Dei : faire de l'Ecclesia tout entière, et en chacun de
ses membres, le Temple où Dieu vient prendre sa joie.
3
- COMME L'OR A TRAVERS
LE CRISTAL
Si le lecteur du Héraut ne relâche pas son attention,
s'il entre de bon gré dans le jeu des images de la pietas Dei, il comprend que tout le dynamisme de la célébration
eucharistique ici prêchée cherche et parvient à donner à l'homme sa véritable
figure : Marie, celle qui, dans sa chair, consent au Verbe de Dieu, jusqu'à lui
donner chair, pour qu'en lui le monde soit sauvé et chante la gloire de Dieu.
Il y a une continuité parfaite entre le mystère de Marie accueillant en sa
chair le Verbe de Dieu et le mystère de l'Église communiant au sacrement du
Verbe fait chair. L'une comme l'autre s'ouvrent sans réserve au débordement de
la pietas qui "sauve la
face" de Dieu dans la chair du monde. L'"Amen" de l'Église au
moment de la communion est l'écho fidèle du "Fiat" de Marie, le jour
de l'Annonciation. Le Verbe qui, par la puissance de l'Esprit Saint, a envahi
le corps de l'Immaculée, est le même qui, dans le sacrement de sa chair et de
son sang, s'incorpore l'Église des baptisés. Il se veut désormais au coeur du
monde, comme il s'est voulu à jamais au coeur de Marie.
Cette intronisation royale
du Fils de Dieu, dont Marie demeure la figure parfaite, Gertrude la vit dans
son coeur au moment de la communion. Ce n'est pas un hasard si le Héraut use de la même image pour
présenter le radieux éclat du Fils Unique du Père trouvant ses délices dans le
coeur immaculé de la Vierge sa Mère (L4,3,4), et le splendide rayonnement de
Jésus-Christ dans le coeur et l'âme de sa bien-aimée Gertrude, au moment de la
communion (L3,18,6,7-9; L3,37, 1,31ss). La vierge d'Helfta et celle de Nazareth
sont l'une et l'autre le très pur cristal qui enclôt l'or, symbole du Fils de
Dieu, et d'où peuvent se déverser, par des "opérations merveilleuses et
délectables au-delà de tout ce qui se peut penser" (L3,37,1,35-36), les
délicieuses joies qui abreuvent l'adorable Trinité et tous les saints
(L3,18,6,9-11; L3,37,1,36-40). Il n'est pas jusqu'au Corps Mystique tout entier
qui ne soit associé au partage des fruits de ce festin de joie (L3,18,6,11-25).
La moniale, au coeur eucharistié, est ici au sommet de sa mission. Entre elle
et Marie, il y a plus qu'une ressemblance par imitation. Il y a une
ressemblance par actuation. L'une et l'autre sont eucharistiées par l'invasion
du même Mystère. L'Ecclesia tout
entière, figurée en Marie, reçoit une nouvelle figure en Gertrude, comme l'en
assure le Seigneur lui-même, un jour de communion :
Je te donne "tout moi-même, avec l'entière vertu de ma divinité, comme au jour où m'engendra la Vierge, ma mère" (L3,36, 1,2-4).
Déjà le Seigneur avait fait
savoir à une personne de son entourage :
"Nulle
part tu ne pourras me trouver plus affectueusement sur terre que dans le
sacrement de l'autel et, pareillement, dans le coeur et l'âme de cette
mienne-aimée sur qui s'est portée, d'une manière admirable, toute la
délectation (totum delectamentum) de
mon divin Coeur" (L1,3,3,30-33).
Jésus sait, en effet, qu'il peut
disposer à son gré de ce coeur, à la fois marial et ecclésial, comme d'un vase
qu'il peut remplir et vider à quelque moment que ce soit et au profit de qui
lui plaît (L3,30,2,10ss). La sainte le lui a offert "en toute libre
volonté" (L3,30,2,3), le jour où il lui dit :
"Bien-aimée,
donne-moi ton coeur.' L'ayant fait avec plaisir, il lui sembla que le Seigneur
l'adaptait à son propre Coeur divin en manière de chalumeau (in similitudine canalis), atteignant
ainsi la terre et par lequel il répandait abondamment les flots de sa bonté
sans mesure (per quod emissiones suae
incontinentis pietatis large diffundebat), en disant : 'Voici que,
désormais, je me plais (delector) à
me servir toujours de ton coeur comme d'un chalumeau (canali) par lequel je prodiguerai à tous ceux qui s'appliqueront à
recevoir l'émission de ce jet, en s'adressant à toi avec humilité et confiance,
l'abondance des grâces jaillissant de mon Coeur plein de douceur" (larga fluenta de torrente mellifui Cordis
mei profundam), (L3,66,1)[14].
Il y aurait beaucoup à dire
sur cette page. Retenons, pour la suite de notre propos, le riche vocabulaire
de la liquidité. Nous savons déjà que le Héraut
y puise les métaphores fondamentales de la divina
pietas en acte de révélation. C'est par le jeu de ces images qu'il nous
entraîne maintenant à considérer l'effet ecclésial de la communion au vivificum
sacramentum.
AU VIVIFICUM SACRAMENTUM
La notion bonaventurienne de
sacramentum unionis, bien qu'elle ne
figure pas dans le Héraut, est
certainement plus proche du vivificum
sacramentum de Gertrude que ne l'est l'expression augustinienne de sacramentum unitatis[15].
Pour elle, comme pour Bonaventure, l'union aux membres du Christ est fonction
de l'union au Christ lui-même. Plusieurs paraboles du Héraut plaident en ce sens. Nous présenterons celles qui nous
semblent les plus caractéristiques.
1
- L'ARBRE DE LA TRINITÉ (L 3,18,5-6) :
Cette longue séquence a
l'avantage de présenter, sous forme parabolique, l'ensemble d'une célébration
eucharistique vécue par Gertrude, un jour où elle communie. On peut distinguer:
. une liturgie de la parole
(§5, lignes 1-11) : sur la base de 1 Sm 18,18, Gertrude se compare à une petite
plante, toute proche du Divin Coeur.
. une liturgie pénitentielle
(§5, lignes 11-19) : par suite de ses négligences, la petite plante est
devenue"semblable à un pauvre charbon éteint". Gertrude prie alors
Jésus de la présenter à "la réconciliation de Dieu le Père". Il la
baigne dans l'eau et le sang de son Coeur. La plante reprend vie et devient
"un arbre vigoureux dont les branches se (séparent) en trois directions à
la manière d'un lys".
. une liturgie d'offrande
(§5, lignes 19-27) : le Fils de Dieu offre cet arbre à la Sainte Trinité, qui
lui donne de porter les fruits de la toute-puissance, de la sagesse, et de la
bonté divine.
une liturgie de communion
(§6, lignes 1-9) dont voici le texte :
"...après qu'elle eut reçu le Corps du Christ et que son âme lui fut apparue, comme il est dit plus haut, sous l'image d'un arbre fixant ses racines dans la plaie du côté de Jésus-Christ, elle sentit d'une manière merveilleuse et nouvelle monter de cette plaie comme d'une racine et la pénétrer tout à la fois dans chaque branche, chaque fruit, chaque feuille, la vertu de l'humanité ensemble et de la divinité, de sorte qu'ainsi l'oeuvre de toute la vie du Seigneur prenait plus d'éclat, comme l'or brille à travers le cristal."
. une liturgie de communion
universelle (§6, lignes 9-25) dont le texte fait immédiatement suite au
précédent :
"Ce dont non seulement la sainte Trinité, mais aussi tous les saints éprouvèrent un sentiment de joie merveilleuse. Par respect, tous se levant et comme fléchissant le genou, offrirent leurs mérites représentés par des couronnes qu'ils suspendirent aux branches de l'arbre en question, à la louange et à la gloire de Celui dont l'éclat, à travers elle, daignait les satisfaire d'un renouveau de joie. Quant à elle, elle pria le Seigneur d'accorder à toutes les âmes au ciel et sur la terre et même au purgatoire - car tous auraient eu droit à bénéficier du fruit de ses oeuvres si elle n'avait apporté à celles-ci tant de négligence - le profit au moins de fruits reçus de la divine gratuité; sur quoi, chacune des oeuvres que représentait le fruit de l'arbre commença à distiller un jus très bienfaisant dont une partie se répandant sur les bienheureux, augmenta leur joie, une partie se répandant au purgatoire adoucit la peine des âmes, une autre partie enfin se répandant sur la terre accrut dans les justes la douceur de la grâce et dans les pécheurs l'amertume de la pénitence."
L'histoire de cette petite
plante, devenue un grand arbre, est intéressante à plus d'un titre :
. En retraçant l'histoire
eucharistique de Gertrude d'Helfta, elle retrace l'histoire d'une femme qui ne
se regarde et ne se comprend qu'en Eglise (in
persona ecclesiae, L4,16,6). Cette petite plante est autant, et plus,
l’Eglise que Gertrude.
. Outre l'image de l'or brillant
à travers le cristal, le rapport à Marie, figure eschatologique de l'Église,
est souligné par la ressemblance trinitaire de cet arbre avec le
"lys" aux trois pétales qui, dans le Héraut, symbolise Marie, "lys blanc de la resplendissante et
toute calme Trinité" (L3,19,3).
. Les images de la liquidité
sont abondamment présentes : le bain régénérant dans l'eau et le sang du Coeur
de Jésus; et surtout, ce qui nous intéresse ici, l'effet ecclésial de la
communion eucharistique sous la forme d'une distillation des fruits d'où
s'écoulent une liqueur très bienfaisante (efficacissimum
liquorem desudare) qui se répartit (defluens,
trois fois repris) sur les habitants du ciel en augmentant leur joie, sur ceux
du purgatoire en adoucissant leur peine, et sur ceux de la terre en accroissant
chez les justes la douceur de la grâce, et chez les pécheurs l'amertume de la
pénitence.
2
- LES
RAMEAUX VERDOYANTS ET
FLORISSANTS (L 4,39) :
Cette séquence relate une
interaction eucharistique, un lundi de Pentecôte. Le récit commence à
l'élévation où Gertrude voit l’“hostie de salut pousser de toute part des
rameaux magnifiques. L'Esprit-Saint parut les joindre ensemble et en former une
haie autour du trône de la toujours vénérable Trinité. Ces rameaux issus de
l'hostie signifiaient, elle le comprit, que toutes ses négligences trouvaient
dans l'auguste sacrement une suppléance universelle" (L4,39,1,4-10). La
théâtralisation du récit se surpasse au moment de la communion :
"...comme elle s'avançait pour communier, tous les saints se levèrent avec joie. Leurs mérites, brillant des feux de la clarté divine, resplendirent d'un éclat merveilleux, comme resplendissent les boucliers d'or des soldats frappés d'un rayon de soleil, et, de cette splendeur, les mérites de chacun des saints projetaient sur son âme le reflet délicieux. Elle se tenait ainsi devant le Seigneur, comme en attente, sans être encore admise à l'intimité de l'union. Mais lorsqu'elle eut reçu le sacrement, son âme fut unie à son amant dans une plénitude de jouissance (plena fruitione) aussi grande qu'il est possible en cette vie. Les rameaux dont on a parlé, ceux dont l'Esprit avait entouré le trône de la bienheureuse Trinité, se mirent alors soudain à reverdir et à fleurir, comme la plante desséchée refleurit sous l'ondée d'une pluie bienfaisante. La sainte et toujours tranquille Trinité en reçut d'inestimables délices (inaestimabili modo delectata) et répandit sur tous les saints une nouvelle et délectable allégresse" (L4,39,3).
Cette parabole est une
variation de la précédente : même type de métaphore végétale et liquide. On
remarquera le lien consécration-communion, la première trouvant son
accomplissement dans la seconde, ce que signifient les rameaux qui, apparus au
moment de la consécration, reverdissent et fleurissent au moment de la
communion. On sera surtout attentif à la mise en scène ecclésiale de la
communion : déjà sensible dans les intentions qui accompagnent le chant de l'Agnus Dei (le premier chanté pour
l'Église de la terre, le second pour les défunts, le troisième pour tous les
saints, L4,39,2), elle prend son plus haut relief quand la "vedette"
s'avance pour communier. Tous les saints font alors resplendir sur elle leurs
mérites. Le moment même de la communion est comme pris sur le vif, avec le
vocabulaire de la fruitio auquel on
s'est rendu familier. Et l'effet de cette communion inonde (inundantiam pluviae salutaris) la sainte
Trinité d'inestimables délices (inaestimabili
modo delectata), et tous les saints d'une nouvelle et délectable allégresse
(novae jucunditatis delectamenta).
3
- LA
VISITE DU ROI
A LA REINE (L 3,18,24) :
Ici, l'effet ecclésial, dont
le Seigneur instruit Gertrude, est enregistré dans un contexte à la fois royal
et nuptial :
"Lorsqu'un
roi habite son palais, l'entrée n'en est pas facilement accordée à tout le
monde, mais lorsque, poussé par l'amour de la reine dont la demeure est voisine
(cum amore reginae prope habitantis
devictus), il daigne, pour lui rendre visite, sortir du palais dans sa
ville, tous les habitants et citoyens de cette ville, à cause de la Reine,
bénéficient plus facilement et plus librement de la largesse même de la
munificence royale, et sa puissance les réjouit. De même lorsque, par pure
bonté et poussé par la tendresse de mon coeur (dulcedine Cordis mei convictus), je m'incline, par le sacrement de
vie de l'autel, vers une âme qui soit sans péché mortel, tous les habitants du
ciel, de la terre et du purgatoire reçoivent un accroissement de bienfaits
insignes".
La séquence confirme les précédentes
: même distinction cosmologique (ciel, terre, purgatoire) pour mesurer
l'étendue du contact sacramentel. Les participes devictus et convictus nous
remettent en mémoire le thème de "Dieu vaincu par l'amour", dont nous
avions pressenti l'importance dans le Héraut
en étudiant l'environnement linguistique de la pietas.
4
- LE
TRÈS PRÉCIEUX ELECTRUM (L 3,10,2) :
Cette séquence a été
présentée quand nous avons traité des causes d'abstention de la communion
sacramentelle. Nous y constatons, une nouvelle fois, l'émergence des
thématiques de la liquidité et de la fruition. Le Seigneur promet à Gertrude,
si elle communie, de jouir de sa toute amoureuse douceur (amicissima dulcedine mea fruereris), et d'être "comme
liquéfiée sous l'ardeur de (sa) divinité" (ex fervore divinitatis meae liquefacta). Elle s'écoulera en lui
"à la manière dont l'or s'unit à l'argent", et c'est ce très précieux
electrum qui sera digne d'être offert
au Père, en éternelle louange, et dont tous les saints recevront "par
surcroît une toute parfaite rémunération".
D'autres séquences du Héraut montrent aussi comment Gertrude
se plaît à particulariser certaines communions pour tel ou tel saint, telle ou
telle catégorie de saints, dont elle a revêtu les mérites. C'est le cas, par
exemple, pour Marie, le jour de son Assomption (L4,48,21), pour l'apôtre
Jacques (L4,47,2), pour les saints Anges (L4,53,1). Dans chacun de ces cas,
Gertrude offre au Seigneur le vivificum
sacramentum en louange éternelle et pour l'accroissement de la joie, de la
gloire, et de la béatitude du saint (ou des saints) dont on célèbre la fête. La
formule latine est approximativement celle-ci : in laudem aeternam et in augmentum gaudii et gloriae et beatitudinis
(ipsorum). Quelquefois, cet augmentum
vise les "mérites" des saints eux-mêmes, si bien qu'un jour, en la
fête des apôtres Pierre et Paul, surprise de voir que sa communion avait ajouté
quelque chose aux mérites (de virtute
communionis videbatur meritum sanctorum augmentari, L4,44,2,5-7)[16]
de ces grands princes, elle se laissa instruire par cette parabole :
"C'est pour la reine un honneur bien suffisant que d'être unie au roi, et pourtant elle reçoit encore beaucoup de fierté et de joie en la fête des noces de sa fille. C'est ainsi que tous les saints participent au bonheur de l'âme qui reçoit avec dévotion le sacrement de l'autel" (L4,44,2,10-14).
L'ecclésialité des
communions de Gertrude ne se limite pas aux habitants du ciel. Elle s'étend à
ceux de la terre et du purgatoire, comme l'attestent les trois premières
paraboles que nous avons présentées. Ailleurs, à plusieurs reprises, Jésus
lui-même en donne l'assurance à sa bien-aimée. Ainsi, en L3,18,4, tandis
qu'elle se rend à la communion "avec le grand désir d'être convenablement
préparée par le Seigneur, ... (il lui adresse) ces paroles consolantes" :
"Voici qu'en toi, je suis revêtu de telle sorte que je puis étendre ma main divine sans la blesser vers les pécheurs épineux pour leur faire du bien; et je te revêts de moi-même de telle sorte que tous ceux que ton souvenir remet en ma présence, bien plus tous ceux qui sont de la même nature que toi sont entraînés dans la même dignité qui rend possibles les bienfaits de ma royale munificence".
L'écho de ces paroles se
retrouve en L3,18,25 et 26 : unie au "sublime abaissement qui conduisit le
Fils (de Dieu) aux limbes pour les dépeupler, ... elle se vit comme plongée
dans l'abîme du Purgatoire. Et s'y enfonçant le plus qu'elle pouvait, elle
entendit le Seigneur lui dire : 'Dans la réception du sacrement, je t'attirerai
à moi d'une manière telle que tu entraîneras dans le même mouvement toutes les
âmes qu'atteindra ton désir, comme le parfum précieux de tes vêtements".
La suite de la séquence confond les plus généreux calculs de la sainte et nous
ramène devant l'abîme incommensurable de la divine tendresse :
"...comme, en communiant, elle exprimait le désir que le Seigneur lui accordât la délivrance du Purgatoire d'autant d'âmes que de parcelles d'hostie se fractionnant dans sa bouche et comme, dans cette intention, elle s'efforçait de multiplier ces parcelles, le Seigneur lui dit : 'Pour que tu comprennes que mes grâces sont d'un ordre supérieur à celui de ma création, et parce que personne ne peut épuiser l'abîme de ma tendresse, je suis prêt à t'accorder par le mérite de ce sacrement de vie un nombre beaucoup plus grand que celui que ta prière imagine".
[1] . Le mot incorporatio se trouve dans les Exercices spirituels de sainte Gertrude : SC 127, p. 72, 1. 190.
[2] . Nous reprenons ici certaines expressions du vocabulaire sociologique d’ Erving GOFFMAN qui ont été présentées dans des conférences antérieures.
[4] . Saint THOMAS D’AQUIN, Somme théologique, 3a Pars, q. 80, a. 4, c.
[5] . Cf. Olivier QUENARDEL, La Communion Eucharistique dans le Héraut de l’Amour Divin de sainte Gertrude d’Helfta, Brepols 1997, pp. 107-113.
[7] . Saint THOMAS D’AQUIN, op. cit., 3a Pars, q. 79, a. 1, c.
[8] . Cf. Olivier QUENARDEL, op. cit, pp. 167-203.
[9] . Sur la forme apocalyptique, eschatologique, et surréaliste du langage de sainte Gertrude, et sur la place de la corporéité dans son œuvre, cf. Maria-Teresa PORCILE, Liturgie CFC, 1990/4, pp. 220-255.
[10] . Nous prenons le mot dans le sens que lui donne H.-U. VON BALTHASAR, lorsqu’il commente la Préface de la Nativité. Cf. La gloire et la croix, T 1, Paris, Aubier 1965, p. 99.
[11] . « C’est le cœur qui sent Dieu et non la raison. Voilà ce que c’est que la foi. Dieu sensible au cœur, non à la raison. » Blaise PASCAL, « Pensée 424 », dans Pensées, Paris, Seuil 1962, p. 192.
[12] . SC 255, p. 303, n. 1.
[13] . Pierre DOYERE, « Sainte Gertrude et les sens spirituels », Revue d’ascétique et mystique 36, 1960, pp. 445-446.
[14] . Le rapprochement s’impose entre cette page du Héraut où le Seigneur déclare user du cœur de Gertrude comme d’un « canal » pour répandre sur la terre les flots de sa bonté sans mesure, et le sermon de saint Bernard pour la Nativité de la Vierge où il compare Marie à un aqueduc qui déverse sur le genre humain toutes les eaux de la grâce divine. Cf. Sancti BERNARDI OPERA, Sermones II, Romae, Editiones Cistercienses 1968, pp. 275-288.
[15] . P.-M. GY (op.cit., p. 259) pense que la notion bonaventurienne de sacramentum unionis déplace le contenu de l’expression augustinienne de sacramentum unitatis « dans un sens apparemment plus dionysien et un renforcement de l’aspect d’union au Christ ».
[16] . On lit dans SC 255, p. 323, n. 2 : « Pour sainte Gertrude, comme d’ailleurs pour le latin classique, le mot meritum a un sens beaucoup plus large que notre français ‘mérite’. Il signifie à la fois, et un mérite (un droit, un titre), et ce qu’on a fait pour mériter (service rendu, par exemple), et la conséquence de ce mérite, c’est-à-dire récompense ou châtiment. On trouverait dans le Héraut des exemples de ces diverses acceptions ».