La France se débarrasse d’un témoin gênant

Dans mon mémo du 23 mars je mentionnais  le danger que courait en France Abdelkader Tigha dans le contexte actuel. Or un communiqué publié le 3 mai 2007 par la FIDH (Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme) qui s’occupe du dossier « Tigha » depuis plusieurs années titrait : « La France se débarrasse d’un témoin essentiel dans le dossier de moines français de Tibéhirine ».

Les efforts concertés des services secrets algériens et français pour empêcher ce témoin de parler se poursuivent.  Je mentionnais dans ma note précédente que l’apparition médiatique de Sarkozy à Tibhirine n’était pas sans lien avec sa campagne électorale.  Ni, probablement, l’arrestation et la déportation d’un algérien vers l’Algérie peu après. Ni, sans aucun doute, ce dernier événement.

Abdelkader Tigha est arrivé en France le 14 février et se présentait au Commissariat de police avec une avocate dans les jours suivants pour demander l’asile politique.  On le fait  revenir le 6 mars, le 20 mars, le 4 avril, puis le 17 avril.  À cette date (17avril) on lui demande des photos et on le convoque de nouveau pour le 2 mai. Lorsqu’il se présente à cette date à la préfecture, on l’arrête et on lui notifie qu’il sera renvoyé au Pays Bas selon une décision « exécutoire immédiatement » portant la date du 21 mars (on s’est donc joué de lui durant tout ce temps).  Il est fort curieux qu’on ait choisi le 2 mai, jour où toute la presse est occupée par le débat Ségo-Sarko pour l’arrêter, alors qu’il a déjà été convoqué au commissariat de police deux fois depuis le 21 mars, et qu’on ne lui a jamais mentionné cette décision.  Le fait qu’il ait assisté la veille au grand ralliement de Ségolène au Stade Charléty n’est peut-être pas totalement étranger à son arrestation le 2 mai !

Tigha est l’un des témoins importants que devait entendre le juge d’instruction Bruguière concernant l’affaire des moines de Tibhirine.  S’il est vrai que son interrogation aux Pays-Bas présentait certaines difficultés administratives, il est surprenant que le juge Bruguière  n’ait pas profité de ce long séjour de Tigha en France pour l’interroger.  Tout au plus l’a-t-il fait auditionner une fois par des agents de la DST qui l’ont essentiellement interrogé sur son parcours depuis son départ d’Algérie en 1999 plutôt que sur l’affaire des moines.

Une fois de plus est démontrée la collusion entre la France et l’Algérie pour empêcher que toute vérité soit faite non seulement sur l’Affaire des moines de Tibhirine mais aussi sur les longues années de violence en Algérie.

Pour le moment, 4 mai 2007, Tigha est toujours en détention à Vincennes, en attente d’être renvoyé aux Pays-Bas. Sur intervention de ses avocats, son dossier doit être examiné aujourd’hui par le Juge des Libertés et de la Détention.

4 mai 2007

Armand Veilleux

 

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