La
prière selon la tradition cistercienne
(Conférence
prononcée à Liège, le 24 novembre 2005,
dans le
cadre d’un rencontre sur les diverses formes de prière chrétienne)
Saint Paul, dans sa
Lettre aux Romains (ch. 8) dit que nous ne savons pas prier mais que l’Esprit
Saint prie en nous par des gémissements ineffables. Je crois que c’est
l’enseignement le plus profond que nous ayons sur la prière dans le Nouveau
Testament. Cette prière est la seule qui
existe dans l’économie nouvelle du salut.
Tout le reste de ce que nous appelons prière – que ce soit des mots, des
chants, des gestes corporels ou simplement des silences – ne sont qu’autant de
moyens humains que nous prenons pour faire jaillir au niveau de la conscience
cette prière de l’Esprit en nous, pour la faire nôtre, l’assumer et
l’exprimer.
Ce gémissement de
l’Esprit en nous, il faut le mettre en relation avec le récit de la création
dans la Genèse, qui nous décrit Dieu dans une vision anthropomorphique comme
formant le premier humain de la glaise et insufflant dans ses narines son
souffle de vie, son propre Esprit. Si
bien que l’être humain a été créé, selon cette révélation biblique, avec en lui
une semence de vie divine appelée à croître sans cesse, avec, par conséquence,
une capacité infinie de croître. Une
croissance qu’il ne peut recevoir que comme un don de Dieu. Envers ce don, que saint Pierre, dans sa
lettre, appelle une « participation à la vie divine » on ne peut
avoir qu’une attitude, celle du désir.
Ce désir inné au fond de nos coeurs est ce gémissement de l’Esprit en
nous, cette prière de l’Esprit en nous dont parle saint Paul.
Pour prier, nous
n’avons pas à nous mettre en présence de Dieu, car Dieu nous est toujours
présent. Et il l’est toujours
parfaitement, car Dieu est pleinement tout ce qu’il est. Il ne peut pas être plus ou moins présent à
nous. Il est toujours là, au plus intime
de notre être. C’est nous qui sommes souvent absents. Prier c’est être présent à cette
Présence.
Cela est vrai pour tout
Chrétien, et même pour tout être humain.
Je suis donc mal à l’aise lorsqu’on me demande de parler de la
« prière cistercienne ». Je
crois qu’il n’y a pas de prière « cistercienne », comme il n’y a pas
de prière « carmélitaine » ou de prière orientale ou
occidentale. Il n’y a qu’une prière,
celle de l’Esprit en nous, que nous ne pouvons que recevoir comme un don. Mais il y a, selon les états de vie, diverses
façons de nous préparer ou de nos disposer à recevoir ce don. C’est uniquement dans ce sens qu’on peut
parler de prière cistercienne ou autre.
Je suis également
allergique à des expressions comme « méthode de prière » ou
« techniques de prière ».
Aucune méthode et aucune technique ne peut produire en nous la prière ou
nous conduire à la prière. Tout ce qu’une
méthode peut faire c’est enlever en nous les obstacles à l’action de l’Esprit
Saint ou nous disposer à la réception du don gratuit de la prière. Conçue de cette façon une méthode peut
évidemment être utile, et il faut la juger à ses fruits. Si une méthode conduit quelqu’un à la pureté
du coeur, à la paix intérieure et à la simplicité d’intention qui l’ouvre au
don de la prière, alors elle est bonne, qu’elle soit d’origine chrétienne ou
qu’elle ait été développée dans une autre tradition spirituelle.
De même, je crois qu’il
est extrêmement prétentieux de la part d’un être humain de prétendre enseigner
la prière. Seul l’Esprit-Saint peut le
faire. Mais, évidement un guide spirituel peut aider une autre personne à
progresser dans la voix de la connaissance de soi qui conduit à la conversion
et à la pureté du coeur qui ouvre au don de la prière.
Si l’on veut parler
d’une approche proprement cistercienne de la prière, je dirai qu’elle ne réside
dans aucune technique ou méthode particulière, mais dans un équilibre
particulier entre tous les éléments de la vie de chaque jour. Le « mode de vie » cistercien pris
dans son ensemble, ce que selon une expression latine de la Règle de saint
Benoît, on appellerait la « conversatio »
cistercienne, est ce qui doit conduire le moine cistercien ou la moniale
cistercienne à la grâce de la prière continuelle.
J’ai bien dit
« prière continuelle », car c’est là le but de la vie du moine – comme
d’ailleurs de la vie de tout Chrétien.
En effet, si l’on recherche un précepte précis dans le Nouveau Testament
sur la prière, on n’en trouve qu’un seul.
Nulle part il n’est dit qu’il faut prier tant de fois par jour ou par
semaine. Le seul précepte est qu’il faut
prier sans cesse. Ce qui ne veut
évidemment pas dire qu’il faille sans cesse réciter des prières, mais qu’il
faut maintenir aussi constante que possible en soi cette attitude fondamentale
de présence à Dieu, de présence à la Présence.
Une attention à la présence de Dieu qui sera évidemment plus consciente
et plus aiguë à certains moments ; plus latente à d’autres moments, mais
qui peut et qui doit demeurer constante à travers toutes les occupations de la
vie. S’il n’y a pas cette préoccupation paisible de vivre constamment en
présence de Dieu, toutes les prières que l’on pourra faire dans ce qu’on
appelle les « moments forts » risquent bien d’être artificielles.
Il y a dans la vie d’un
moine cistercien des temps consacrés au travail, des temps consacrés à la
lecture de la Parole de Dieu ou à l’étude et des temps consacrés à la prière
privée ou commune explicite. Le moine
est appelé à maintenir une attitude contemplative d’attention à Dieu en chacune
de ces activités. Si l’on n’est pas
contemplatif au travail, qu’on ne se fasse pas illusion, on ne le sera pas plus
lorsqu’on chantera la Prière des Heures avec ses frères, ou qu’on sera à genoux
devant le Saint Sacrement ou en position de lotus dans sa cellule (même avec
une bougie et un bâton d’encens !).
Être contemplatif au
travail ne veut pas dire réciter des prières ou même penser à des choses
spirituelles pendant que je travaille.
Cela veut dire simplement être présent à Dieu ; et la meilleure
façon d’être présent à Dieu est d’être totalement présent à ce que je fais, me
préoccupant de le faire aussi parfaitement que possible, que ce soit un travail
manuel, agricole ou industriel, un travail technique ou une activité
intellectuelle. Le travail est en
lui-même une union à Dieu, puisqu’il est une participation à l’activité créatrice
de Dieu qui est constamment en train de créer le monde à travers toutes nos
activités. Il y a sans doute des travaux
qui permettent plus facilement que d’autres de réciter des prières ou de penser
aux choses spirituelles ; mais ces activités ne sont pas pour autant plus
priantes que celles qui demandent d’être totalement attentif à chaque mouvement
physique ou à chaque activité de l’esprit pour que notre travail soit bien
fait.
Une activité importante
dans la vie du moine, à côté du travail, est celle par laquelle il s’efforce –
à travers une activité intense du coeur et de l’esprit de pénétrer toujours
plus à fond dans la connaissance des mystères de la foi. C’est ce qu’on appelle de nos jours la lectio divina. L’expression est devenue populaire ces
dernières décennies ; mais la réalité est très ancienne. Et même, sous cette expression de lectio les anciens moines mettaient une
réalité beaucoup plus large que celle qu’on met de nos jours.
De nos jours on a
souvent fait de la lectio divina une
observance entre d’autres, même si on la considère comme l’une des plus
importantes. Or, dès que l’on fait de la
lectio une « observance »,
on la vide de son sens le plus profond.
Pour les Anciens, la lectio
n’était pas une observance mais une attitude – une attitude qui doit
caractériser toute notre approche de la réalité. Cette attitude consiste à se laisser
constamment interpeller personnellement par la Parole de Dieu et à se laisser
transformer et convertir par elle. Or,
Dieu nous parle de mille et une façon.
Il nous parle à travers sa Parole inspirée dans les Écritures de
l’Ancien et du Nouveau Testament. Il
nous parle à travers la Tradition de l’Église.
Il nous parle à travers tous les événements de l’histoire et en
particulier ceux que nous avons personnellement à vivre. Il nous parle à travers les personnes avec
qui nous vivons, et il nous parle constamment au fond de nos coeurs. C’est à l’égard de toutes ces formes
d’expression de la Parole de Dieu que je dois avoir une attitude d’ouverture gratuite
et de réceptivité. Si je ne l’ai pas en
étudiant ou en écoutant mon frère, je ne l’aurai pas non plus en lisant
l’Écriture dans le silence de ma cellule.
On se leurre totalement si l’on pense être un homme ou une femme de
prière parce que l’on fait soigneusement son heure d’oraison et son heure de lectio tous les jours, si l’on ne
s’efforce pas de maintenir la même ouverture du coeur dans toutes nos autres
occupations.
Évidemment la Parole de
l’Écriture doit avoir une place privilégiée dans notre vie de prière ;
parce qu’elle nous transmet l’expérience spirituelle de nombreuses générations
de croyants et de priants. Cette Parole
est non seulement vivante mais elle est nouvelle chaque fois que nous la
lisons, parce que nous sommes nous-mêmes différents chaque fois que nous
l’approchons. Elle vient chaque fois
nous interpeller là où nous sommes à ce moment précis. Mais faire une distinction nette et absolue
entre lectio et les autres formes de
lecture ou d’étude, comme le fait la plupart du temps la littérature actuelle
sur la lectio me semble non seulement
faux mais dangereux. Nous devons au contraire faire toute forme d’étude et de
lecture dans l’attitude de ce que nous appelons lectio ; c’est-à-dire nous laisser interpeller et transformer
par la Vérité qui nous atteint à travers toutes ces médiations.
Le moine cistercien est
un cénobite ; c’est-à-dire quelqu’un qui vit en commun avec des
frères. C’est pourquoi la prière qu’il
s’efforce de vivre aussi constamment que possible tout au long de sa journée,
il l’exprimera plusieurs fois par jour – et aussi de nuit – dans une
célébration commune qu’on appelle aujourd’hui l’Office Divin ou, plus
couramment depuis le Concile, la Prière des Heures. Saint Benoît, dans sa Règle, lui donne le nom
d’Opus Dei – d’Oeuvre de Dieu. Cette expression est très belle. Il s’agit réellement d’un travail, un opus.
C’est une action commune. Ce ne sont pas les seuls moments de prière de
la journée, puisque nous devons nous efforcer de prier sans cesse, mais les
moments où nous mettons en commun tous les éléments qui forment le coeur de
notre vie.
Dans l’Opus Dei, il ne s’agit pas de réciter
ensemble de belles formules qui permettront à chacun d’avoir des pensées
pieuses et de prier intimement dans le secret de son coeur. Si cela arrive, tant mieux. Mais ce n’est pas là le but de l’Office.
L’Office est une « activité », un geste extérieur et collectif de
prière, composé de lectures, de chants, de gestes corporels, de silence. C’est tout cet ensemble qui est prière. Si je chante une antienne ou un hymne, ma
meilleure façon de prier ne sera pas de chanter de façon quelconque et
imprécise, tout en faisant de belles réflexions intérieures à partir du
texte ; mais bien d’être totalement présent à ce que chante, en respectant
le rythme du texte et de la musique.
L’Office tout entier,
en plus d’être un geste collectif de prière, est un moment collectif de lectio.
À travers les nombreuses lectures bibliques, et les lectures d’auteurs
plus récents ; à travers les oraisons et les psaumes, c’est toute la communauté
comme telle – et non seulement les individus qui la composent – qui se laisse
interpeller, construire et transformer par la Parole de Dieu.
Selon la tradition
monastique ancienne, les psaumes ne sont pas des « prières » que nous
devons essayer de faire nôtres pour exprimer nos propres sentiments de prière –
ce qui est souvent impossible ou demande une gymnastique intellectuelle
considérable. Ils doivent plutôt être
traités comme des « lectures » de la même façon que les autres textes
de l’Écriture. Ce sont des textes qui nous mettent en contact avec l’expérience
spirituelle de grands croyants et de grands priants, à une époque particulière
de l’histoire du salut et de la révélation, longtemps avant la venue du Christ
et la pleine révélation du Dieu Amour.
C’est pourquoi, selon la tradition ancienne, chaque psaume était suivi
d’un moment de silence, puis d’une prière à saveur proprement chrétienne. Si l’on approche les psaumes de cette façon,
on ne sera pas troublé par certains psaumes qui manifestent des désirs de
vengeance ou le désir de la mort des ennemis.
Ils représentent une étape dans le cheminement spirituel du Peuple de
Dieu.
La lecture d’auteurs
plus récents, en particulier durant l’Office de Nuit et avant – ou durant –
l’Office de Complies nous met aussi en contact avec l’expérience spirituelle
d’hommes et de femmes de Dieu plus proches de nous dans le temps. Et cela aussi est important pour nous aider –
aussi bien en tant qu’individus qu’en tant que communauté – à pénétrer plus à
fond dans notre propre expérience.
À ce point de vue,
certaines perspectives de l’herméneutique moderne, celles de Paul Ricoeur par
exemple, qui rejoignent d’ailleurs les intuitions des Pères de l’Église,
peuvent nous aider à comprendre ce que nous vivons. Selon Ricoeur, lorsque nous lisons un texte
ancien – ou même un texte récent – nous n’entrons pas tellement en contact avec
la « pensée » de l’auteur du texte, mais avec la réalité même dont il
nous parle. Tous ces textes, ceux de
l’Écriture en particulier, sont prégnants d’une infinité de sens. Et de nouveaux sens se révèlent à nous chaque
fois que nous les lisons, parce que nous sommes chaque fois une personne un peu
différente que lors de notre lecture précédente. Et c’est pourquoi, nous pouvons lire et
relire des centaines et des centaines de fois les mêmes textes, et ils sont
toujours nouveaux parce qu’ils nous atteignent chaque fois à un point différent
de notre être.
Cette expérience
personnelle, individuelle et collective, qui s’élabore au fil de cette lectio, au cours de l’Office Divin, nous
pouvons l’exprimer dans des prières spontanées, ce que les Règles liturgique
d’après Vatican II nous permet beaucoup plus facilement qu’auparavant. Et l’expérience spirituelle de plusieurs
cisterciens de nos jours a été exprimée à travers des hymnes, des cantiques et
des oraisons liturgiques qui ont connu diverses éditions ces dernières années.
Au coeur de l’ensemble
liturgique de la vie d’une communauté monastique, il y a évidemment la
célébration eucharistique. Cette
célébration s’insère réellement dans l’ensemble plus large de toute la prière
commune de la communauté. Il s’agit ici
aussi de vivre et d’exprimer la prière continuelle. Dans la première partie de l’Eucharistie,
nous nous mettons, tout comme dans les autres Offices, à l’écoute du témoignage
des grands témoins de l’Ancien et du Nouveau Testament qui nous ont transmis la
Parole de Dieu enrobée dans l’expérience qu’ils en on vécue – en effet, la
Parole de Dieu ne nous parvient jamais dans l’abstrait, mais toujours sous la
forme d’une Parole reçue, vécue et retransmise à travers l’expérience
vécue. Dans la seconde partie de la
célébration nous recevons la Parole de Dieu incarnée.
Les premiers
Cisterciens au vécu, au 12ème siècle, à une époque où se dessinait
dans le Peuple de Dieu une attention particulière à l’humanité du Christ et ils
ont développé dans leur propre spiritualité -- saint Bernard plus que tout
autre -- une dévotion très vive et très tendre à cette humanité du Christ. C’est probablement ce qui explique l’approche
très « incarnée » de la prière telle que vécue par les Cisterciens et
telle que j’ai essayé de vous la décrire depuis le début de cet entretien. La rencontre de Dieu du moine cistercien se
veut incarnée : incarnée dans son travail, dans sa lecture et ses études,
incarnée dans ses rencontres fraternelles comme dans ses moments d’oraison
personnelle ou de célébration collective de la liturgie et elle trouve son
sommet dans l’union physique avec le Verbe incarné dans la réception du Corps
et du Sang du Christ.
Toute cette expression
collective de la prière, le moine cistercien la vit dans un lieu particulier
qu’on appelle une église et que saint Benoît appelait l’oratoire, c’est à dire
le lieu où l’on prie.
Un temple chrétien est
une réalité toute différente que les temples païens ou ceux des grandes
traditions spirituelles d’Asie, l’hindouisme par exemple. Dans ces traditions, le temple est le lieu de
résidence de la divinité. Dans le
Christianisme, l’église ou la basilique est d’abord la maison du peuple de Dieu. Et elle devient maison de Dieu parce que le
Christ a promis que partout où deux ou trois seraient réunis en son nom il
serait au milieu d’eux. Ainsi en est-il de l’église cistercienne. Dans toute sa simplicité et son dépouillement
elle est conçue d’abord comme un lieu où la communauté se réunit pour vivre
collectivement sa prière, comme je viens de l’expliquer. Comme saint Benoît l’a prévu dans sa Règle,
l’un ou l’autre frère peut désirer demeurer quelques instants à l’église après
la célébration commune, ou s’y rendre un bout de temps plus ou moins long avant
que l’Office ne commence. L’un ou
l’autre frère peut aussi aller à l’église pour méditer ou prier entre les
Offices. Mais si vous entrez dans une église cistercienne au milieu de la
matinée ou de l’après-midi et que vous ne voyez aucun frère à l’église, ne vous
surprenez pas. C’est normal. Vous pouvez simplement espérer que tous les
frères sont en train de prier de diverses façons, à travers diverses
occupations.
La communion qui unit
les frères à Dieu et entre eux ne serait pas authentique si elle les refermait
sur eux-mêmes. Cette communion doit
normalement être ouverte sur l’extérieur. Saint Benoît, dans sa Règle prévoyait
déjà que les hôtes ne manquent jamais dans un monastère et il prévoyait tout un
rituel pour les recevoir avec le même respect qu’on recevrait le Christ. Tout monastère cistercien a ce qu’on appelle
une hôtellerie, pour recevoir ceux et celles qui veulent venir non seulement se
reposer physiquement, mentalement et spirituellement, mais aussi partager la
prière des moines. Cette ouverture au
partage fait partie de l’expérience de prière du moine cistercien. Elle prend des formes diverses selon les
personnes. Dans beaucoup de cas elle
consistera simplement dans le partage pour quelques jours de l’espace de
tranquillité et de solitude que les moines se sont constitué pour favoriser
leur recherche de la prière continuelle.
Dans d’autres cas elle consistera dans le partage des moments de prière
collective à l’église. Là aussi, il y a des possibilités diverses selon le
besoins et les désirs de chacun. L’un
préfèrera se joindre silencieusement à la prière des moines en se contentant d’écouter
et de se laisser porter par le mouvement de la prière commune. Un autre voudra suivre tous les textes, et
des livres ou feuillets lui seront fournis. Certains se joindront – plus ou
moins timidement – au chant des moines.
Les modalités importent somme toute peu.
Ce qui importe c’est la communion dans la prière.
Certains, sans aucun
désir de se faire moines, sentent le besoin de partager aussi intégralement que
possible la vie des moines durant une période plus ou moins longue de leur
vie – ce pourra être une semaine, un mois ou plus. Ils communient alors avec nous dans cette
recherche et cette ouverture à la grâce de la prière continuelle à travers
l’équilibre de tous les éléments de la vie commune : travail, lectio, office divin.
Enfin, de nos jours,
auprès de la plupart des monastères cisterciens, se sont créés de petits
groupes de laïcs qui se reconnaissent spirituellement dans la recherche
spirituelle des moines et qui créent de petites communautés de « laïcs
cisterciens » reliées à une communauté particulière de moines ou de moniales
de l’Ordre de Cîteaux. Ils n’essayent
pas de jouer au moine ou à la moniales, mais bien d’incarner dans leur vie de
laïcs – vie familiale et professionnelle – les mêmes valeurs que les moines
s’efforcent de vivre au monastère. Ils
donnent ainsi une nouvelle expression non seulement au charisme cistercien,
mais aussi à la façon particulière des Cisterciens de vivre dans tous les
éléments de leur vie le don de la prière chrétienne.
La communion des moines
est appelée à s’étendre non seulement aux hommes et aux femmes – chrétiens ou
non, pratiquants ou non – qui viennent dans leurs hôtelleries, mais aussi à
l’Église et à la société en général, qu’il portent dans leur prière et dont ils
parlent à Dieu ; mais d’une façon
plus particulière aux populations qui entourent le monastère. Selon les circonstances de lieu et de temps,
les communautés monastiques sont souvent appelées à exercer une action
caritative et sociale dans leur environnement.
Cette activité doit non seulement être portée par leur prière, mais elle
est aussi une forme de prière parce que forme de communion avec Dieu qui a dit
« ce que vous ferez au plus petit d’entre les miens c’est à moi que vous
l’aurez fait ».
En conclusion – Je suis
bien conscient qu’il est prétentieux pour qui que ce soit de décrire une
expérience de prière, comme je l’ai d’ailleurs dit au début de mon
entretien. Je suis conscient également
que ni moi ni aucun de mes frères cisterciens ne vivons parfaitement ce
programme de vie. Mais je puis vous
assurer que c’est au moins ce que nous nous efforçons de vivre.
Liège le 24 novembre 2005
Armand
Veilleux, ocso